Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesLe Claps (Luc en Diois, Drôme), un colossal éboulement datant de 1442

Image de la semaine | 06/02/2017

Le Claps (Luc en Diois, Drôme), un colossal éboulement datant de 1442

06/02/2017

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Glissement de terrain de calcaire tithonique ayant barré la Drôme et lacs de barrage asséchés plus de 350 ans plus tard.


Vue d'ensemble du Claps, Luc en Diois, Drôme

Figure 1. Vue d'ensemble du Claps, Luc en Diois, Drôme

Cette photo montre l'état (en août 2016) d'un éboulement qui a eu lieu en 1442. La montagne, le Pic de Luc (1084 m), est constituée d'une dalle de calcaire tithonique (Jurassique supérieur) pendant vers le Sud avec un pendage de 45°. Un gigantesque panneau de la montagne (d'une surface d'environ 5 hectares et d'épaisseur d'au moins 20 m) constitué des strates supérieures du Tithonique glissa sur les strates inférieures, qui étaient parallèle à la pente. Cet éboulement laissa une superbe "niche d'arrachement" visible en haut de la photo. Cet éboulement se divisa en deux au niveau d'un éperon rocheux visible au centre de l'image, ce qui occasionna deux barrages sur le cours de la Drôme. La taille des blocs éboulés est particulièrement impressionnante. La partie amont (droite) de l'éboulement s'appuyant au niveau d'un deuxième éperon rocheux (visible en bas à droite) fit du barrage amont un barrage particulièrement efficace.


En 1442, un gigantesque éboulement barra la vallée de la Drôme 2 km en amont de Luc en Diois, au pied du Pic de Luc (1084 m). Ce pic est formé par une dalle de calcaire du Jurassique Supérieur (Tithonique, J9-8b sur la carte géologique de Luc-en-Diois), dalle de direction approximativement Est-Ouest pendant vers le Sud avec un pendage d'environ 45°. Le versant Sud du Pic de Luc a signification d'une surface structurale, car sa surface est parallèle aux strates jurassiques. La Drôme traverse en cluse cette barre tithonique. En la traversant, elle en a érodé la partie supérieure qui se trouve sans "appui" inférieur à ce niveau. Privées de leur appui, les strates supérieures du Tithonique "profitèrent" de la stratification parallèle à la pente pour glisser sur les strates basales du Tithonique restées immobiles. Cet éboulement se divisa en deux à l'occasion d'un éperon tithonique, ce qui barra la vallée de la Drôme en deux sites, le barrage aval et le barrage amont. Le barrage amont s'appuyant sur un deuxième éperon tithonique fut le plus important ; il engendra un lac de plus de 5 km de long. Le barrage aval engendra aussi un petit lac, de seulement 300 m de long. Ces lacs se remplirent progressivement d'alluvion, mais le lac amont persista jusqu'en 1804, date à laquelle on perça une galerie à travers le deuxième éperon tithonique, tunnel qu'emprunta l'eau de la Drôme, ce qui assécha définitivement le lac amont. Ces anciens lacs se remarquent bien dans le paysage, car leur fond est parfaitement plat, et parce qu'ils sont maintenant occupés de champs et de prés, alors que le reste de la vallée est beaucoup plus boisé. La Drôme forme une cascade juste en aval de la sortie du tunnel de 1804, cascade qui aboutit à une vasque. Un "lac résiduel" persiste juste avant le barrage aval, lac légèrement agrandi par des aménagements hydrauliques (micro-centrale hydroélectrique) et permettant la baignade. Cascades, vasques, lacs et baignades, voies d'escalade… font de ce site un lieu touristique, connu sous le nom de Saut de la Drôme.

Nous vous présentons ici quelques vues de cet éboulement qui reste impressionnant 575 ans après, ainsi que des extraits de la carte géologique, un schéma explicatif...



