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Article | 15/07/2000

Les variations du taux de CO2 dans l'atmosphère depuis 4,5 milliards d'années

14/11/2005

Pierre Thomas

Professeur ENS-Lyon.

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Variation de la concentration atmosphérique en CO2 au cours des temps géologiques.


Question

« Je cherche une courbe montrant l'évolution du taux de CO2 de l'atmosphère depuis 4 milliards d'années. Le seul document que je possède indique que le taux de CO2 était déjà très faible vers 3,5 milliards d'années. Quelles sont les données scientifiques qui permettent d'expliquer de telles variations en fonction du temps. »

Question posée par Daniel Bourdais, le 1er avril 2000, par courrier électronique.

Réponse

En résumé :

Avant d'expliquer les variations de CO2 dans l'atmosphère, il faut les constater... et c'est plutôt difficile !

  • Une belle méthode pour la période post-carbonifère moyen, c'est l'utilisation de l'indice stomatique des feuilles végétales. On sait que plus il y a de CO2 dans l'atmosphère et moins il y a de stomates (indice stomatique faible). On montre ainsi qu'au Carbonifère, la teneur en CO2 était probablement aussi faible que maintenant. Puis elle a augmenté jusqu'au Crétacé (5 fois la valeur actuelle). Depuis cette teneur diminue...
  • Pour les temps paléozoïques anté-carbonifères (pas de stomates car pas de feuilles !), l'estimation repose sur des bilans sédimentologiques, variés et complexes.
  • Pour les temps très anciens, on utilise des modèles indirects... en connaissant par exemple la température à un moment donné (grâce aux informations déduites des signaux sédimentaires), les astronomes nous indiquant le rayonnement solaire à cette époque (il y a 4 milliards d'années il était plus faible de 40 % par rapport à l'actuel), on peut estimer le taux de CO2 atmosphérique nécessaire pour avoir une température d'équilibre donnée.
  • Enfin, pour estimer le taux de CO2 au début de l'histoire de la Terre, on transforme toutes les roches carbonatées en CO2 ou on applique à la Terre, connaissant la quantité d'H20, le rapport CO2/H2O des chondrites.

Les deux méthodes donnent une pression initiale de CO2 100 000 fois plus importante que l'actuelle.

Réponse plus détaillée :

Quantité de CO2 atmosphérique il y a 4,5 milliards d'années

On estime la quantité de CO2 il y a 4,5 milliards d'années de deux façons :

  1. en transformant toutes les roches carbonatées et les charbons du monde en CO2,
  2. en appliquant à la Terre le rapport CO2/H2O dans les chondrites et en connaissant la quantité d'H2O (océan), on trouve la quantité de CO2 au début de l'histoire de la Terre.

Ainsi, il y a 4,5 milliards d'années, on pense qu'il y avait entre 30 à 60 atmosphères de CO2 (3 000 000 à 6 000 000 de pascals), soit 100 000 fois la quantité actuelle de CO2.

Évolution de la proportion en gaz atmosphériques (en pourcent) depuis 4,5 milliards d'années

(Voir aussi l'évolution du dioxygène dans l'atmosphère deupis 4,5 Ga (dans Les forêts produisent-elles du dioxygène ?) ainsi que les gisements d'uraninite depuis 4,5 Ga.)

Variations de la quantité de CO2 atmosphérique archéenne et précambrienne (de 4 milliards d'années à 600 millions d'années)

Des traces de glaciations et d'évaporites indiquent que depuis 3,8 milliards d'années, la température moyenne oscille entre 0 et 100°C (l'eau liquide indiquant une température comprise entre 0 et 100°C)... Or les astronomes nous indiquent une évolution du rayonnement solaire au cours du temps (40 % de d'augmentation depuis 4 milliards d'années).

Par exemple, il y a 3,8 milliards d'années, l'eau était liquide au Groenland (présence de galets). Avec le rayonnement solaire de l'époque et un taux de CO2 atmosphérique identique à l'actuel, la température de la Terre aurait dû être de - 20°C. Il y avait donc plus de CO2 dans l'atmosphère (probablement 1 atm de CO2).

Il y a 3 milliards d'années, on trouve des glaciers. Si on suppose un taux de CO2 équivalent à celui d'il y a 3,8 milliards d'années, il aurait fait trop chaud. Il faut donc supposer un effet de serre moins important, et donc un taux de CO2 dans l'atmosphère plus faible.

Pour toutes les périodes où l'on trouve des sédiments « climatiques », on peut appliquer ce raisonnement... et on fait décroître le taux CO2 de 100 000 fois la quantité actuelle il y a 4,5 milliards d'années et d'environ 5 à 15 fois la quantité actuelle il y a 600 millions d'années (fin du précambrien). Notez que dans les sédiments de tous âges, des règles de sédimentologie et de précipitations des dépôts donnent indirectement la pression partielle en CO2 dans le milieu en fonction des rapports de carbonates précipitants (carbonates de Ca, de Mg, de Fe).

