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Image de la semaine | 18/12/2017

Une "forêt pétrifiée" de gymnospermes permiens du Damaraland, près de Khorixas, Namibie

18/12/2017

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Troncs silicifiés montrant fibres de bois, cernes annuels et des cavités géodiques à quartz, dans le Petrified Forest National Monument de Namibie.


Un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Figure 1. Un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Ce tronc est l'un des multiples fossiles de troncs de gymnospermes. Ces troncs silicifiés sont inclus dans une série permienne datée de 280 Ma (Permien inférieur). La structure du bois est parfaitement conservée, et on peut voir par exemple un "nœud" correspondant au départ d'une branche près de l'extrémité droite du tronc.


Zoom sur un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Figure 2. Zoom sur un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Ce tronc est l'un des multiples fossiles de troncs de gymnospermes. Ces troncs silicifiés sont inclus dans une série permienne datée de 280 Ma (Permien inférieur). La structure du bois est parfaitement conservée, et on peut voir par exemple un "nœud" correspondant au départ d'une branche près de l'extrémité droite du tronc.


Détail avec "nœud" d'un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Figure 3. Détail avec "nœud" d'un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Ce tronc est l'un des multiples fossiles de troncs de gymnospermes. Ces troncs silicifiés sont inclus dans une série permienne datée de 280 Ma (Permien inférieur). La structure du bois est parfaitement conservée, et on peut voir par exemple un "nœud" correspondant au départ d'une branche près de l'extrémité droite du tronc.


Le mois de décembre est une époque où les gymnospermes, en particulier les sapins, épicéas et autres conifères sont à l'honneur. Nous vous présentons pour Noël 2017 des images de sapins de Noël un peu plus vieux que ceux qu'on installe dans les villes et les maisons, puisqu'ils datent de 280 Ma (Permien inférieur). Toutes les photographies qui suivent ont été prises dans le Petrified Forest National Monument en Namibie, à l'Ouest de la ville de Khorixas. Ce gisement montre actuellement plus de 50 troncs de plus de 20 mètres de long et d'innombrables fragments d'arbres plus petits. Aucun de ces arbres n'est en position de vie (comme on peut en voir dans nos bassin houillers français, cf. Tronc en charbon en position de vie dans des grès, ou Une souche de Sigillaire en position de vie dans des grès, hélas non silicifiés) mais tous ces troncs sont couchés à plat dans la série permienne horizontale (comme on peut aussi en voir dans nos bassins houillers français, cf. Fossiles de troncs d'arbres dans une couche de charbon, mais eux non plus, non silicifiés). Aucun ne montre son système racinaire. Ces troncs sont statistiquement parallèles entre eux. Ils auraient été arrachés de leur forêt par des tempêtes ou des débâcles, transportés par des fleuves et sédimentés là où ils se trouvent, interstratifiés dans les sables et argiles permien(ne)s devenus maintenant grès argileux. Le terme de « forêt pétrifiée » est donc légèrement impropre puisqu'il n'y avait pas de forêt sur ce site.

Une fois ensevelis et préservés des xylophages et autres moisissures, les constituants organiques de ces arbres (lignine et cellulose principalement) ont très lentement été décomposés (par des bactéries) et/ou dissouts (par les eaux très siliceuses et acides circulant dans les sédiments gréso-pélitiques). Dès que de la place, si minime soit-elle, était libérée par la disparition des composés ligno-cellulosiques, cette place était occupée par de la silice précipitant à partir des eaux circulantes, silice qui remplaçait donc, micron cube après micron cube, le matériel organique. Ce type de silicification est suffisamment fin et progressif pour préserver la structure du bois. La silice qui a remplacé le bois est principalement sous forme d'opale (silice quasiment amorphe) et/ou de calcédoine (silice cryptocristalline). Dans des cavités internes aux troncs ont pu se développer des cristaux de quartz. Cette silice est colorée (par des oxydes de fer et/ou de manganèse) en brun rouge à brun noir. La Forêt Pétrifiée de Namibie n'a rien à envier à celle, beaucoup plus célèbre, de l'Arizona, si ce n'est que la silice y est un peu moins colorée.

Nous vous montrons des images (d'ensemble et/ou de détail) de trois autres troncs de grandes tailles (images 4 à 8), trois images de la multitude de fragments plus petits (images 9 à 11), quatre images montrant des cristallisations de silice internes à un tronc (images 12 à 15) et dix images montrant des détails de la structure préservée du bois (images 16 à 25).

Vue partielle d'un tronc silicifié couché, Damaraland, Namibie

Figure 4. Vue partielle d'un tronc silicifié couché, Damaraland, Namibie

À droite de ce tronc couché, on voit un morceau de tronc redressé lors de l'aménagement du sentier permettant de se promener dans le Petrified Forest National Monument.


Vue sur un beau tronc silicifié couché, Damaraland, Namibie






Vue sur une cavité géodique visible au milieu du tronc de la figure précédente, Namibie

Figure 14. Vue sur une cavité géodique visible au milieu du tronc de la figure précédente, Namibie

Cette cavité est tapissée de cristaux de quartz qui ont poussé sur l'opale et/ou la calcédoine formant la masse du tronc. Cette cavité peut avoir été déjà présente dans le tronc arrivant dans le bassin sédimentaire, ou alors peut résulter d'un remplacement incomplet des composés ligno-cellulosiques par la silice.


Zoom sur cette cavité géodique tapissée de quartz

Figure 15. Zoom sur cette cavité géodique tapissée de quartz

Cette cavité est tapissée de cristaux de quartz qui ont poussé sur l'opale et/ou la calcédoine formant la masse du tronc. Cette cavité peut avoir été déjà présente dans le tronc arrivant dans le bassin sédimentaire, ou alors peut résulter d'un remplacement incomplet des composés ligno-cellulosiques par la silice.


