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Image de la semaine | 27/01/2025

Moustiers-Sainte-Marie (Alpes de Haute Provence) : ses bâtiments en travertin, ses tufières actuelles et anciennes

27/01/2025

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Terrasse et carrières de travertin, dépôt de tuf au pied de la nappe de Digne.


Une des pierres d'angle de l'église Notre-Dame de l'Assomption de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 1. Une des pierres d'angle de l'église Notre-Dame de l'Assomption de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Les pierres d'angle, comme celles constituant la majorité des anciens bâtiments de Moustiers-Sainte-Marie sont en travertin. On reconnait bien la structure vacuolaire caractéristique de certains travertins, des formes qui ressemblent à des “fantômes” de restes végétaux…

Localisation par fichier kmz de l'église Notre-Dame de l'Assomption à Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) construite en travertin.


Détail d'une des pierres d'angle de l'église Notre-Dame de l'Assomption de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 2. Détail d'une des pierres d'angle de l'église Notre-Dame de l'Assomption de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Les pierres d'angle, comme celles constituant la majorité des anciens bâtiments de Moustiers-Sainte-Marie sont en travertin. On reconnait bien la structure vacuolaire caractéristique de certains travertins, des formes qui ressemblent à des “fantômes” de restes végétaux…



Détail du clocher de l'église de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 4. Détail du clocher de l'église de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Comme pour les figures précédentes, les pierres d'angle, et aussi celles des murs, sont en travertin.


Le clocher de l'église de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 5. Le clocher de l'église de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Comme pour les figures précédentes, les pierres d'angle, et aussi celles des murs, sont en travertin.


Moustiers-Sainte-Marie est un village des Alpes-de-Haute-Provence bien connu des touristes, non pas pour son travertin, mais pour son site au pied de hautes falaises, pour ses deux églises anciennes, pour sa chaine reliant deux “montagnes”, pour ses faïenceries, pour les gorges du Verdon distantes de moins de 6 km, pour les bords du lac de Sainte-Croix… Le bourg de Moustiers-Sainte-Marie (du moins la partie ancienne) est bâtie sur une terrasse de travertin, comme il en existe beaucoup dans ce secteur des gorges du Verdon (cf. Les tufières de Saint-Maurin, gorges du Verdon, La Palud-sur-Verdon, Alpes-de-Haute-Provence. Cette terrasse est située au pied de falaises calcaires, calcaires du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur, chevauchant le Mio-Pliocène du plateau de Valensole. Le travertin de cette terrasse ou celui extrait d'autres terrasses du voisinage (voir figure 20 et suivantes) ont été utilisés pour bâtir le vieux Moustiers-Sainte-Marie.

Le travertin a été utilisé pour la construction dans les régions où il est abondant. Un spécialiste de vente de matériaux de construction parle ainsi du travertin : « Le travertin historiquement été un matériau de construction populaire en raison de l'emplacement des premières carrières de travertin situées en Italie et en Turquie à l'époque de l'ancien Empire romain. Sa popularité a perduré au cours des siècles. La durabilité du travertin en a fait un matériau de construction populaire pendant des siècles. Il n'y a pas de meilleure façon de montrer la résistance à l'usure du travertin que de regarder l'un des bâtiments les plus célèbres, le Colisée romain. Par rapport aux pierres comme le marbre et le granite, le travertin est beaucoup plus léger et plus facile à couper et à façonner. En raison de la structure du travertin, il est particulièrement résistant à la chaleur et à la pression, ce qui en fait un matériau de construction idéal pour les projets intérieurs et extérieurs. »

L'église de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) et son cadre géologique, au pied de hautes falaises

L'église, le bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) au pied de hautes falaises

Figure 7. L'église, le bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) au pied de hautes falaises

Le bourg est bâti sur un replat, une terrasse de travertin.


L'église, le bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) et son cadre géologique, au pied de hautes falaises

Figure 8. L'église, le bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) et son cadre géologique, au pied de hautes falaises

Le bourg est bâti sur un replat, une terrasse de travertin. La visibilité de la célèbre chaine reliant les deux pitons rocheux et de son étoile dorée a été, ici, fortement renforcée.


Vue aérienne oblique du vieux bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) bâti sur un replat, une terrasse de travertin

Figure 9. Vue aérienne oblique du vieux bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence) bâti sur un replat, une terrasse de travertin

La terrasse est peu pentée et on en voit le rebord occidental (au premier plan, en bas de la photo), rebord renforcé par des murs et des arches. Ce rebord, dans son état actuel, correspond d'ailleurs peut-être à un ancien front de taille d'où ont pu être extraites les pierres de construction ayant servi à bâtir le bourg. Cette terrasse est recoupée par un torrent qui coule au fond d'une petite “gorge” franchie par un pont. Les rives de cette gorge ont été fortement aménagée par les habitants au cours des siècles. Le torrent coulant au fond de cette gorge dépose actuellement d'importante quantité de travertin (voir figures 12 et 13).


