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Image de la semaine | 16/11/2020

Les galets mous de la molasse miocène de Saint-Fons (Rhône), comparaison avec leurs équivalents actuels dans les slikkes

16/11/2020

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Pseudo-conglomérat à galets mous d'argile dans une matrice sableuse, environnement actuel de slikke montrant la formation de galets mous.


“Conglomérat” formé de “galets mous” anguleux jaune-orangé assez vif pris dans une matrice de sable jaunâtre plus pâle, Saint-Fons (Rhône)

Figure 1. “Conglomérat” formé de “galets mous” anguleux jaune-orangé assez vif pris dans une matrice de sable jaunâtre plus pâle, Saint-Fons (Rhône)

Cet affleurement est situé dans la molasse miocène de Saint-Fons Rhône). Ce qui est frappant dans ce “conglomérat”, c'est que les galets sont mous (la pointe d'un couteau pénètre dedans sans problème). Ces galets sont formés d'argile non indurée, et sont appelés « galets mous ».

Localisation par fichier kmz de l'affleurement à galets mous de Saint-Fons (Rhône).


“Conglomérat” formé de “galets mous” anguleux jaune-orangé assez vif pris dans une matrice de sable jaunâtre plus pâle, Saint-Fons (Rhône)

Figure 2. “Conglomérat” formé de “galets mous” anguleux jaune-orangé assez vif pris dans une matrice de sable jaunâtre plus pâle, Saint-Fons (Rhône)

Cet affleurement est situé dans la molasse miocène de Saint-Fons Rhône). Ce qui est frappant dans ce “conglomérat”, c'est que les galets sont mous (la pointe d'un couteau pénètre dedans sans problème). Ces galets sont formés d'argile non indurée, et sont appelés « galets mous ».



Zoom arrière sur cet affleurement de molasse à galets mous de Saint-Fons (Rhône)

Figure 4. Zoom arrière sur cet affleurement de molasse à galets mous de Saint-Fons (Rhône)

On voit que ce “conglomérat” à galets mous remplit un chenal. Ce chenal est l'un des très nombreux chenaux de la rue Paul Descartes à Saint-Fons.


Vue générale sur cet affleurement de molasse à galets mous de Saint-Fons (Rhône)

Figure 5. Vue générale sur cet affleurement de molasse à galets mous de Saint-Fons (Rhône)

On voit que ce “conglomérat” à galets mous remplit un chenal. Ce chenal est l'un des très nombreux chenaux de la rue Paul Descartes à Saint-Fons.


Détail du centre du chenal de l'affleurement, Saint-Fons (Rhône)

Figure 6. Détail du centre du chenal de l'affleurement, Saint-Fons (Rhône)

On remarque que les “galets” ont la forme de plaquettes, dont la section mesure environ 5 cm dans sa grande dimension, pour 1 cm d'épaisseur. Ces plaquettes d'argile jaune non indurée sont statistiquement à l'horizontale.


C'est la troisième semaine que nous consacrons aux molasses marines miocènes affleurant à Saint-Fons (Rhône) sur le côté Est de la rue Paul Descartes. Ces affleurements molassiques font d'ailleurs partie de l'Inventaire Auvergne-Rhône-Alpes du patrimoine géologique. Le long de cette rue, on peut voir des flute casts et de très nombreux chenaux, dont certains contiennent des galets mous. La notice de la carte géologique de Givors décrit ainsi ces anciens chenaux à galets mous : « L'ensemble des sédiments se présente sous trois faciès dont le faciès des sables de Saint Fons. C'est un sable calcaire et micacé, jaune clair ou gris, à grains fins, capricieusement consolidé en molasse gréseuse ; son origine est alpine. Dans la masse s'intercalent des lentilles avec galets d'argile ferrugineuse, jaunes et micacés qui proviennent du démantèlement de vases estuariennes et de leur reprise par les courants marins. »

Pour comprendre la genèse des galets mous, il faut revenir au célèbrissime diagramme de Hjulström publié en 1935 par le Suédois Filip Hjulström (1902-1982). Ce diagramme (cf. figure 7) indique ce que deviennent les particules sédimentaires sous l'action d'un courant liquide (arrachement au substratum, transport ou sédimentation) en fonction de leur taille et de la vitesse du courant. Par exemple, on voit qu'un courant de 70 cm/s (trait bleu), s'il est capable de transporter des particules argileuses (< 8 μm de diamètre sur ce diagramme), est incapable de les arracher à leur substrat, car la cohésion des particules argileuses entre elles est supérieure à la force d'arrachement du courant. Il faut un courant de 300 cm/s pour arracher une particule d'1 μm à son substrat. Ce courant de 70 cm/s est par contre capable d'arracher (puis de transporter) des particules de diamètre supérieur à 8 μm. Il peut arracher des particules jusqu'à 3 mm de diamètre. Entre 3 et 50 mm de diamètre, il est juste capable de les transporter. Ce courant de 70 cm/s est incapable de transporter des particules au-delà de 50 mm de diamètre (taille moyenne des galets mous de cet affleurement, trait rouge), et qu'il les dépose s'il ralentit en deçà de cette vitesse. Un courant de 70 cm/s sera incapable d'éroder une surface d'argile, mais sera capable de transporter des morceaux d'argile agglomérée si ceux-ci ont été “prédécoupés”. Il pourra les transporter, mais les redéposera si la vitesse du courant baisse trop. Un morceau d'argile agglomérée de 5 cm de diamètre sera sans problème arraché et transporté par un courant de vitesse supérieure à 300 cm/s, et déposé si la vitesse descend en dessous de 70 cm/s.

