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Image de la semaine | 10/02/2025

Les gorges de Thurignin (Valromey-sur-Séran, Ain) : érosion et/ou dépôt ?

10/02/2025

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Marmites de géants et érosion mécanique creusant des gorges et petite chute d’eau favorisant le concrétionnement calcaire.


Les gorges de Thurignin, Valromey-sur-Séran, Ain, en juillet 2024, période de basses eaux

Figure 1. Les gorges de Thurignin, Valromey-sur-Séran, Ain, en juillet 2024, période de basses eaux

Ces gorges entaillent des calcaires du Crétacé inférieur (Bériasien et Valanginien).

Localisation par fichier kmz des gorges de Thurignin (Ain).


Nous avons vu la semaine dernière des dépôts de carbonates engendrés au niveau d'une petite cascade, alors que le ruisseau en amont de la cascade érode les calcaires du Crétacé inférieur (Urgonien) (cf. Le Pain de sucre de Brenaz, commune d'Arvière-en-Valromey (Ain), une “gigastalagmite” à l'air libre). Cette cascade, connue sous le nom de Pain de sucre ne se situe qu'à 6 km an Nord-Nord-Est des gorges de Thurignin. Nous allons voir cette semaine que dans le cours du ruisseau principal ayant creusé les gorges (le Séran) c'est l'érosion qui domine, l'érosion mécanique (et éventuellement un peu de dissolution / érosion chimique). Par contre, ce sont des dépôts quasi-stromatolitiques qui ont lieu dans le lit d'un petit ruisseau se jetant dans le Séran au niveau des gorges.

En fonction du débit, de la vitesse du courant, de la charge détritique, de la charge ionique et de la teneur en CO2, de la présence ou non d'organismes photosynthétiques de la température… c'est l'érosion mécanique (et éventuellement chimique) qui domine actuellement comme dans le lit du Séran. Par contre, juste à côte, et dans le même contexte géologique, dans le lit du petit affluent, et au moins depuis quelques siècles, il se dépose du calcaire (Ca2+ + 2 HCO3 → CaCO3 + H2O + CO2), en particulier aux zones d'accélération du courant. Une occasion d'illustrer plein de phénomènes géologiques avec des élèves. On trouve même des têtards et divers insectes, dans cette zone classée Espace naturel sensible.

Les gorges de Thurignin (en période de basses eaux), étroitesse des gorges et puissance érosive du Séran (Ain)

Figure 2. Les gorges de Thurignin (en période de basses eaux), étroitesse des gorges et puissance érosive du Séran (Ain)

Cette puissance érosive, sans doute assez faible en période de basses eaux, doit être beaucoup plus forte en période “normale” (voir figure 5), et à plus forte raison en période de crue.


Les gorges de Thurignin (en période de basses eaux), étroitesse des gorges puissance érosive du Séran (Ain), vue sous deux angles différents du même site

Figure 3. Les gorges de Thurignin (en période de basses eaux), étroitesse des gorges puissance érosive du Séran (Ain), vue sous deux angles différents du même site

Cette puissance érosive, sans doute assez faible en période de basses eaux, doit être beaucoup plus forte en période “normale” (voir figure 5), et à plus forte raison en période de crue.


Étroitesse des gorges de Thurignin (Ain) et puissance érosive du Séran (Ain), vue en période de basses eaux

Figure 4. Étroitesse des gorges de Thurignin (Ain) et puissance érosive du Séran (Ain), vue en période de basses eaux

Cette puissance érosive, sans doute assez faible en période de basses eaux, doit être beaucoup plus forte en période “normale” (voir figure 5), et à plus forte raison en période de crue.


Le Séran (Ain) en période “normale”

Figure 5. Le Séran (Ain) en période “normale”

En période de crue, l'eau doit envahir la surface horizontale dominant le torrent.


Partie amont des gorges du Thurignin (Ain) (vue prise en direction de l'aval), où elles sont très peu profondes

Figure 6. Partie amont des gorges du Thurignin (Ain) (vue prise en direction de l'aval), où elles sont très peu profondes

On devine que le creusement se fait, entre autres, par le creusement de marmites de géant.


