Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesLes étranges rochers des Mourres (Forcalquier, Alpes de Haute Provence)

Image de la semaine | 30/01/2017

Les étranges rochers des Mourres (Forcalquier, Alpes de Haute Provence)

30/01/2017

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Le résultat de l'interaction entre érosion et sédimentation de calcaire lacustre marneux à passées plus indurées : champignons à chapeaux indurés préservant des pédoncules plus tendres.


Rocher en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Figure 1. Rocher en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Le "pied" du champignon est constitué d'un calcaire marneux et crayeux assez tendre et friable. Le "chapeau" est constitué d'un calcaire massif beaucoup plus résistant. L'ensemble s'est déposé dans un lac oligocène. Le chapeau, résistant bien à l'érosion, a protégé les marnes crayeuses sous-jacentes, ce qui est à l'origine de ce relief assez inhabituel en pays calcaire. Chaque champignon mesure de 2 à 4 m de hauteur (un personnage habillé en noir donne l'échelle au centre de la photo).


Deux rocher en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Figure 2. Deux rocher en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Le "pied" du champignon est constitué d'un calcaire marneux et crayeux assez tendre et friable. Le "chapeau" est constitué d'un calcaire massif beaucoup plus résistant. L'ensemble s'est déposé dans un lac oligocène. Le chapeau, résistant bien à l'érosion, a protégé les marnes crayeuses sous-jacentes, ce qui est à l'origine de ce relief assez inhabituel en pays calcaire.


Rochers en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Figure 3. Rochers en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Le "pied" du champignon est constitué d'un calcaire marneux et crayeux assez tendre et friable. Le "chapeau" est constitué d'un calcaire massif beaucoup plus résistant. L'ensemble s'est déposé dans un lac oligocène. Le chapeau, résistant bien à l'érosion, a protégé les marnes crayeuses sous-jacentes, ce qui est à l'origine de ce relief assez inhabituel en pays calcaire.


Autres rocher en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Figure 4. Autres rocher en forme de champignon dans le secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Le "pied" du champignon est constitué d'un calcaire marneux et crayeux assez tendre et friable. Le "chapeau" est constitué d'un calcaire massif beaucoup plus résistant. L'ensemble s'est déposé dans un lac oligocène. Le chapeau, résistant bien à l'érosion, a protégé les marnes crayeuses sous-jacentes, ce qui est à l'origine de ce relief assez inhabituel en pays calcaire.


L'origine de cette morphologie est à rechercher dans l'érosion d'un calcaire marneux et crayeux qui contenait une couche contenant des "masses" disjointes de calcaire dur et résistant. Le calcaire crayeux tendre situé au-dessus de la couche à masses résistantes a été entièrement dégagé par l'érosion. L'érosion a enlevé tout le calcaire crayeux entre les masses de calcaire massif qui se sont ainsi retrouvées dégagées et isolées. L'érosion a continué et a encore enlevé 1 à 2 m de calcaire crayeux, sauf sous les masses de calcaire dur qui se sont ainsi retrouvées perchées au somment d'un "pédoncule". Un dispositif qui n'est pas sans rappeler les classiques cheminée de fées (cf La « Salle de bal des demoiselles coiffées », Théus, Hautes Alpes et Mini-cheminées de fée dans une latérite en cours d'érosion près de Kourou (Guyane)), avec une différence majeure : la nature du "chapeau" résistant et des sédiments érodés.

C'est en effet une particularité sédimentaire qui est à l'origine de cet épisode où des masses de calcaire dur se sont déposées en amas très locaux au sein d'un lac où sédimentait un calcaire marneux et crayeux.

La notice de la carte géologique de Forcalquier (modifiée) décrit ainsi l'origine de cette sédimentation particulière :

g3M. Calcaire des Mourres. Au sommet, les Calcaires des Mourres g3M montrent des bancs calcaires massifs ou grossièrement lités et des édifices calcaires originellement noyés au sein de marnes beiges mais le plus souvent dégagés par une érosion donnant lieu à des formes pittoresques. Ces édifices calcaires varient depuis de simples ondulations, à des monticules, à des formes en meules de foin, puis en poires, enfin en forme de vasques. La genèse de ces édifices dont la texture microscopique varie entre un calcaire fin et un calcaire à laminations cryptoalgaires et bactériennes, peut être due à une stabilisation du carbonate de calcium sur des ilots de végétation de type herbier, dans une région située à la limite du domaine lacustre franc (à l'Ouest) et de la plaine alluviale à sédimentation argileuse (à l'Est). Près de la ferme de Payan les calcaires des Mourres sont couronnés par 5 à 10 m de marnes grises ou brunes à empreintes de végétaux comportant un banc calcaire à Hydrobies et à Polamides lamarcki.

Les calcaires des Mourres passent latéralement vers l'Est aux environs de la ferme de Pavoux aux faciès détritiques duranciens. Près de Pavoux (x = 879,18 ; Y = 193,15) une lentille de marnes grises à Limnées et Planorbes a livré une flore de Characées (Rhabdochara langeri) ainsi que de dents de Micromammifères : Nyctinbmus sp., Peratherium cf. trequens, Geotrypus sp., Paratalpa micheli, Archeomys sp., Adelomyarion vireti, Eucricetodon cf. precursor, Pseudocricetodon thaleri, Glirudinus praemurinus, Eoniys major, Eomys zitteli, de l'Oligocène supérieur.