Diagramme de Hjulström

Figure 7. Diagramme de Hjulström

Une galette d'argile non indurée mais bien agglomérée de quelques cm de diamètre pourra être arraché à son substrat par un courant de vitesse >200 cm/s si elle a été “pré-découpée”, sera transporté et se sédimentera si la vitesse du courant ralentit en dessous de 70 cm/s. Ce courant de 70 cm/s sera par contre incapable d'éroder des particules argileuses de diamètre ≤ 80 μm si la surface argileuse n'a pas été précédemment “découpée” en morceaux de plus grande taille.




Zoom sur la zone à galets mous de la photo précédente, Saint-Fons (Rhône)

Figure 10. Zoom sur la zone à galets mous de la photo précédente, Saint-Fons (Rhône)

Les galets sont beaucoup moins nombreux que dans les photos 1 à 6, et sont en fait isolés au milieu de sable fin. L'un des deux galets du centre de l'image a été rayé à l'ongle pour attester de son caractère “mou”.


Détail de la zone à galets mous de la photo précédente, Saint-Fons (Rhône)

Figure 11. Détail de la zone à galets mous de la photo précédente, Saint-Fons (Rhône)

Les galets sont beaucoup moins nombreux que dans les photos 1 à 6, et sont en fait isolés au milieu de sable fin. L'un des deux galets a été rayé à l'ongle pour attester de son caractère “mou”.


Vue aérienne oblique (vue en direction du Sud-Est) montrant la localisation des affleurements de cette semaine, entre le Nord de la rue Paul Descartes à Saint-Fons et le Sud du Chemin du Vieux collège à Feyzin

Figure 12. Vue aérienne oblique (vue en direction du Sud-Est) montrant la localisation des affleurements de cette semaine, entre le Nord de la rue Paul Descartes à Saint-Fons et le Sud du Chemin du Vieux collège à Feyzin

Les photos 1 à 17 ont été prises au pied du plateau qui domine la vallée du Rhône d'une quarantaine de mètres, le long de rues ou de chemins “coincés” entre voie ferrée et zone industrielle du côté Ouest, base du plateau du côté Est. Comme quoi on peut montrer de beaux objets géologiques naturels en pleine agglomération ou zone industrielle.

Localisation par fichier kmz de l'affleurement à galets mous de Saint-Fons (Rhône).


Vue (en direction du Nord) et carte géologique du Sud de Lyon montrant la localisation des flute casts de Saint-Fons (flèche rouge), entre Saint Fons et Feyzin

Figure 13. Vue (en direction du Nord) et carte géologique du Sud de Lyon montrant la localisation des flute casts de Saint-Fons (flèche rouge), entre Saint Fons et Feyzin

Le quart Sud-Est de ces images correspond au plateau qui domine la vallée du Rhône d'une quarantaine de mètres. Ce plateau est constitué de molasse recouverte de sédiments fluvio-glaciaires. Comme quoi on peut montrer de beaux objets géologiques naturels dans une grande agglomération.


Extrait de la carte géologique de France au 1/1 000 000

Figure 14. Extrait de la carte géologique de France au 1/1 000 000

Tous les terrains jaunes-pale nommés “m”, de Genève à Arles et à Digne en passant par Chambéry, Lyon, Valence et Avignon correspondent aux sédiments miocènes déposés dans le bassin flexural péri-alpin. Localement, la subsidence a commencé à l'Oligocène (jaune vif, “g”). L'origine de ce bassin molassique est expliquée à la figure 9 de Les chenaux des « molasses » miocènes de la région lyonnaise (Rhône) . Le secteur de Saint-Fons et Feyzin est entouré en rouge.


Il est assez facile de voir des galets mous actuels dans les régions de slikke comme on en trouve sur le long de la majorité des rivages avec marées, dans les estuaires, baies ou autres endroits abrités où il peut se déposer de l'argile mais où des courants d'estuaire, de marée… peuvent être assez forts pour démanteler ces niveaux d'argile. Rappelons que la slikke correspond à la partie vaseuse des côtes basses (quand il y a une partie vaseuse), couverte à chaque marée haute. Des imbrications de bancs de vase et de bancs de sable permettent d'avoir une idée du mode de genèse des galets mous.

