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Article | 13/03/2025

La convection profonde hivernale ou la mer sens dessus dessous

13/03/2025

Mathieu Rembauville

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Campagnes de mesures océanographiques et compréhension de la réhomogénéisation verticale de la colonne d’eau par convection en Méditerranée. Impact sur les efflorescences phytoplanctoniques printanières et suivi pluriannuel.


La mer Méditerranée, quelque part dans le Golfe du Lion pendant une tempête hivernale en février 2013

Figure 1. La mer Méditerranée, quelque part dans le Golfe du Lion pendant une tempête hivernale en février 2013

Photographie prise depuis le pont du navire océanographique le Suroît durant la campagne DeWEx leg 1.


La mer Méditerranée est un bassin semi-fermé qui ne représente que 1 % de la surface océanique mondiale. Considérée comme un « point chaud » de biodiversité, c'est aussi un bassin qui subit d'importantes pressions anthropiques du fait de la forte densité de population installée sur ses côtes (Durrieu de Madron et al., 2011 [1]). Du fait de ses dimensions réduites, la mer Méditerranée possède un temps de réponse court aux forçages météorologiques et climatiques. Elle peut ainsi être considérée comme un laboratoire naturel à petite échelle pour étudier les mécanismes physiques et chimiques qui régissent le fonctionnement des océans globaux. Parmi ces processus, la formation d'eau dense, généralement observée en mer du Labrador, mer du Groenland, mer de Weddel et mer de Ross, et considérée comme le moteur de la circulation thermohaline, a aussi lieu en Méditerranée Nord-occidentale. Les campagnes océanographiques DeWEx (Deep Water Experiment), réalisées en février et avril 2013, ont eu pour objectif de documenter les mécanismes physiques à l'origine de la convection profonde hivernale ainsi que la conséquence de ce mélange sur l'efflorescence phytoplanctonique au printemps.

Mesurer la stabilité de la masse d'eau

Les images satellitaires de couleur de l'eau permettent de mesurer la concentration en chlorophylle à la surface de l'eau, considérée comme un estimateur de la biomasse totale du phytoplancton. En février 2013, une grande surface très pauvre en chlorophylle (< 0,2 µg/L) est observable au centre du golfe du Lion et s'étend au Nord-Est jusqu'en mer de Ligurie. Or, au printemps, cette zone qui était appauvrie en hiver montre un enrichissement marqué en chlorophylle avec des concentrations dépassant 2 µg/L. Cette première observation suggère un lien entre l'intensité du mélange hivernal et l'importance de l'efflorescence phytoplanctonique printanière.

Cartes de concentration en chlorophylle de surface mesurée par satellite (MODIS-Aqua) en hiver (février 2013, campagne DeWEx leg 1) et au printemps (avril 2013, campagne DeWEx leg 2)

Figure 2. Cartes de concentration en chlorophylle de surface mesurée par satellite (MODIS-Aqua) en hiver (février 2013, campagne DeWEx leg 1) et au printemps (avril 2013, campagne DeWEx leg 2)

Les points blancs correspondent aux stations hydrologiques au cours desquelles des profils verticaux ont été réalisés avec une bathysonde. La zone délimitée par une ligne noire en hiver correspond à la zone convective caractérisée par une concentration en chlorophylle inférieure à 0,2 µg/L. Les stations 23 et 28 sont détaillées en figure 4.


Mise à l'eau de la bathysonde CTD-rosette à partir du navire océanographique Le Suroît

Figure 3. Mise à l'eau de la bathysonde CTD-rosette à partir du navire océanographique Le Suroît

La sonde CTD mesure les variables physico-chimiques de la masse d'eau à haute fréquence lors de la descente de la bathysonde et communique les données en temps réel au navire par l'intermédiaire du câble électroporteur. La rosette de 12 bouteilles Niskin permet d'échantillonner de l'eau aux profondeurs voulues lors de la remontée de la bathysonde.


Écran de contrôle en temps réel des mesures réalisée par la sonde CTD pendant la mission océanographique DeWEx

Figure 4. Écran de contrôle en temps réel des mesures réalisée par la sonde CTD pendant la mission océanographique DeWEx

L'ensemble des variables mesurées est quasi-homogène de la surface au fond (2400 m). Une telle observation n'est possible que dans des conditions hivernales très spécifiques et rarement observées lors de campagnes océanographiques.


