Image de la semaine | 28/01/2019
Les ophiolites en 180 photos – 4/7 Basaltes en coussins, coulées et sédiments
28/01/2019
Résumé
Les basaltes ophiolitiques : laves en coussins / pillows lavas et pédoncules, coulées, pyroclastites, terres d'ombre ou radiolarites ?
Avant-propos
Le but de cette série de sept “images de la semaine“ n'est pas d'expliquer la genèse de la lithosphère océanique, ni la mise en place des ophiolites sur les continents, ni la géologie précise des ophiolites prises en exemple, mais simplement d'être un album d'environ 180 photos (un clin d'œil au concours Ma thèse en 180 secondes), une banque de données photographiques que chacun pourra utiliser pour illustrer/démontrer ses propos. Ces images montreront divers aspects de divers cortèges ophiolitiques, ophiolites “complètes” car issues de dorsales rapides, ou beaucoup plus “réduites” car issues de dorsales lentes. Il s'agira uniquement de photos prises sur le terrain, sans photo de lame mince, sans diagramme, sans analyse chimique… On se limitera à ce qui découle de l'histoire océanique de l'ophiolite, sans aborder ce qui est lié aux phénomènes de subduction/obduction/collision. Cet album photo comporte sept semaines/chapitres : (1) le manteau, (2) les gabbros, (3) le cortège filonien, (4) les basaltes en coussins (pillow lavas), les coulées et les sédiments, (5) le Moho, (6) l'extension spatiale et temporelle du magmatisme, et (7) l'hydrothermalisme. Un schéma des deux types d'ophiolites sera placé à la fin de chaque article, pour que chacun puisse (1) situer les divers objets photographiés dans le(s) modèle(s), et (2) comparer réalité naturelle et modèles. Le choix des photos est forcément subjectif, intersection entre ce que je connais personnellement et ce que je pense utile à tout un chacun selon ses besoins, pour que les ophiolites ne soient pas réduites ou à un (des) modèle(s) théorique(s) ou au seul Chenaillet pour les plus chanceux qui peuvent y aller.
Sauf pour les ophiolites “françaises” (les Alpes et la Désirade en Guadeloupe), toutes les photographies de ces articles ont été prises lors d'excursions géologiques organisées par le Centre briançonnais de géologie alpine (CBGA) et encadrées par Romain Bousquet (Université de Kiel) pour Chypre, par Jean Pierre Bouillin (Université de Grenoble) pour l'ile d'Elbe, par Emmanuel Ball (Université de Montpellier) ou Aymond Baud (Université de Lausanne) pour l'Oman, et par Thierry Juteau (Université de Brest) pour la Turquie. Sans eux, je n'aurais jamais pu prendre ni commenter ces 180 photographies.
Contrairement aux trois parties précédentes (manteau, gabbros, cortège filonien) qui concernent des parties souterraines, dont la mise en place est par nature inobservable, basaltes en coussins et coulées se mettent en place à la surface (bien qu'en général sous 3000 m d'eau) et sont observables en submersible. Nous allons donc glisser dans cette partie consacrée aux pillow lavas et aux coulées ophiolitiques des images sous-marines, trois images prises (et aimablement mises à disposition) par Arnaud Agranier (Université de Brest) sur la dorsale Est-Pacifique, et une trouvée dans la littérature scientifique.
Les six photographies qui suivent correspondent à des détails de la face visible sur la figure 1 “Geotimes”. Pour tout savoir sur la formation des pillow lavas, voir par exemple Un volcanisme bien méconnu et pourtant si riche d'enseignement : le volcanisme du Crétacé supérieur du Pays Basque, ses pillow-lavas et la salinité de l'eau de mer et Cristallisation du soufre et formation de pillow lavas (2ème partie du film, entre 2min30 et 3min10).
L'érosion permet souvent de voir l'intérieur d'une “coulée” faite de l'accumulation de plusieurs niveaux de pillows qui se sont formés les uns sur les autres, chaque niveau moulant les bosses et les creux du niveau précédent. En particulier, quand un pillow moule la ”vallée” se situant entre deux pillows jointifs sous-jacents, cela forme un pédoncule que beaucoup prennent, à tort, pour une voie d'alimentation. Ces pédoncules, à “pointe” vers le bas de la formation, sont d'excellents critères de polarité si l'ophiolite a été très déformée.
