Image de la semaine | 20/01/2025
Les tufières de Saint-Maurin, gorges du Verdon, La Palud-sur-Verdon, Alpes-de-Haute-Provence
20/01/2025
Résumé
Travertins et pétrifications visibles dans le paysage et observables de près en bord de route.
De l'eau chargée en Ca2+ et HCO3− sort du pied des falaises, coule sur une “terrasse” en pente douce et, en arrivant sur la rupture de pente une vingtaine de mètres au-dessus de la route, tombe en de multiples petites cascades en y déposant son calcaire (travertin). En cette fin de printemps 2024, seule la partie droite de cet escarpement est actif et “mouillé”, ce qui se traduit par une couleur sombre. La partie gauche est “sèche”, ce qui se traduit par la teinte claire du calcaire. Ces zones de dépôt de travertin sont appelés « tuffières » (ou tufières).
Localisation par fichier kmz des travertins de la tufière de Saint-Maurin, Alpes de Haute-Provence.
Partie droite de la figure précédente. On voit nettement l'eau ruisseler ; le calcaire est recouvert d'organismes végétaux verts ou marrons (mousses, algues…). |
On voit nettement l'eau ruisseler ; le calcaire est recouvert d'organismes végétaux verts ou marrons (mousses, algues…). |
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Cette tufière de Saint-Maurin est située dans la réserve naturelle de Saint-Maurin, et est décrite ainsi sur le site des Réserves Naturelles de France et de Verdon tourisme.
À l'entrée Ouest des grandes gorges du Verdon, la réserve naturelle de Saint-Maurin est caractérisée par la formation spectaculaire de travertins (tufs) issus de la précipitation du carbonate de calcium libéré par les nombreuses sources prenant naissance au pied de la falaise de Barbin. La chute la plus imposante est visible de la route départementale 952. Le site de 26 hectares, situé dans un cadre exceptionnel, offre une ambiance insolite de fraicheur et ses espaces ouverts tranchent avec les paysages d'alentour à dominance boisés. Il présente une richesse floristique et entomologique remarquable. Les sources et falaises abritent une riche végétation bryophytique et de nombreuses espèces de chauves-souris (dont le petit rhinolophe, le murin à oreilles échancrées, l'oreillard montagnard et le molosse de Cestoni). L'occupation humaine de ces lieux pourrait remonter au Ve siècle avec une installation religieuse à partir de l'Abbaye de Lerins. On retrouve également trace de Saint-Maurin au IXe siècle dans des actes de l'Abbaye de Saint-Victor. Les aménagements troglodytes de plusieurs grottes, encore bien visibles, confirment l'utilisation de ce site jusqu'à une époque récente et ajoutent à la magie qui se dégage des lieux.
Les trois vers suivants, écrits vers 470 par Caïus Sidonius Apollinaris (Sidoine Apollinaire), dans Carmen Eucharisticum (Poème eucharistique), décrivent très probablement ce site.
… Seu Caeno viridante palus, seu nigra recessu
/ … Soit les marais boueux et verdoyants, soit les noires retraites
Incultum mage saxa tenent, ubi sole remoto
/ Isolées se tiennent dans les sombres rochers où une fois le soleil couché
Concava longaevas asservant antra tenebras…
/ Les grottes profondes conservent longtemps la nuit…
Source - © 2001 JYB Devot – CC BY-SA 4.0
Des détails sur ces grottes peuvent être vus dans le dossier Baumo Murado de Saint-Maurin.
Après avoir localisé cette tufière dans son contexte local (au-dessus de la route D952) sur une image Géoportail (figure 6), nous regarderons plus en détail ses dépôts de carbonates (figures 7 à 21), illustrations de la célébrissime équation de précipitation des carbonates : Ca2+ + 2 HCO3− → CaCO3 + CO2 + H20, le dégazage de CO2 étant favorisé (1) par la rupture de pente et la fabrication de multiples gouttes d'eau, et (2) par la photosynthèse d'organismes comme des mousses, des algues, des cyanobactéries… Puis nous élargirons notre “champ” en resituant cette tufière dans la sortie Ouest des gorges du Verdon et en regardant ce qui se passe en dessous de cette tufière, entre la D952 et le cours du Verdon.