Lors de la première campagne hivernale (leg 1) de février 2013, de nombreux profils verticaux ont été réalisés à l'aide d'une sonde CTD (conductivity-temperature-depth, figure 3). Cet instrument mesure la pression, la température et la conductivité de l'eau de mer en temps réel et à haute fréquence au cours de sa descente dans la masse d'eau. La conductivité permet de calculer la salinité de l'eau de mer en la comparant à celle d'une solution standard de KCl. Si la salinité est souvent exprimée en kilogramme de sel par litre d'eau, la salinité pratique mesurée par la sonde CTD est dérivée d'un rapport de conductivité, et on l'exprime donc sans unité. La température et la salinité mesurées permettent de calculer la masse volumique ρ de l'eau de mer, généralement proche de 1 028 kg/m3. Par commodité, on la représente souvent comme l'excès de masse volumique par rapport à l'eau pure (1 000 kg/m3). On calcule ainsi l'excès de masse volumique : σ = ρmesuré – 1 000.

Profils verticaux de température, salinité et excès de masse volumique (σ) lors de la campagne hivernale du programme DeWEx, stations 28 et 23

Figure 5. Profils verticaux de température, salinité et excès de masse volumique (σ) lors de la campagne hivernale du programme DeWEx, stations 28 et 23

En station 28, une pycnocline marquée permet de localiser une profondeur de couche de mélange d'environ 100 m. En station 23, les trois paramètres présentent une distribution quasi-verticale qui prouvent un mélange de la masse d'au atteignant le fond du bassin.


À la station 28, localisée au Nord des iles Baléares, la température en surface dépasse les 13,4°C dans les 100 premiers mètres puis diminue brusquement à une profondeur appelée thermocline (figure 5). La mer étant chauffée par l'atmosphère, sa température est généralement décroissante avec la profondeur pour atteindre une température constante de 12,9°C dans les eaux de fond méditerranéennes. La salinité montre un profil inverse, avec les valeurs les plus faibles en surface et une augmentation abrupte à une profondeur appelée halocline. La faible salinité de l'océan de surface peut témoigner d'un apport d'eau douce en zone côtière. L'excès de masse volumique, σ, montre des valeurs minimales en surface et une augmentation avec la profondeur. La masse volumique diminue avec la température et augmente avec la quantité de sels dans l'eau. Le fort gradient de masse volumique localisé vers 100 m, appelé pycnocline, permet de séparer l'océan de surface, chaud, peu salé et peu dense, de l'océan profond, plus froid, plus salé et plus dense. Cette barrière physique matérialise la stratification de l'océan et fixe la profondeur de la couche de mélange (MLD, mixed layer depth). La couche de mélange correspond à la partie superficielle de l'océan mélangée par les vents et dans laquelle se trouve le phytoplancton. Pour déterminer la profondeur de la couche de mélange, un critère souvent retenu est une augmentation brusque de la masse volumique. Ainsi la MLD peut être définie comme la profondeur à laquelle la masse volumique dépasse de +0,03 kg/m3 celle à 10 mètres de profondeur. À la station 28, la couche de mélange clairement identifiable à une profondeur d'environ 100 m témoigne d'une masse d'eau que l'on peut qualifier de “stable” ou “stratifiée”.

Les mesures réalisées à la station 23 montrent une masse d'eau quasi-homogène de la surface à plus de 2 000 mètres de fond. La couche de mélange atteint donc le fond de la Méditerranée à cette station. Cette situation suggère un forçage atmosphérique suffisamment intense pour briser la stratification observable en périphérie de la zone convective.

Le forçage atmosphérique à l'origine de la convection

Les modèles météorologiques permettent de cartographier les vents pendant la campagne océanographique (figure 6). On identifie le mistral, vent du Nord soufflant dans la vallée du Rhône entre le Massif Central et les Alpes, et la tramontane qui souffle dans la vallée de l'Aude entre la Montagne Noire et les Pyrénées. Ces deux vents issus des zones froides de haute pression au Nord convergent vers la dépression située dans le Golfe du Lion, souvent entretenue par la température encore chaude de l'eau de surface en fin d'automne. De tels vents complexifient la logistique des campagnes océanographiques et mettent le matériel et le personnel à rude épreuve, ce qui explique la rareté des données océanographiques collectées en hiver.

