Image de la semaine | 03/05/2021
Les terrasses fluvio-lacustres de l'Himalaya, Ladakh indien
03/05/2021
Résumé
Terrasses alluviales simples ou étagées dans les vallées d'altitude de l'Himalaya.
Le mécanisme de formation des terrasses alluviales est assez classique. Cela se produit quand il y a des alternances entre (1) des périodes où une rivière alluvionne plus qu'elle n'érode et (2) des périodes où cette rivière érode plus qu'elle ne dépose d'alluvions. Quand dans une vallée la rivière dépose localement plus d'alluvions qu'elle n'en érode, en particulier pendant les crues quand la rivière sort de son lit mineur, il se forme une plaine alluviale qui comble progressivement la vallée. Par exemple, dans une région de climat relativement froid mais sans glacier (comme la vallée de la Seine pendant la dernière période glaciaire), les débits de printemps sont importants à cause de la fonte de neiges sur le haut de son bassin versant (le Morvan et le plateau de Langres dans le cas de la Seine). La rareté de la végétation, limitée à cause du climat, y favorise l'érosion. Au printemps, la rivière (la paléo-Seine) dans son cours supérieur charriait beaucoup d'alluvions. Arrivée dans son cours inférieur où la pente est beaucoup plus faible, la paléo-Seine déposait ses alluvions, en quantité supérieure à ce qu'elle érodait.
Si le climat se réchauffe (période interglaciaire), les débits de printemps sont, en moyenne, plus faibles (moins de neige tombée l'hiver), et l'amont du bassin versant est beaucoup plus végétalisé. Moins d'érosion, moins de transport ! L'alluvionnement en aval est faible, plus faible que l'érosion. La rivière creuse alors ses alluvions déposées lors de la précédente période froide, voire atteint et creuse le substratum. Si la succession de période d'alluvionnement et d'érosion se reproduit plusieurs fois, on obtient des terrasses étagées et emboitées.
Dans les régions glaciaires, ou dans les zones tectoniquement actives, et à fortiori dans les régions à la fois englacées et tectoniquement actives comme l'Himalaya, des “complications” peuvent se surajouter au schéma général : en plus de se remplir de dépôts fluviatiles, les vallées peuvent être comblées de dépôts lacustres. En effet, les vallées glaciaires sont souvent surcreusées en amont de “verrous”, ou sont souvent barrées par des cordons morainiques. Ces reliefs forment des lacs après la déglaciation. Une vallée sans glacier peut être barrée par un glacier adjacent qui l'atteint, et il se forme un lac en amont du “confluent”. Dans ces lacs, la sédimentation (de type fluvio-lacustre) est évidemment supérieure à l'érosion, et ce lac fini par être totalement rempli d'alluvions pour devenir une plaine alluviale. Cette plaine alluviale fluvio-glaciaire peut ensuite être érodée, par exemple à cause du retrait du glacier ayant barré la vallée, à cause de l'érosion du cordon morainique ou du verrou ayant créé le lac… Dans des régions tectoniquement actives, des mouvements verticaux de failles peuvent aussi créer des lacs.
De telles terrasses fluvio-glaciaires sont très abondantes dans les Alpes, voir par exemple Les terrasses fluvio-glaciaires de la moyenne Durance : Mont-Dauphin, Chateauroux-les-Alpes et Embrun, Hautes-Alpes.
Nous vous montrons ci-après des photographies de trois secteurs de cette région de l'Himalaya : (1) une terrasse “simple” mais avec un surcreusement n'atteignant pas le substratum (figures 1 à 10), (2) des terrasses emboitées, mais sans que le surcreusement n'atteigne le substratum (figures 11 à 16), et (3) des terrasses simples entaillées dans les sédiments d'un ancien lac, avec un surcreusement atteignant le substratum (figures 17 à 23). Les photographies 1 à 16 ont été prises dans la même vallée de Sarchu, où ont aussi été prises de belles photographies de plis (cf. Plis dans une zone de convergence (chaine de collision) : la vallée de Sarchu dans l'Himalaya, Ladakh (Inde)).
Source - © 2021 D'après Google Earth |
À une douzaine de kilomètres en aval des photographies 1 à 10, un petit village est bâti sur la même terrasse, village nommé Sir Bhum Chun. Ce village est lui-même dominé par une haute terrasse plus ancienne. On a là typiquement un dispositif de terrasses emboitées (cf. figure 3, schéma 4). La structure interne de la terrasse inférieure y est bien visible.
On peut rejoindre la vallée d'un autre affluent de l'Indus en passant par le col du Lachulungla (5064 m, cf. Sols striés de l'Himalaya et de Sibérie du Nord). Cet affluent entaille jusqu'au substratum des sédiments alluviaux très vraisemblablement déposés dans un ancien lac et forme maintenant de très belles terrasses.
Quand on parcourt les hautes vallées de l'Himalaya, vallées qui souvent n'ont été libérées des glaciers qu'il y a 12 000 à 18 000 ans, on voit souvent des “modèles réduits” actuels de ce qui a pu constituer les dépôts alluviaux puis les terrasses de grandes tailles vus sur les photographies précédentes.
Toutes les photographies de cet article ont été prises lors d'un voyage organisé en 2010 par le CBGA et encadré, sous la direction de Raymond Cirio, par Jean-Luc Epard et Arnaud Pêcher.