Une côte sablo-vaseuse à marée basse

Figure 15. Une côte sablo-vaseuse à marée basse

Au premier plan, un banc de sable. Juste derrière le chien, le sommet des bancs argileux de la slikke émerge partiellement ; encore en arrière, on voit la slikke à peine émergente ; au fond, la pleine mer.


Vue rapprochée d'un banc d'argile

Figure 16. Vue rapprochée d'un banc d'argile

Ce banc d'argile pure est entouré de sable argileux plus grossier sur lequel sont posés des galets d'argile.


Détail d'un banc d'argile

Figure 17. Détail d'un banc d'argile

Ce banc d'argile pure est entouré de sable argileux plus grossier sur lequel sont posés des galets d'argile. Les deux photos suivantes sont celles du galet visible sur le quart inférieur gauche de la photo.


Gros plan sur le galet du quart inférieur gauche de la figure précédente

Figure 18. Gros plan sur le galet du quart inférieur gauche de la figure précédente

Ce galet est entouré d'un sillon dû à un écoulement qui en faisait le tour (vague déferlante, marée montante…). Ce courant a érodé le sable autour du galet, mais n'a pas érodé le galet lui-même qui pourtant est un galet mou constitué d'argile “pure”.


Galet de la figure précédente percé de la lame d'un couteau, preuve qu'il s'agit bien d'un galet mou

Figure 19. Galet de la figure précédente percé de la lame d'un couteau, preuve qu'il s'agit bien d'un galet mou

Ce galet mou est pourtant entouré d'un sillon dû à un écoulement qui en faisait le tour (vague déferlante, marée montante…). Ce courant a érodé le sable autour du galet, mais n'a pas érodé le galet lui-même qui pourtant est un galet mou constitué d'argile “pure”. On voit bien qu'un courant d'une certaine vitesse érode plus le sable que l'argile.


Bancs d'argile entourés de sable argileux sur lequel sont posé des galets d'argile, des galets mous

Figure 20. Bancs d'argile entourés de sable argileux sur lequel sont posé des galets d'argile, des galets mous

Des pistes de reptation animale sont visibles sur le sable.


Détail de la figure précédente sur des galets d'argile, des galets mous

Figure 21. Détail de la figure précédente sur des galets d'argile, des galets mous

Des pistes de reptation animale sont visibles sur le sable.


Zoom sur le galet d'argile du centre de la figure précédente, un galet mou

Figure 22. Zoom sur le galet d'argile du centre de la figure précédente, un galet mou

Des pistes de reptation animale sont visibles sur le sable.


Vue générale montrant des galets mous transportés sans être détruits “loin” des bancs d'argile d'où ils proviennent et déposés sur des bancs de sable

Figure 23. Vue générale montrant des galets mous transportés sans être détruits “loin” des bancs d'argile d'où ils proviennent et déposés sur des bancs de sable

L'argile de ces galets n'est pas érodée par les suintements et ruissellements qui érodent le sable à marée basse.


Galets mous transportés sans être détruits “loin” des bancs d'argile d'où ils proviennent et déposés sur des bancs de sable

Figure 24. Galets mous transportés sans être détruits “loin” des bancs d'argile d'où ils proviennent et déposés sur des bancs de sable

L'argile de ces galets n'est pas érodée par les suintements et ruissellements qui érodent le sable à marée basse.


Une pré-fracturation est nécessaire pour arracher des galets d'argile à un banc d'argile de grande taille. Des fentes de dessiccation qui se forment à marée basse, des fentes dues à un fluage d'une argile bien mouillée sous une croute superficielle plus sèche et plus cassante… peuvent faire office de pré-fracturation qui serviront lors de la marée haute suivante. Un banc argileux présentait de telles fentes lors de la marée basse pendant laquelle ont été prises les trois photographies suivantes. Ces fentes auront-elles servi à la constitution de galets mous lors de la marée haute suivante ?

Vue sur un banc d'argile pré-fracturé pendant la marée basse pendant laquelle a été prise la photo

Figure 25. Vue sur un banc d'argile pré-fracturé pendant la marée basse pendant laquelle a été prise la photo

Ces fentes auront-elles servi à la constitution de galets mous lors de la marée haute suivante ?


Zoom sur un banc d'argile pré-fracturé pendant la marée basse pendant laquelle a été prise la photo

Figure 26. Zoom sur un banc d'argile pré-fracturé pendant la marée basse pendant laquelle a été prise la photo

Ces fentes auront-elles servi à la constitution de galets mous lors de la marée haute suivante ?


Détail d'un banc d'argile pré-fracturé pendant la marée basse pendant laquelle a été prise la photo

Figure 27. Détail d'un banc d'argile pré-fracturé pendant la marée basse pendant laquelle a été prise la photo

Ces fentes auront-elles servi à la constitution de galets mous lors de la marée haute suivante ?