Carte de la vitesse du vent au niveau de la mer et de sa direction moyennées pour le mois de février 2013

Figure 6. Carte de la vitesse du vent au niveau de la mer et de sa direction moyennées pour le mois de février 2013

Données issues du modèle de circulation atmosphérique ECMWF (European Center for Medium range Weather Forecasts), produit ERA5. Le point blanc à 42°N, 5°E, baptisé point « Lion », représente la localisation de la série temporelle présentée en figure 8.


Les conditions de mer pendant une campagne hivernale en Méditerranée

Figure 7. Les conditions de mer pendant une campagne hivernale en Méditerranée

A. La mer blanchie par le vent avec des rafales dépassant les 150 km/h, photographie prise depuis la coursive du Suroît. L'échantillonnage est impossible dans de telles conditions.

B. Une fois le vent retombé, la houle résiduelle fait rouler le navire et rend les analyses en laboratoire compliquées.


L'échange de chaleur entre l'eau de surface et l'atmosphère s'exprime sous la forme du flux de chaleur net (Qnet en W/m2). Il s'agit du bilan entre l'énergie apportée à l'océan par les radiations solaires de courte longueur d'onde (QSW pour short wave) et l'énergie perdue par l'océan en direction de l'atmosphère par rayonnement dans l'infrarouge (QLW pour long wave), celle perdue par conduction (QS pour sensible) et enfin celle perdue par évaporation (QL pour latent).

Qnet = QSW + QLW + QS + QL

Les modèles météorologiques et les modèles de physique océanique permettent d'estimer l'échange de chaleur air/mer et les propriétés physiques de l'eau de surface en dehors des campagnes océanographiques (figure 8). Quand Qnet est négatif, l'océan cède de la chaleur à l'atmosphère car les pertes sont supérieures aux gains. Dans le cas des tempêtes hivernales les deux termes très négatifs à l'origine du déficit sont le flux de chaleur par conduction QS (provoqué par la différence de température air-mer) et le flux de chaleur latente QL (provoqué par l'évaporation intense causée par les vents). Le flux de chaleur net devient positif au printemps : l'atmosphère fournit alors de la chaleur à l'océan de surface quand les vents baissent et que l'intensité lumineuse augmente (QSW augmente). Au point « Lion », la température de l'eau de surface diminue de 15°C à 13°C entre décembre et janvier tandis que la salinité augmente de 38,2 à 38,5. Ces changement sont concomitants des périodes de Qnet négatif et sont donc le résultat du forçage atmosphérique. Les vents puissants et soutenus depuis décembre refroidissent l'eau de surface et provoquent son évaporation, ce qui augmente la salinité. La densité de l'eau de surface augmente progressivement jusqu'à ce qu'elle atteigne, voire dépasse, celle des eaux profondes. La stratification océanique est perdue, la colonne d'eau est instable et les eaux de surface plongent en profondeur tout en étant remplacées par les eaux de fond. C'est la convection profonde hivernale, qui explique la grande dilution du phytoplancton observée sur les images satellitaires (figure 3).

Forçage atmosphérique et propriétés physiques de l'eau de surface au point « Lion » (42°N - 5°E, centre du Golfe du Lion)

Figure 8. Forçage atmosphérique et propriétés physiques de l'eau de surface au point « Lion » (42°N - 5°E, centre du Golfe du Lion)

Le flux de chaleur net (Qnet, ici en moyenne hebdomadaire) correspond à l'échange de chaleur entre l'eau et l'air (données ECMWF). Il est négatif quand la mer cède de la chaleur à l'atmosphère et positif quand l'atmosphère réchauffe l'eau de surface. La masse volumique de l'eau de surface atteint un maximum en février ce qui déclenche la convection profonde (modèle Symphonie).


L'important réseau de stations réalisées lors des campagnes DeWex, conjointement au instruments autonomes déployés dans la zone (planeurs sous-marins, flotteurs profileurs) permet de mieux comprendre l'organisation géographique du mélange hivernal. La convection profonde jusqu'au fond du bassin s'avère être un phénomène ponctuel à la fois temporellement et géographiquement. Elle forme des « cheminées convectives » d'un diamètre kilométrique et dans lesquelles les vitesses verticales atteignent 10 cm/s (figure 9). Autour de ces colonnes ponctuelles s'observe une « zone mélangée » de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre dans laquelle la MLD s'approfondit significativement de plusieurs centaines de mètres sans pour autant atteindre le fond. Autour de ce patch, l'océan reste stratifié avec des MLD inférieures à 100 m.