Figure 6. Vue aérienne de la tufière de Saint-Maurin, au-dessus de la D952, Alpes-de-Haute-Provence L'escarpement des images précédentes est souligné par la ligne A, B, C, D, E et F. Les cascades actives en ce printemps 2024 sont situées entre les points D et E. L'ellipse blanche localise les grottes. |
Source - © 2010 ugopoz / panoramio Sur ces parois sub-verticales, le dépôt de carbonates associés à des organismes photosynthétiques engendre des surfaces mamelonnées, qui ne sont pas sans rappeler les dépôts stromatolitiques des ruisseaux du Tarn et Garonne (cf. Stromatolithes actuels, travertins et cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron, Caylus (Tarn et Garonne), du Jura (cf. Stromatolithes vivant dans des ruisseaux du massif du Jura) et d'autres lieux. |
Sur ces parois sub-verticales, le dépôt de carbonates associés à des organismes photosynthétiques engendre des surfaces mamelonnées, qui ne sont pas sans rappeler les dépôts stromatolitiques des ruisseaux du Tarn et Garonne (cf. Stromatolithes actuels, travertins et cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron, Caylus (Tarn et Garonne), du Jura (cf. Stromatolithes vivant dans des ruisseaux du massif du Jura) et d'autres lieux. |
Sur ces parois sub-verticales, le dépôt de carbonates associés à des organismes photosynthétiques engendre des surfaces mamelonnées, qui ne sont pas sans rappeler les dépôts stromatolitiques des ruisseaux du Tarn et Garonne (cf. Stromatolithes actuels, travertins et cascade pétrifiante de Saint Pierre-Livron, Caylus (Tarn et Garonne), du Jura (cf. Stromatolithes vivant dans des ruisseaux du massif du Jura) et d'autres lieux. |
L'eau qui s'écoule de ces cascades une bonne dizaine de mètres au-dessus de la route coule jusqu'au talus de la route ouverte il y a quelques dizaines d'années par les Ponts et Chaussées. En arrivant sur ce talus, du calcaire se redépose et est très facile à examiner de près.
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Ces dépôts sont semblables à ceux des figures 7 à 9, qui ne sont pas sans rappeler les dépôts stromatolitiques, mais des dépôts stromatolitiques ici verticaux. |
Ces dépôts sont semblables à ceux des figures 7 à 9, qui ne sont pas sans rappeler les dépôts stromatolitiques, mais des dépôts stromatolitiques ici verticaux. |
Ces dépôts sont semblables à ceux des figures 7 à 9, qui ne sont pas sans rappeler les dépôts stromatolitiques, mais des dépôts stromatolitiques ici verticaux. |
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Là, la route recoupe des pétrifications “sèches” inactives depuis quelques mois à quelques années. Les figures 18 et 19 montrent des zooms sur ces anciens dépôts situés au coin inférieur gauche de la photo. Les figures 20 et 21 sont des zooms sur la zone orangée situé en bas de la photo, juste à gauche du centre de l'image. | |
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Figure 20. Dépôts orangés à cristaux de calcite brillant au soleil, tufières de Saint-Maurin Ces dépôts orangés (calcaires légèrement ferrugineux ?) se sont déposés récemment ; mais l'eau ne coulait pas en ce printemps 2024. Les points brillants correspondent à des reflets du soleil sur des faces de cristaux de calcite formés dans les mois qui précèdent. Assez fréquents dans les grottes, de tels cristaux de calcite sont assez rares à l'air libre. |
Figure 21. Dépôts orangés à cristaux de calcite brillant au soleil, tufières de Saint-Maurin Ces dépôts orangés (calcaires légèrement ferrugineux ?) se sont déposés récemment ; mais l'eau ne coulait pas en ce printemps 2024. Les points brillants correspondent à des reflets du soleil sur des faces de cristaux de calcite formés dans les mois qui précèdent. Assez fréquents dans les grottes, de tels cristaux de calcite sont assez rares à l'air libre. |
Ce qui est visible sur (et depuis) le bord de la route n'est qu'une petite partie d'un affleurement de travertin beaucoup plus grand, qui s'étend du pied des falaises situées 100 m au-dessus de la route jusqu'au niveau du Verdon, noyé sous l'extrémité amont du lac EDF de Sainte-Croix. Ces travertins occasionnent une autre terrasse 75 m en contrebas de la route et une belle cascade pétrifiante tombant dans les eaux du lac, cascade accessible en canoë.
La tufière des images précédentes est figurée par la croix rouge. |
La tufière des images précédentes est figurée par la croix rouge. Sur la carte géologique, les travertins sont figurés en blanc, avec la légende U. |
Figure 24. Vue aérienne de la terrasse aval des tufières de Saint-Maurin, Alpes-de-Haute-Provence Recouverte de prés et non pas d'arbres, cette terrasse se voit beaucoup mieux dans le paysage que la terrasse amont (au-dessus de la route). La croix rouge localise les “cascades de tuf” des figures 1 à 21. La croix jaune localise une autre cascade pétrifiante accessible en canoë (cf. figure 27 et 28). | |
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Figure 26. Vue globale depuis la D592 de la “sortie” Nord-Ouest des gorges du Verdon Le rebord de la terrasse de travertin aval est localisé par T ; la cascade des figures 27 et 28 par C. |
En ce printemps 2024, il y avait beaucoup plus d'eau dans cette cascade qu'au moment où a été prise la photo suivante. |
Source - © 2010 Petr Horacek (Camper 64) / panoramio |