Gravure d'Alexandre Debelle représentant la route nationale traversant le Claps (Luc en Diois, Drôme)

Figure 10. Gravure d'Alexandre Debelle représentant la route nationale traversant le Claps (Luc en Diois, Drôme)

L'éboulement du Claps a été une curiosité drômoise, et même dauphinoise, depuis qu'il a eu lieu, et surtout depuis le XIXème siècle où le tourisme commença à se développer.

En témoigne cette gravure d'Alexandre Debelle (1805-1897) représentant la route nationale traversant le Claps vue approximativement depuis le même endroit que la figure précédente. Cette gravure est extraite de l'Album du Dauphiné de Victor Cassien et d'Alexandre Debelle publié en 1837.




Vue d'ensemble du Pic de Luc depuis Luc en Diois, au Nord-Ouest du Claps

Figure 13. Vue d'ensemble du Pic de Luc depuis Luc en Diois, au Nord-Ouest du Claps

On voit très bien que toute la montagne est faite de couches monoclinales pendant de 45° vers la droite (vers le Sud). La couche claire qui constitue le haut de ce flanc Sud correspond à la couche sur laquelle s'est fait le glissement de 1442.


Schéma simplifié résumant la formation du Claps en 1442

Sortie du tunnel creusé en 1804, qui a permis l'assèchement du lac amont

Figure 15. Sortie du tunnel creusé en 1804, qui a permis l'assèchement du lac amont

La figure suivante est prise du bord de la route que l'on voit en haut de la photo.


La Drôme à la sortie du tunnel creusé en 1804 pour assécher le lac amont

Figure 16. La Drôme à la sortie du tunnel creusé en 1804 pour assécher le lac amont

Cette photo est prise du bord de la route que l'on voit en haut de la photo précédente.


L'ancien lac amont vu du sommet du Pic de Luc, Drôme

Vue aérienne des deux anciens lacs ayant résulté de la formation du Claps (Dôme)

Figure 18. Vue aérienne des deux anciens lacs ayant résulté de la formation du Claps (Dôme)

Grand lac amont, à gauche, et petit lac aval, à droite.

La platitude des alluvions et leur "qualité agricole" se voit bien car ce sont presque les seuls terrains cultivés visible sur cette image. La punaise jaune localise la sortie du tunnel des figures précédentes.


Vue "géologique" des deux anciens lacs ayant résulté de la formation du Claps (Drôme)

Figure 19. Vue "géologique" des deux anciens lacs ayant résulté de la formation du Claps (Drôme)

Grand lac amont, à gauche, et petit lac aval, à droite.

La platitude des alluvions (Fz1) et leur "qualité agricol"» se voit bien car ce sont presque les seuls terrains cultivés visible sur l'image aérienne. La punaise jaune localise la sortie du tunnel des figures précédentes.


Vue aérienne du Claps centrée sur le Pic de Luc

Figure 20. Vue aérienne du Claps centrée sur le Pic de Luc

On voit bien la partie Ouest de l'ancien grand lac amont, ainsi que l'ensemble de l'ancien petit lac aval.


Vue "géologique" du Claps centrée sur le Pic de Luc

Figure 21. Vue "géologique" du Claps centrée sur le Pic de Luc

Les éboulis ont la même couleur que le Tithonique (J9-8b) mais avec un "v" en surcharge, ici renforcé pour en accentuer la visibilité. On voit bien la partie Ouest de l'ancien grand lac amont, ainsi que l'ensemble de l'ancien petit lac aval (Fz1).





Extrait de la carte géologique au 1/250 000 montrant la localisation et la direction du synclinal de Lesches-en-Diois

Figure 25. Extrait de la carte géologique au 1/250 000 montrant la localisation et la direction du synclinal de Lesches-en-Diois

Le trait rouge représente la trace de la charnière de ce synclinal. La direction presque Est-Ouest de cette charnière suggère que ce pli est plus dû au raccourcissement pyrénéo-provençal (d'âge éocène) qu'au raccourcissement alpin stricto sensu qui est plus tardif.


Localisation du Claps Luc en Diois (Drôme)

Figure 26. Localisation du Claps Luc en Diois (Drôme)

Accédez au site sur Google Earth via le fichier kmz Claps.