Vue aérienne et carte géologique correspondante du bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 10. Vue aérienne et carte géologique correspondante du bourg de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Le bourg est bâti sur une terrasse de travertin, terrasse figurée en blanc et légendée U sur la carte géologique. Les terrains jurassiques et crétacés sont figurés en vert ou bleu. Les terrains en jaunes ou gris représentent des éboulis quaternaires.


Extrait de la carte géologique de Nice à 1/250 000 localisant Moustiers-Sainte-Marie par un astérisque rouge

Figure 11. Extrait de la carte géologique de Nice à 1/250 000 localisant Moustiers-Sainte-Marie par un astérisque rouge

La terrasse de travertin est trop petite pour être cartée à cette échelle. Cette terrasse est située juste au front d'un charriage (l'extrême Sud-Ouest de la célèbre nappe de Digne) qui chevauche le Mio-Pliocène du plateau de Valensole. L'astérisque jaune localise la tufière de Saint-Maurin vue la semaine dernière (cf. Les tufières de Saint-Maurin, gorges du Verdon, La Palud-sur-Verdon, Alpes-de-Haute-Provence). L'astérisque bleu localise l'ancienne tufière de Ségriès (voir figures 20 à 28).


Le ruisseau traversant la terrasse de travertin de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence), tel qu'il coulait en avril 2024

Figure 12. Le ruisseau traversant la terrasse de travertin de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence), tel qu'il coulait en avril 2024

On voit très bien que le ruisseau dépose actuellement du calcaire, avec formation de cascades de tufs, de gours (cf. Cascades de tuf (travertin) dans le massif du Jura). Ces dépôts actuels de calcaire dans le lit du torrent posent le problème de la nature et de l'âge du creusement de la gorge qui recoupe la terrasse de travertin sur laquelle est bâti Moustiers. Érosion mécanique lors des périodes glaciaires (plus fort débit), érosion par dissolution (eaux froides plus chargée de CO2) à certaines époques… ?


Autre vue sur le ruisseau traversant la terrasse de travertin de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence), tel qu'il coulait en avril 2024

Figure 13. Autre vue sur le ruisseau traversant la terrasse de travertin de Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence), tel qu'il coulait en avril 2024

On voit très bien que le ruisseau dépose actuellement du calcaire, avec formation de cascades de tufs, de gours (cf. Cascades de tuf (travertin) dans le massif du Jura). Ces dépôts actuels de calcaire dans le lit du torrent posent le problème de la nature et de l'âge du creusement de la gorge qui recoupe la terrasse de travertin sur laquelle est bâti Moustiers. Érosion mécanique lors des périodes glaciaires (plus fort débit), érosion par dissolution (eaux froides plus chargée de CO2) à certaines époques… ?


Il n'y a pas que dans le lit du ruisseau que se déposent du calcaire dans le bourg de Moustiers-Sainte-Marie. Il y a de nombreuses fontaines dans les rues du bourg, dont une sur la place de l'église. L'eau y sort d'un tuyau, coule dans une vasque, et s'échappe en traversant un mur vertical qui domine le ruisseau et, de là, ruisselle sur le mur jusque dans le lit du ruisseau. La zone où à lieu ce ruissellement correspond (en 2024) à un dépôt de calcaire de plusieurs décimètres d'épaisseur. Ce dépôt actuel montre la grande capacité de dépôts des eaux locales.

La fontaine de la place de l'église, vue depuis la place (depuis le Nord), Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 14. La fontaine de la place de l'église, vue depuis la place (depuis le Nord), Moustiers-Sainte-Marie (Alpes-de-Haute-Provence)

Cette fontaine est juste au niveau du mur qui domine le ruisseau d'une dizaine de mètres. L'eau qui s'écoule dans la vasque est évacuée de l'autre côté du mur où elle occasionne un gros dépôt de travertin (voir figures suivantes). Malgré la petite quantité d'eau qui s'écoule sur la place, on n'y voit aucun dépôt. Les services municipaux doivent les enlever régulièrement.


Vue générale sur le ruissellement de l'eau issue de la fontaine de la place de l'église et ses dépôts calcaires sur le mur au Sud de la place

Figure 15. Vue générale sur le ruissellement de l'eau issue de la fontaine de la place de l'église et ses dépôts calcaires sur le mur au Sud de la place

Bien que la date de la dernière réfection du mur ne soit pas indiquée au niveau de la fontaine, elle ne doit pas dater de plus de quelques siècles. Cela montre la vitesse du dépôt de travertin (“quelques” décimètres en “quelques” siècles), qu'on peut comparer à celle colmatant plus ou moins les aqueducs romains (cf. Promenade géologique dans la vallée de l'Agly (Pyrénées-Orientales) – 4/ L'aqueduc “romain” d'Ansignan et ses concrétions calcaires, comparaison avec le Pont du Gard.