Schéma des étapes de la convection océanique

Figure 9. Schéma des étapes de la convection océanique

A. Phase de pré-conditionnement : la présence d'un gyre cyclonique tend à remonter les isopycnes (lignes d'isodensité) ce qui provoque une faible stratification et une pycnocline peu profonde.

B. Phase de mélange actif : les vents constituent un puits de chaleur et accélèrent l'évaporation (flèches grises) ce qui fini d'éroder la stratification et initie la convection. Dans la « zone mélangée » se trouvent d'étroites cheminées convectives où la MLD peut atteindre le fond (flèches noires).

C. Homogénéisation de la « zone mélangée ».

D. Restratification printanière : le réchauffement de l'eau de surface par l'atmosphère installe une nouvelle pycnocline en surface tandis que les eaux denses formées l'hiver se répartissent au fond du bassin.


Les conséquences biogéochimiques de la convection

La rosette de bouteilles Niskin associée à la sonde CTD permet d'échantillonner l'eau de mer à des profondeurs voulues lors de la remontée de la bathysonde du fond vers la surface. L'eau prélevée est analysée par spectrophotométrie pour mesurer les concentrations en sels nutritifs comme les nitrates (NO3), phosphates (PO43−) et l'acide silicique (Si(OH)4, abusivement appelé « silicates » par les océanographes). Ces nutriments sont indispensables à la croissance du phytoplancton dans l'océan de surface éclairé par le Soleil. L'efflorescence phytoplanctonique (ou bloom) au printemps s'accompagne donc d'un appauvrissement progressif de la couche de mélange en sels nutritifs. À la mort du phytoplancton, les cellules coulent en profondeur et la matière organique particulaire est reminéralisée par les bactéries hétérotrophes en nutriments dissouts. En fin de période productive, le profil vertical de sels nutritifs est donc typiquement appauvri en surface et enrichi en profondeur (figure 10A). À la station 23, les profils verticaux de sels nutritifs montrent des tendances similaires à celles observées pour les paramètres physiques : la convection profonde hivernale a ramené des nutriments depuis le réservoir profond vers la surface (figure 10B). Lors de la restratification au printemps, les zones convectives en hiver contiennent donc des concentrations plus importantes en sel nutritifs que les zones stratifiées, ce qui soutient une production primaire plus intense (figure 2).

Profils verticaux des sels nutritifs lors de la campagne DeWEx Leg1

Figure 10. Profils verticaux des sels nutritifs lors de la campagne DeWEx Leg1

A. Dans une station stratifiée, la couche de mélange reste appauvrie en nutriments nitrates (NO3) et acide silicique (Si(OH)4).

B. Dans une station mélangée par la convection, la couche de mélange est enrichie en nutriments susceptibles de soutenir une production primaire plus intense au printemps.

C. Rapports molaires Si(OH)4 / NO3 moyennés pour les stations classées selon l'intensité de la convection. Les stations affectées par la convection profonde possèdent des rapports Si(OH)4 / NO3 significativement plus élevés en surface que les autres stations.


Un résultat plus surprenant issu des campagnes DeWEx concerne la stœchiométrie des nutriments, c'est-à-dire l'étude de leur rapports molaires. Les zones de convection intense atteignant une profondeur supérieure à 1000 mètres sont associées à des rapports Si(OH)4 / NO3 environ 15 % plus élevés que dans les zones peu convectives (figure 10C, Leblanc et al., 2018 [2]). Le rapport Si(OH)4 / NO3 en couche de mélange après l'évènement convectif s'avère donc dépendant de la profondeur atteinte par la convection. Au fond des bassins océaniques, à proximité des sédiments, la concentration en Si(OH)4 est particulièrement élevée du fait de la dissolution des frustules de diatomées accumulés par sédimentation ainsi que des potentiels sédiments silicatés d'origine continentale. Contrairement à l'acide silicique Si(OH)4, les ions nitrates NO3 ne montrent pas un enrichissement si prononcé en profondeur. En ramenant des eaux de fond vers la surface, la convection profonde hivernale impose en couche de mélange une signature chimique enrichie en Si(OH)4 relativement aux NO3.

