Les dépôts quaternaires de l'Algarve (Sud du Portugal) : falaises de Praia da Falésia et Ria Formosa

Le bassin sédimentaire de l'Algarve, situé à l'extrême Sud du Portugal, à la fois à terre et en mer, sur 8 000 km² environ, s'est formé à la faveur de la dislocation de la Pangée à partir du Trias (un article précédent de Planet-Terre illustre d'ailleurs La discordance hercynienne du Cap Saint Vincent près de Sagres, Portugal, tout à fait à l'Ouest de l'Algarve). Ce bassin a enregistré une histoire géologique complexe, marquée pendant tout le Mésozoïque par des phases d'extension, de subsidence et de sédimentation marine, concomitantes à l'ouverture de l'Atlantique Nord ; puis, à partir du Cénozoïque, par une inversion de cette dynamique dans le contexte plus général de convergence entre plaques africaine et européenne. La sédimentation y est dominée par des dépôts carbonatés et silicoclastiques, reflétant des environnements marins variés au cours du temps, allant des plateaux carbonatés peu profonds aux environnements deltaïques ou lagunaires.

Or l'Algarve est une des régions touristiques estivales les plus importantes du Portugal et d'Europe, grâce à ses plages et son patrimoine aussi bien naturel qu’historique. Des millions de visiteurs ont donc l'occasion chaque année de découvrir la riche histoire géologique de la région.

Parmi les formations les plus représentatives du bassin de l'Algarve, nous avons évoqué dans un article précédent la formation de Lagos-Portimão, datée du Miocène inférieur à moyen, qui affleure largement dans les falaises littorales de Lagos à Albufeira, et compose des paysages très photogéniques de dentelle de pierre ocre battue par les vagues (cf. Les falaises du Miocène de l'Algarve, au Sud du Portugal).

Ici, nous allons admirer une autre formation littorale d'Algarve très esthétique, celle qui constitue les falaises dominant la plage de Falésia (Praia da Falésia), entre Olhos de Água et Vilamoura.

Le contraste est saisissant entre les sables blancs de la plage elle-même et la coloration rouge du sommet des falaises ; mais la morphologie érosive des falaises elles-mêmes est intéressante aussi. En effet, elles sont formées de grès mal consolidés, très vulnérables à l'érosion, ce qui donne de multiples effondrements (recul rapide des falaises, avec de gros blocs épars à leurs pieds) et un aspect de badlands sableux très spectaculaire.

Ces grès rougeâtres ont pu être datés du Plio-Quaternaire par l'étude de leur contenu fossile et du rapport isotopique ⁸⁷Sr/⁸⁶Sr des carbonates (cf. Pais et al., 2000[1]), et reposent sur la formation miocène de Lagos-Portimão étudiée précédemment. On peut diviser la séquence sédimentaire de la falaise en trois grandes séries, qui correspondent visuellement à un changement de couleur.

La série inférieure est grisâtre-blanche, indiquant un dépôt dans un système deltaïque actif au cours du Pliocène, connue sous le nom de Sables de Falésia ou Sables de Olhos de Água.

La série intermédiaire comprend des dépôts côtiers créés par un événement à haute énergie (tsunami ou tempête de forte intensité) ainsi que des dépôts de lagune marginale. Elle comprend un mince conglomérat fossilifère (os de mammifères marins, dents de requin…) reposant sur une surface érosive. Au-dessus du conglomérat se trouvent des couches de grès bioturbés à fossiles de foraminifères et de mollusques, indiquant un environnement marin peu profond au moment de son dépôt. L'évènement d'inversion paléomagnétique d'Olduvaï est enregistré au sommet de cette série, ce qui permet de dater la série supérieure du Pléistocène.

La série supérieure, appelée Sables de Faro-Quarteira, est formée de grès feldspathiques mal consolidés, de couleur orangée en raison de leur richesse en oxydes de fer, interprétés comme un dépôt sur un plateau continental peu profond durant le Pléistocène. Sur ces sables feldspathiques repose une unité de siltstone rouge épaisse de 2 mètres, contenant de nombreuses structures racinaires, interprétées comme un paléosol s'étant développé lors d'un épisode climatique chaud et humide, probablement il y a environ 125 000 ans.

Dans la partie orientale, à Vilamoura, on observe une augmentation de la fréquence des galets et blocs au sommet des falaises, qui correspondent à des dépôts alluviaux du Quaternaire, laissés par le fleuve Quarteira. Lorsque ce dernier a migré latéralement au sein de sa plaine alluviale, il a abandonné sur ses terrasses fluviales des sédiments plus grossiers : galets, graviers et blocs. Cela correspond probablement à des dépôts datant du Dernier Maximum Glaciaire, lorsque le niveau de la mer était environ 120 mètres plus bas qu'aujourd'hui, et le pouvoir érosif des fleuves bien plus fort.

Les visiteurs intéressés par des formations sableuses et argileuses encore plus récentes que les falaises quaternaires de Praia da Falésia pourront visiter la Ria Formosa à l'Est de Faro. Il s'agit d'un vaste système lagunaire (plus de 18 000 hectares), en partie protégé depuis 1987 par un parc (Parque Natural da Ria Formosa). On y trouve lagunes, canaux d'eau salée, marais salants, vasières et dunes en perpétuelle réorganisation, le tout séparé de la mer ouverte au Sud par une série d'iles-barrières sableuses (Ilha de Faro, Culatra, Armona, Tavira, etc.), bien alignées dans la direction Ouest-Est, c'est-à-dire parallèlement à la côte.

La Ria Formosa s'est probablement formée progressivement il y a quelques milliers d'années, à la fin de la dernière glaciation, lorsque la remontée du niveau marin a submergé les anciennes plaines littorales. Les courants marins et les vents déplacent les sédiments sableux et argileux en permanence, faisant évoluer les chenaux et la configuration des bancs de sable, et réorganisant le cordon dunaire à l'origine de la série d'iles-barrières.

Mais plus que géologique, l'intérêt de la Ria Formosa est biologique et écologique : c'est une zone humide d'importance internationale, notamment pour les oiseaux migrateurs, un refuge pour de nombreuses espèces rares, comme le pouillot ibérique, le caméléon méditerranéen et diverses plantes endémiques, et un écosystème riche servant de nurserie pour poissons, crustacés et oiseaux. C'est enfin une zone de pêche et de culture de mollusques (palourdes, huitres) majeure à l'échelle du Portugal.

Son équilibre est fragile, menacé par l'érosion, la montée du niveau marin, l'urbanisation galopante, la pollution et le tourisme de masse.