Zoom sur le ruissellement de l'eau issue de la fontaine de la place de l'église et ses dépôts calcaires sur le mur au Sud de la place

Figure 16. Zoom sur le ruissellement de l'eau issue de la fontaine de la place de l'église et ses dépôts calcaires sur le mur au Sud de la place

Bien que la date de la dernière réfection du mur ne soit pas indiquée au niveau de la fontaine, elle ne doit pas dater de plus de quelques siècles. Cela montre la vitesse du dépôt de travertin (“quelques” décimètres en “quelques” siècles), qu'on peut comparer à celle colmatant plus ou moins les aqueducs romains (cf. Promenade géologique dans la vallée de l'Agly (Pyrénées-Orientales) – 4/ L'aqueduc “romain” d'Ansignan et ses concrétions calcaires, comparaison avec le Pont du Gard.


Détail du ruissellement de l'eau issue de la fontaine de la place de l'église et de ses dépôts calcaires sur le mur au Sud de la place

Figure 17. Détail du ruissellement de l'eau issue de la fontaine de la place de l'église et de ses dépôts calcaires sur le mur au Sud de la place

Bien que la date de la dernière réfection du mur ne soit pas indiquée au niveau de la fontaine, elle ne doit pas dater de plus de quelques siècles. Cela montre la vitesse du dépôt de travertin (“quelques” décimètres en “quelques” siècles), qu'on peut comparer à celle colmatant plus ou moins les aqueducs romains (cf. Promenade géologique dans la vallée de l'Agly (Pyrénées-Orientales) – 4/ L'aqueduc “romain” d'Ansignan et ses concrétions calcaires, comparaison avec le Pont du Gard.


Sur la commune de Moustiers-Sainte-Marie, à 2 700 m au Nord-Ouest du bourg, on trouve d'anciennes carrières exploitant des niveaux d'anciens travertins, totalement inactifs (d'anciennes tufières en quelque sorte) connus localement sous le nom de travertins de Ségriès. La notice de la carte géologique de Moustiers-Sainte-Marie décrit ainsi ces travertins :

« PU. Travertins de Ségriès (jusqu'à environ 40 m). Travertins et calcaires lacustres en bancs métriques compacts, avec des intercalations de marnes blanches ou grises (passant latéralement aux marnes dites de Puimoisson) très chargées en nodules oncolithiques de grande taille (jusqu'à 10 cm). Ils apparaissant progressivement d'Ouest en Est et de haut en bas dans les Marnes blanches de Puimoisson ; ils passent rapidement au contact des reliefs subalpins à des brèches grossières à éléments jurassiques […]. La partie moyenne et supérieure des Marnes blanches de Puimoisson (équivalent latéral des marnes blanches intra-travertins) où on avait déjà décrit à diverses reprises des restes de Mammifères pliocènes et/ou quaternaires (récoltés dans des conditions incertaines) a fourni récemment une riche faune de Mammifères (Parabos cf. boodon, Hipparion cf. crassum), micro-Mammifères (Ruscinomys europaeus, Mimomys gracilis) et des Mollusques continentaux (Planorbis planorbis, Corbicula cf. fluminalis) indiquant un âge Pliocène terminal. »

Les quatre photographies suivantes montrent des détails “géologiques” visibles sur cet ancien front de taille. On distingue les structures caractéristiques des travertins en cours de formation comme on peut en voir dans les tufières actives (débris végétaux calcifiés, concrétions plus ou moins sphériques…), comme, par exemple, dans les tufières de Saint-Maurin (cf. Les tufières de Saint-Maurin, gorges du Verdon, La Palud-sur-Verdon, Alpes-de-Haute-Provence). Rappelons que les structures carbonatées (ou d'autres compositions) plus ou moins sphériques et d'origine le plus souvent “microbienne” (directe ou indirecte) ont des noms qui dépendent de leur taille. De la plus petite à la plus grande, ce sont les oolithes (taille d'œuf de poisson, millimétrique), les pisolithes (taille d'un pois – pisum en latin), les oncolithes (taille d'une “tumeur”, du grec όγκος, onkos, nodule ou tumeur) et enfin les stromatolithes sensu stricto pour des tailles supérieures à quelques centimètres.

Zone de quelques décimètres carrés d'un front de taille de travertin de Ségriès (Alpes-de-Haute-Provence)

Figure 25. Zone de quelques décimètres carrés d'un front de taille de travertin de Ségriès (Alpes-de-Haute-Provence)

On observe (1) à droite et légèrement au-dessus de la main, de nombreux végétaux et des petites sphères de la taille de pisolithes, et (2) un peu plus au-dessus et à droite, des concrétions sphériques emboitées, de taille intermédiaire entre oncolithes et stromatolithes sensu stricto.