Vue d'ensemble d'une coupe longitudinale d'un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Vue de détail d'une coupe longitudinale d'un tronc silicifié dans le Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Vue d'ensemble d'une coupe transversale d'un tronc silicifié, Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Figure 20. Vue d'ensemble d'une coupe transversale d'un tronc silicifié, Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

L'érosion différentielle de secteurs moins silicifiés permet de bien voir les rayons ligneux.


Vue de détail d'une coupe transversale d'un tronc silicifié, Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Figure 21. Vue de détail d'une coupe transversale d'un tronc silicifié, Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

L'érosion différentielle de secteurs moins silicifiés permet de bien voir les rayons ligneux.


Vue d'ensemble d'un tronc permettant de bien voir les couches annuelles de la croissance en épaisseur du tronc, Namibie

Figure 22. Vue d'ensemble d'un tronc permettant de bien voir les couches annuelles de la croissance en épaisseur du tronc, Namibie

La présence de ces couches annuelles montre qu'il existait un fort contraste des saisons en Namibie au Permien.


Vue de détail d'un tronc permettant de bien voir les couches annuelles de la croissance en épaisseur du tronc, Namibie

Figure 23. Vue de détail d'un tronc permettant de bien voir les couches annuelles de la croissance en épaisseur du tronc, Namibie

La présence de ces couches annuelles montre qu'il existait un fort contraste des saisons en Namibie au Permien.


Vue d'ensemble d'une coupe transversale permettant de bien voir les cernes annuels de la croissance en épaisseur d'un tronc aujourd'hui silicifié, Damaraland (Namibie)

Figure 24. Vue d'ensemble d'une coupe transversale permettant de bien voir les cernes annuels de la croissance en épaisseur d'un tronc aujourd'hui silicifié, Damaraland (Namibie)

La présence de ces cernes annuels montre qu'il existait un fort contraste des saisons en Namibie au Permien.


Vue de détail d'une coupe transversale permettant de bien voir les cernes annuels de la croissance en épaisseur d'un tronc aujourd'hui silicifié, Damaraland (Namibie)

Figure 25. Vue de détail d'une coupe transversale permettant de bien voir les cernes annuels de la croissance en épaisseur d'un tronc aujourd'hui silicifié, Damaraland (Namibie)

La présence de ces cernes annuels montre qu'il existait un fort contraste des saisons en Namibie au Permien.


Position paléogéographique de la Namibie (étoile rouge) au Carbonifère supérieur (306 Ma) et au Permien supérieur (280 Ma)

Figure 26. Position paléogéographique de la Namibie (étoile rouge) au Carbonifère supérieur (306 Ma) et au Permien supérieur (280 Ma)

La paléogéographie de l'époque de nos arbres silicifiés (280 Ma) était intermédiaire entre les deux représentations de la figure. Au Carbonifère supérieur, en plein maximum de la glaciation permo-carbonifère, la Namibie était sous la calotte glaciaire qui recouvrait toute l'Afrique australe. Au Permien supérieur, la calotte glaciaire avait disparu, et l'Afrique australe était occupée de forêts (de ptéridophytes et de gymnospermes arborescents). Il y a 280 Ma, le climat namibien devait être un climat périglaciaire, avec une forêt de gymnospermes croissant au fur et à mesure que la calotte glaciaire diminuait. Le retrait des calottes glaciaires (si on en croit ce qui s'est passé en Amérique du Nord lors de la dernière déglaciation entre -20 000 et -15 000 ans) peut être l'occasion de débâcles brutales. L'une de ces débâcles aurait entrainé la destruction d'une forêt et le transport des arbres arrachés vers le site où ils ont sédimenté et se sont fait silicifier.


Outre ses gymnospermes fossiles, la Namibie est aussi connue pour une gymnosperme vivante, mais endémique de la Namibie et du Sud de l'Angola, Welviltschia mirabilis. Cette plante a longtemps été considérée comme une espèce panchronique (on utilisait avant l'expression impropre de « fossile vivant »), analogie moderne d'aspect très voisin d'espèce ancienne dont la morphologie n'aurait que peu varié au cours de l'évolution. Welviltschia mirabilis était alors considéré comme très voisin de la gymnosperme ayant été à l'origine des angiospermes. Nous verrons bientôt ce qu'on pense en 2017-2018 de la position de Welviltschia mirabilis dans l'arbre phylogénétique des végétaux spermaphytes.

Jeune Welviltschia mirabilis poussant juste à côté d'une gymnosperme fossile du Permien, Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Figure 27. Jeune Welviltschia mirabilis poussant juste à côté d'une gymnosperme fossile du Permien, Petrified Forest National Monument, Damaraland (Namibie)

Voir un possible « fossile vivant » juste à côté d'un fossile ancien du même groupe procure un plaisir naturaliste rare. Un parfum de cadeau de Noël avec une semaine d'avance !

Pour en savoir un peu plus sur cette espèce endémique, consulter Welwitschia mirabilis, une Gnétale unique du désert de Namibie.


Localisation de la « forêt pétrifiée » du Damaraland en Namibie

Figure 28. Localisation de la « forêt pétrifiée » du Damaraland en Namibie

Localisation sur Google Earth avec le fichier kmz "forêt pétrifiée de Namibie".


Toutes les photographies de P. Thomas de cet article ont été prises lors d'une excursion géologique organisée par le CBGA (Centre briançonnais de géologie alpine) et encadrée par Olivier Dauteuil (Université de Rennes).