François Michel, dans son article Les rochers des Mourres sur Futura-Science décrit ainsi cette formation :

Les Mourres forment un ensemble de rochers isolés les uns des autres et classés selon cinq types de formes différentes : ondulations, monticules, meules de foin, cylindres, vasques…

Autant de masses calcaire dégagées par l'érosion et dont la silhouette n'est pas quelconque mais se décrypte à la lumière de leur mode de formation. Alors que les reliefs karstiques résultent d'une altération/dissolution ruiniforme d'une couche carbonatée selon des fissures balafrant la roche, les rochers des Mourres correspondent chacun à une masse rocheuse jadis édifiée par le double jeu d'une sédimentation liée à une activité biologique. Ce sont des rochers issus d'un processus de construction et non le résultat hasardeux du seul phénomène de destruction. Ils correspondent à des structures préexistantes aujourd'hui dégagées par l'érosion qui leur restitue approximativement leur forme d'origine.

Les rochers des Mourres s'inscrivent dans la partie supérieure d'une couche calcaire, dite calcaires de Reillanne. Il s'agit de calcaires massifs, légèrement crayeux et marneux, et localement fossilifères qui datent de la fin de l'Oligocène il y a de cela environ 25 millions d'années.

Dans les bancs de calcaires auxquels appartiennent les rochers on peut observer des fossiles de planorbes et de limnées, gastéropodes d'eau douce dont la présence traduit une formation de la roche en milieu lacustre. À cette époque la région du Luberon, comme le traduisent de nombreuses autres formations rocheuses, était occupée par de grands lacs et le secteur des Mourres se situait non loin d'une zone deltaïque en bordure du lac. Le décor est campé, il ne suffit plus que d'imaginer le processus de « croissance » des rochers !

Les rochers des Mourres se seraient formés, en milieu marécageux, à partir de massifs d'herbiers aquatiques se développant à la surface de l'eau. L'édification d'un rocher vient du fait que son herbier constructeur accumulait du calcaire en le capturant et le stabilisant dans son « feuillage », l'induration du rocher en voie de construction étant aussi vraisemblablement favorisée par la précipitation du calcaire suite à l'activité photosynthétique des herbes. Lors de l'élévation du niveau d'eau du lac, les herbiers se développaient vers le haut, provoquant la croissance verticale du rocher qui s'indurait progressivement en partie basse, les herbiers étant à la poursuite de la surface et à la recherche de la lumière.

Les différentes formes des rochers proviennent des différents régimes de développement des « herbiers - parents », la nécrose de leur partie centrale provoquant une croissance périphérique et la formation d'une vasque, par exemple.

Autour des « rochers » en gestation s'accumulaient sensiblement les mêmes sédiments, mais non indurés par les herbiers, ce qui explique qu'ils sont aujourd'hui plus facilement décapés et rapidement évacués par l'érosion, nous laissant ce décor étonnant et très local des rochers des Mourres.

Figure en 5 schémas illustrant comment a pu se former l'étonnante morphologie des Mourres

Figure 5. Figure en 5 schémas illustrant comment a pu se former l'étonnante morphologie des Mourres

Dans un lac sédimente une boue marno-calcaire (1). Pendant une assez brève période, des touffes isolées de végétaux aquatiques poussent, et leur présence entraine le dépôt d'un calcaire induré à leur voisinage (2 et 3). Puis la sédimentation marno-calcaire reprend de façon homogène (4 ; une seule couche a été dessinée, mais il a dû s'en déposer beaucoup plus). La surface d'érosion actuelle ayant atteint ce niveau à masses de calcaire induré donne à ce secteur sa morphologie si particulière (5).


Base d'une masse calcaire chapeautant les rochers des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Figure 6. Base d'une masse calcaire chapeautant les rochers des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

La différence d'aspect entre le calcaire marneux, crayeux et tendre de la base et le calcaire bien dur du chapeau se voit très bien. Les « laminations cryptoalgaires et bactériennes » dont parle la notice de la carte de Forcalquier ne se voient pas à cette échelle (il faudrait une lame mince).


Zoom sur la base d'une masse calcaire chapeautant les rochers des Mourres

Figure 7. Zoom sur la base d'une masse calcaire chapeautant les rochers des Mourres

La différence d'aspect entre le calcaire marneux, crayeux et tendre de la base et le calcaire bien dur du chapeau se voit très bien. Les « laminations cryptoalgaires et bactériennes » dont parle la notice de la carte de Forcalquier ne se voient pas à cette échelle (il faudrait une lame mince).


Zoom sur la base d'une masse calcaire chapeautant les rochers des Mourres

Figure 8. Zoom sur la base d'une masse calcaire chapeautant les rochers des Mourres

La différence d'aspect entre le calcaire marneux, crayeux et tendre de la base et le calcaire bien dur du chapeau se voit très bien. Les « laminations cryptoalgaires et bactériennes » dont parle la notice de la carte de Forcalquier ne se voient pas à cette échelle (il faudrait une lame mince).




Vue aérienne du secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Figure 15. Vue aérienne du secteur des Mourres, Forcalquier (Alpes de Haute Provence)

Il faut parcourir toute la zone blanchâtre de calcaire peu végétalisé pour découvrir la morphologie si particulière de cette formation.


Vue 3D du secteur des Mourres

Figure 16. Vue 3D du secteur des Mourres

Interprétation géologique sur la figure suivante.


Vue 3D géologique du secteur des Mourres

Figure 17. Vue 3D géologique du secteur des Mourres

On voit très bien la cuesta, formée par les sédiments lacustres oligocènes (couleurs rouge, violacée et rosée) recouvrir le Cénomanien marin (couleur verte, début du Crétacé supérieur). L'Oligocène est recouvert par le Miocène marin (jaune et orange).