Il n'est pas nécessaire d'aller en Oman ou à Chypre pour aller voir de beaux basaltes en coussins ophiolitiques. Il y a bien sûr ceux du Chenaillet (Hautes Alpes) ; mais il y en a aussi en Corse, par exemple au défilé de l'Inzecca. Et il ne faut pas oublier qu'il existe des pillows non ophiolitiques au pays Basque (cf. Un volcanisme bien méconnu et pourtant si riche d'enseignement : le volcanisme du Crétacé supérieur du Pays Basque, ses pillow-lavas et la salinité de l'eau de mer), en Bretagne cf. Les pillows-lavas et brèches volcaniques de la pointe de Lostmarc'h (Presqu'île de Crozon, Finistère)…
Traditionnellement, on associe pillow lavas et volcanisme de dorsales. Cette association est très souvent vérifiée, mais (1) il existe des pillows se formant en dehors d'un contexte de dorsale comme on l'a déjà vu, et (2) le volcanisme des dorsales peut donner d'autres morphologies que des basaltes en coussins. Des coulées ne présentant pas de pillows se forment quand le débit de lave est très important. On a découvert sur la dorsale Pacifique des coulées de lave à surface cordée ou à surface lisse, et même d'anciens lacs de lave. Des coulées en progressant se fragmentent et forment de véritables niveaux pyroclastiques. On a même découvert en 2007 qu'il pouvait y avoir un volcanisme explosif recouvrant des kilomètres carrés de projection, même sous 3700m d'eau, ce qui est très étonnant car à 3700 m de profondeur, la pression empêche normalement les gaz dissouts dans le magma de dégazer (il reste encore des problèmes en géologie !).
On retrouve ce magmatisme formant d'autres structures que des pillows dans les ophiolites, bien que les pillows soient bien sûr largement majoritaires. Nous vous montrons trois images sous-marines, et cinq images prises dans les ophiolites de Chypre montrant d'autres structures que des coussins de lave.
Source - © 2018-2008 Google Earth – M. Carlowicz |
Classiquement, on dit que les premiers sédiments déposés sur la croûte océanique au-dessus des basaltes en coussin sont des radiolarites (ou éventuellement des calcaires à foraminifères). C'est souvent vrai, mais pas toujours. Les radiolarites sont constituées d'une accumulation de myriades de tests de radiolaires, organismes planctoniques à test siliceux vivant près de la surface de l'océan, tests tombant au fond à la mort l'organisme. Dans les ophiolites, localement, formant de lentilles hectométriques, les premiers sédiments que l'on trouve au contact des pillows ophiolitiques sont certes siliceux, mais presque totalement dépourvus de radiolaires. La majorité de la masse de ces sédiments ne provient pas de la « pluie planctonique » venant de la surface, mais d'une précipitation abiotique, quasiment sur place, de silice, cette silice étant émise par des fumeurs noirs et autres sources hydrothermales voisines et sédimentant doucement dans les centaines de mètres autours des fumeurs. Mélangé à cette silice dominante, il y a un peu d'argiles et beaucoup d'oxydes métalliques, en particulier d'oxydes de manganèse. Ces dépôts sédimentaires siliceux, riches en oxydes métalliques, sombres, localisés, très pauvres en radiolaires et autres tests planctoniques sont appelés « terres d'ombre » (“umbers” en anglais). Si les ophiolites ont subi un métamorphisme, les radiolaires des radiolarites ont été effacés, et il est très difficile de distinguer méta-radiolarites et méta-terres d'ombres. Combien de “radiolarites” des Alpes sont-elles en fait des méta-terres d'ombre ?
Nous terminons cette partie consacrée aux pillow lavas et coulées par un affleurement où des pillows bien conservés sont moulés par ces terres d'ombre. Des photos d'échantillons provenant de cet affleurement peuvent être vues sur la lithothèque de l'ENS de Lyon à la page Dépôts de fumeurs noirs (terre d'ombre).