La stœchiométrie des nutriments en couche de mélange va alors contraindre la structure de la communauté planctonique lors de l'efflorescence (ou bloom) printanière. Il a été observé au printemps, lors de la seconde campagne (leg 2) du programme DeWEx, que les zones affectées par la convection profonde contiennent une forte abondance de petites diatomées du genre Minidiscus qui peuvent représenter jusqu'à plus de 25 % de la biomasse phytoplanctonique totale alors qu'elles sont absentes des zones non convectives (figure 11, Leblanc et al., 2018 [2]). Après leur mort, les diatomées possèdent une vitesse de chute importante dans l'océan du fait de la densité de leur frustule siliceux associée à leur capacité à former des agrégats de grande taille. La matière organique est alors peu reminéralisée car le temps d'exposition au bactéries hétérotrophes est court avant d'atteindre l'océan profond. Cette pompe biologique séquestre du carbone pour des échelles de temps pouvant aller jusqu'aux millions d'années si la matière organique s'accumule dans les sédiments (Tréguer et al., 2018 [7]).

Micrographies en microscopie électronique à balayage de diatomées collectées au printemps

Figure 11. Micrographies en microscopie électronique à balayage de diatomées collectées au printemps

Tous les individus appartiennent au genre Minidiscus qui constitue le groupe dominant la biomasse phytoplanctonique totale lors de l'efflorescence printanière uniquement dans les zones affectées par la convection profonde hivernale. La barre d'échelle vaut 1 µm pour toutes les images.


L'avenir de la convection profonde hivernale

L'effort d'échantillonnage considérable réalisé dans le Golfe du Lion permet de mesurer la variabilité interannuelle de la convection hivernale (figure 12). La profondeur atteinte a augmenté de 400 m à plus de 2 000 m entre 2008 et 2013 avant d'être restreinte à moins de 500 m depuis 2014 (Margirier et al., 2020 [4]). Cette série temporelle est encore trop courte pour pouvoir interpréter la convection moins intense ces dernières années comme un signal climatique. Cependant tous les modèles océaniques convergent pour proposer une convection moins intense et moins fréquente à l'horizon 2050, en réponse à l'augmentation de la stratification causée par le réchauffement climatique (Macias et al., 2018 [3]). Des études pluriannuelles ont montré que la production primaire totale en Méditerranée occidentale est 50 % plus élevée les années où la convection profonde est intense en comparaison des années sans convection profonde (Mayot et al., 2017 [6]). Ces résultats suggèrent que si la convection devient moins fréquente ou moins intense à l'avenir, alors la production primaire qui en résulte pourrait diminuer avec des conséquences potentiellement importantes pour le réseau trophique méditerranéen.

Section verticale de température (°C) observée au points LION (42°N, 5°E) de 2007 à 2018

Figure 12. Section verticale de température (°C) observée au points LION (42°N, 5°E) de 2007 à 2018

Elle est construite à partir de l'ensemble des données disponibles, accumulées au cours des campagnes océanographiques, auxquelles s'ajoutent les mesures réalisées par les drones océaniques (flotteurs profileurs, planeurs sous-marins). La ligne noire représente la profondeur de la couche de mélange.


Les campagnes DeWEx ont précisé le lien entre le forçage atmosphérique, la convection profonde hivernale et la structure de la communauté phytoplanctonique au printemps. Ces résultats rappellent que l'atmosphère et l'océan sont deux enveloppes fluides étroitement couplées. Ils montrent également que la compréhension du cycle des éléments majeurs comme N (azote) et Si (silicium) dans l'océan nécessite une approche pluridisciplinaire mêlant physique, chimie, et biologie. De telles observations s'avèrent cruciales pour mieux représenter les couplages physique/biogéochimie dans les modèles climatiques et ainsi mieux prévoir les rétro-contrôles exercés par les variations climatiques sur le cycle des éléments. La convection profonde observée dans le Golfe du Lion reste un phénomène local et ponctuel au regard de l'océan global. Son étude à haute résolution apporte cependant des données abondantes et permet de construire un cadre théorique robuste pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les zones considérées comme fondamentales à la circulation thermohaline (mer du Labrador, mer de Norvège, par exemple).

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