Image de la semaine | 21/03/2016
L'Auvergne, un musée des stromatolithes
21/03/2016
Résumé
Les gisements stromatolithiques auvergnats des falaises de Jussat, de la carrière du Mont Libre à Gannat et de la carrière de Gondailly.
Table des matières
Contrairement à une croyance communément répandue dans le milieu des géologues non spécialistes, les stromatolithes vivants ne sont pas rares et existent bien ailleurs qu'à Shark Bay : que ce soit dans des lacs australiens (cf. Les stromatolithes du lac Thetis près de Cervantes, Australie occidentale), des lacs de Patagonie du Sud (cf. Stromatolithes actuels en Patagonie du Sud), ou encore dans des ruisseaux du Jura (cf. Stromatolithes vivant dans des ruisseaux du massif du Jura). Les stromatolithes fossiles sont encore plus courants, puisqu'on en trouve sans interruption depuis -3,5 Ga jusqu'à nos jours. On en trouve un peu partout en France, depuis la côte normande (cf. Les stromatolithes cambriennes de Barneville-Carteret et de Saint-Jean-de-la-Rivière (Manche)) jusqu'au dallage de grands magasins lyonnais (cf. Ammonites, gastéropodes et stromatolithes (oncolites) dans les lieux publics), en passant par le Pas de Calais (cf. Reconstituer le paléoenvironnement du Carbonifère inférieur dans la Carrière du Boulonnais (Pas de Calais)) ou les Corbières (cf. Schistosité moulant des stromatolites (oncolites) à la base de la nappe des Corbières, Pont de Ripaud (Aude)). L'Auvergne en général, et la Limagne en particulier, est sans doute la région de France la plus riche en stromatolithes fossiles spectaculaires, d'âges correspondant à l'Oligocène supérieur / Miocène basal.
Nous vous avons déjà montré rapidement plusieurs gisements de stromatolithes auvergnats (cf. par exemple, Un gisement d'hydrocarbures vu de l'intérieur et un trésor du patrimoine géologique français : la mine de bitume de Dallet (Puy de Dôme), dite « Mine des Rois »). Cette semaine, nous vous montrons la morphologie d'ensemble de ces concrétions dans trois gisements : les falaises de Jussat dans le Puy de Dôme, et les carrières de Gannat et Gondally dans l'Allier. La semaine prochaine, nous étudierons en détail la structure interne de stromatolithes dans un quatrième gisement auvergnat. Puis, après une interruption due au début avril (poisson oblige), nous verrons en détail une roche stromatolithique remarquable : les calcaires à phryganes.
Les falaises de Jussat (Chanonat, Puy de Dôme)
Localiser les falaises de Jussat viaGoogle earth grâce au fichier 526-falaises-Jussat.kmz.
Ce gisement assez extraordinaire se situe dans les falaises au-dessus du hameau de Jussat, commune de Chanonat (Puy de Dôme). La falaise est constituée d'alternances de sable avec des niveaux quartzeux et d'autres bioclastiques, de marnes, et de calcaires. Il y a au moins quatre couches de "boules stromatolithiques". Le niveau supérieur est le plus spectaculaire car constitué de boules jointives et de diamètre métrique. On peut suivre ce niveau sur plusieurs centaines de mètres. Nous allons nous promener dans ce niveau et, dans quatre semaines, nous vous montrerons des détails internes à ces boules.
Le site de Jussat est un site naturel. Si vous y allez avec des élèves, préservez-le et ne cassez pas les stromatolithes, même pour une bonne cause (en avoir des échantillons dans vos classes). Les deux sites suivants (Gannat et Gondailly) sont des carrières en exploitation (actuelle ou récente) pour la chaux ou le ciment. Dans ces carrières en activité, prélever des dizaines ou des centaines d'échantillons ne causera aucun dégât supplémentaire par rapport à son exploitation.
Jussat est l'un des sites sauvages avec stromatolithes les plus beaux d'Auvergne voire de France (hélas non protégé) : préservons-le !
Plusieurs carrières en activité ou abandonnées, des travaux routiers ou industriels… permettent de découvrir que les couches à stromatolithes sont omniprésentes dans les niveaux supérieurs de la série de Limagne. Les notices des cartes géologiques les décrivent, mais souvent sans citer le terme de stromatolithes qui n'était pas "à la mode" dans les années 1970, date de rédaction de ces notices (c'est le mot « travertin » qui est souvent employé) ; les cyanobactéries étaient encore appelées « algues bleues »... Par exemple, la notice de la carte de St-Pourçain-sur-Sioule (où se trouve la carrière de Gondailly) décrit ainsi ces formations : « Marnes et Calcarénites à grosses masses récifales. De cet ensemble, nous n'observons le plus souvent que les énormes masses de calcaires construits, jadis exploités en de nombreux points comme pierre à chaux. Dégagées par l'érosion, ces masses récifales confèrent à la région de Montaigu-le-Blin, où elles sont le plus largement développées, un relief très particulier en buttes et tureaux (Pays des Buttes). La genèse de ces travertins est liée en majeure partie à une prolifération organique végétale (Algues bleues, Mousses, Végétaux supérieurs,...) et animale [larves d'Insectes, Gastéropodes (Hydrobies et autres,...),...] ».
Nous visiterons cette semaine deux carrières, toutes deux dans l'Allier : celle du Mont Libre au-dessus de Gannat (surtout exploitée pour la chaux) et celle de Gondailly (exploitée pour une cimenterie voisine).
Cette semaine, nous ne verrons que des vues d'ensemble sur les stromatolithes, bous verrons que leur morphologie est variable (boule, colonne, cône renversé…). Deux prochaines semaines seront consacrées au détail de la structure interne de ces concrétions biochimiques.
La carrière du Mont Libre (Gannat, Allier)
Localiser la carrière de Gannat viaGoogle earth grâce au fichier 526-carriere-Mont-Libre-Gannat.kmz.
La carrière de Gondailly (Allier)
Localiser la carrière de Gondailly viaGoogle earth grâce au fichier 526-carriere-Gondailly.kmz.
L'exploitation de carrières où l'on trouve des concrétions stromatolithiques au sein de couches argilo-marneuses permet de dégager complètement des stromatolithes sans les endommager. L'exploitant peut les laisser de côté, définitivement s'il n'exploite que l'argile, temporairement s'il exploite aussi le calcaire pour faire du ciment. On peut alors voir entièrement ces concrétions, par dessus, par dessous, de côté… en fonction de la façon dont les aura entreposés l'exploitant. Une chance rare !
Source - © 2016 Viva Jet / Univ. of Waterloo (Canada), modifié |