Partie amont des gorges de Thurignin (Ain) (vue prise en direction de l'amont)

Figure 7. Partie amont des gorges de Thurignin (Ain) (vue prise en direction de l'amont)

La partie la plus profonde et la plus étroite des gorges (figures 1 à 4) se situe quelques dizaines de mètres plus en aval. Une marmite de géant à peine “hors d'eau” et remplie de galets est visible en bas à droite de l'image. La présence de marmites de géant montre que l'érosion mécanique joue une part prépondérante (pour ne pas dire exclusive) par rapport à l'érosion chimique/dissolution. Pour en savoir davantage sur la formation des marmites de géant, voir, par exemple, Les marmites de géant de la cascade du Sautadet, La Roque-sur-Cèze, Gard pour un creusement en pays calcaire, ou Les marmites de géant de Bourke le chanceux (Bourke's Luck Potholes), canyon de la Blyde River, Afrique du Sud.



Marmite de géant encore pleine d'eau mais où elle ne coule plus (à cause d'une baisse récente du débit en ce mois de juillet 2024), gorges de Thurignin (Ain)

Figure 9. Marmite de géant encore pleine d'eau mais où elle ne coule plus (à cause d'une baisse récente du débit en ce mois de juillet 2024), gorges de Thurignin (Ain)

Un gros galet de plusieurs kilogrammes est au centre de la marmite, sans doute apporté là pendant une crue. Cela monte la puissance de transport d'un cours d'eau en crue.




Une dizaine de mètres en aval de la partie la plus étroite des gorges, un petit ruisseau se jette dans le torrent principal (le Séran). Le cours de ce petit ruisseau domine d'environ 2 m le fond de la vallée principale. Et si les manifestations d'érosion abondent dans le lit principal du Séran, ce sont des manifestations de dépôts de calcaire et de concrétionnement qui dominent dans le lit de ce petit affluent.

Vue globale de l'arrivée d'un petit ruisseau venant de droite et chutant dans le lit du Séran, aval des gorges de Thurignin (Ain)

Figure 15. Vue globale de l'arrivée d'un petit ruisseau venant de droite et chutant dans le lit du Séran, aval des gorges de Thurignin (Ain)

Le Séran coule d'avant en arrière de la photo. Là où a lieu la rupture de pente et où débute la petite cascade que saute le petit ruisseau, on voit qu'il y a dépôt de calcaire qui forme un surplomb




Un segment du lit du petit affluent du Séran (Ain)

Figure 18. Un segment du lit du petit affluent du Séran (Ain)

On voit une morphologie mamelonnée comme on en voit dans la majorité des sources et ruisseaux “pétrifiants”, cf., par exemple, les figures 11 à 13 de Les tufières de Saint-Maurin, gorges du Verdon, La Palud-sur-Verdon, Alpes-de-Haute-Provence.


Détail sur un segment du lit du petit affluent du Séran (Ain)

Figure 19. Détail sur un segment du lit du petit affluent du Séran (Ain)

On voit une morphologie mamelonnée comme on en voit dans la majorité des sources et ruisseaux “pétrifiants”, cf., par exemple, les figures 11 à 13 de Les tufières de Saint-Maurin, gorges du Verdon, La Palud-sur-Verdon, Alpes-de-Haute-Provence.


Dépôts mamelonnés situés quelques mètres en amont de la photo précédente, sur l'affluent du Séran (Ain)

Figure 20. Dépôts mamelonnés situés quelques mètres en amont de la photo précédente, sur l'affluent du Séran (Ain)

Les gros blocs de roche transportés lors des crues sont en train d'être soudés entre eux par le calcaire.


Vue aérienne localisant les gorges de Thurignin (Valromey-sur-Séran, Ain)

Figure 23. Vue aérienne localisant les gorges de Thurignin (Valromey-sur-Séran, Ain)

Les gorges se situent entre les deux flèches rouges sur la photo.


Cadre morphologique des gorges de Thurignin (Ain) (flèche rouge)

Cadre géologique des gorges de Thurignin (Ain) (flèche rouge)

Figure 25. Cadre géologique des gorges de Thurignin (Ain) (flèche rouge)

Le Séran entaille des calcaires tabulaires du Crétacé inférieur (diverses nuances de vert) recouverts de dépôts glaciaires (gris).