Variations de la quantité de CO2 atmosphérique phanérozoïque (depuis 600 millions d'années)

Pour les périodes plus récentes, on change de raisonnement : on suppose que la quantité de carbone en surface est à peu près constante, et se partage entre différents réservoirs (carbonates, CO2 dissout sous diverses formes dans l'océan, matière organique fossile, biomasse, et atmosphère)... Les réservoirs les plus importants, ce sont les carbonates et les sédiments carbonées, puis le CO2 dissout océanique. Le carbone dans la biomasse vivante est négligeable. La teneur de CO2 atmosphérique dépend donc de la quantité de roches sédimentaires à une époque donnée, et du pH de la mer (qui règle l'équilibre CO2 gaz - CO2 dissout).

Par ailleurs, les sédimentologistes nous fournissent la courbe de l'évolution phanérozoique des dépôts de carbonates, de roches carbonées et du pH marin. A partir de cette courbe (établie par des méthodes de bilans des carbonates à une époque donnée et extrapolation, apport de calcium par altération, lui même déduit de l'évolution du rapport 86Sr/87Sr, ...), on peut estimer la teneur en CO2 atmosphérique. Depuis 600 millions d'années, on estime que la quantité de CO2 atmosphérique a varié entre 0,5 et 20 fois la quantité actuelle.

Une belle méthode pour la période post-carbonifère moyen, c'est l'utilisation de l'indice stomatique des feuilles fossiles de plantes vasculaires. On sait que plus il y a de CO2 dans l'atmosphère et moins il y a de stomates (indice stomatique faible). on montre ainsi qu'au carbonifère (300 millions d'années), la teneur en CO2 était probablement aussi faible que maintenant. Puis elle a augmenté jusqu'au Crétacé (5 fois la valeur actuelle). Des valeurs relativement élevées de la teneur en CO2 se sont maintenues pendant le Mésozoïoque (de 240 à 100 millions d'années). depuis cette teneur diminue (de 80 à 0 millions d'années).

Paramètre RCO2 en fonction du temps depuis 600 millions d'années

Figure 2. Paramètre RCO2 en fonction du temps depuis 600 millions d'années

Ce paramètre est défini comme le rapport entre la masse de CO2 atmosphérique à un temps donné du passé sur la masse actuelle (valeur préi-ndustrielle de 300 ppmv).


La baisse considérable de la teneur en CO2 pendant le Dévonien et le Carbonifère (de 400 à 300 millions d'années) est mise en relation avec la colonisation du milieu continental par les plantes vasculaires. Les racines profondes auraient contribué à augmenter l'érosion des silicates magnésiens et calciques et des carbonates.

CO2 + CaSiO3 ⇄ CaCO3 + SiO3

CO2 + MgSiO3 ⇄ MgCO3 + SiO3

CO2 + CaCO3 + H2O ⇄ 2 HCO3- + Ca2+

Les ions HCO3- sont alors transférés par les rivières vers les océans où se forment des précipités de CaCO3 et MgCO3. Globalement, à l'échelle du million d'années, il y a donc transfert de carbone de l'atmosphère vers les roches carbonatées. Notez que, à la fin du phanérozoïque, l'altération de l'orogène hercynien et la fossilisation de matière organique (lignine, charbon) au carbonifère ont également contribué à diminuer le taux de CO2 atmosphérique.

Par ailleurs, ces données permettent de confirmer la corrélation entre la teneur en CO2 atmosphérique et le climat. La baisse dévonienne de la teneur en CO2 a été suivie par l'importante glaciation Permo-Carbonifère. De la même manière, cette corrélation existe à la fin du Cénozoïque.

Au début du Paléozoïque et pendant le Mésozoïque, les fortes teneurs en CO2 atmosphérique correspondent à un climat plus chaud qu'actuellement.

Figure 3. Corrélation entre teneur en CO2 et extension maximale des restes glaciaires (tillites)

Courbe du haut : Évolution de RCO2, qui mesure le rapport entre la teneur en CO2 passé et actuel (valeur préindustrielle de 300 ppmv). La ligne continue représente l'évolution de ce paramètre depuis environ 590 à 600 millions d'années. On peut réaliser la comparaison des concentrations en CO2 passé (compilation de données, barres verticales) avec les données RCO2 du modèle GEOCARB III (lignes en pointillé intégrant les incertitudes). Les oscillations du CO2 modélisées en A prennent en compte des effets de dégazage et de changements climatiques, liés par exemple , à la formation d'une chaîne de montagne. Courbe du bas : Compilation de données continentales témoignant de l'étendue des glaciations. Notez que la durée de la glaciation à 600 millions d'année est encore sujet à débat scientifique.


Variations de la quantité de CO2 atmosphérique depuis 400 000 ans et pour la période récente

Sources anthropique de carbone dans l'atmosphère

Flux moyen (en GtC/an) période 1980-1989

Combustion de combustibles fossiles

5 à 6

Déforestation et oxydation des sols agricoles

2

Total Source de carbone anthropique

7 à 8 (équivalent à 30 Gt de CO2 par an)


Bibliographie

Sundquist, E.T., The Global Carbon Dioxide Budget, Science, Vol. 259, p. 934, 12 February 1993.

Berner, R.A., The Rise of Plants and Their Effet on Weathering and Atmospheric CO2, Science, Vol. 276, pp. 544-546, 25 April 1997. doi : 10.1126/science.276.5312.544