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Image de la semaine | 27/02/2012

La Saône gelée en février 2012 : comment intégrer ce coup de froid dans le cadre du réchauffement climatique actuel

27/02/2012

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Exemple illustrant la distinction entre météorologie et climat.


La Neva à Saint-Pétersbourg ? Non, la Saône à Lyon le 13 février 2012, en aval de la Passerelle Saint Georges

Figure 1. La Neva à Saint-Pétersbourg ? Non, la Saône à Lyon le 13 février 2012, en aval de la Passerelle Saint Georges

Juste de l'autre côté de la rivière, l'église Saint Georges. Au fond, au sommet de la colline, la basilique de Fourvière.


La première quinzaine de février 2012 a été nettement plus froide que la moyenne sur la majorité de la France métropolitaine. Cela s'est traduit, notamment, par le gel inhabituel de certaines rivières, comme la Saône à Lyon. Voir une telle rivière gelée, ce qui n'était pas arrivé depuis 1985 pour la Saône, a un « intérêt » multiple : (1) c'est un très beau spectacle, même si gants et bonnet sont indispensables pour l'apprécier ; (2) cela permet de se poser des questions sur la présence d'un tel coup de froid alors que tout le monde parle de réchauffement climatique ; (3) on a là, à notre disposition, de nombreux modèles réduits de déformations et de tectonique des plaques ; (4 ) on peut étudier la cristallisation « lente » d'un liquide ; (5) on peut étudier le comportement des oiseaux et autres animaux.

De beaux paysages

Toutes les photographies faites ce 13 février 2012 sont d'une esthétique inhabituelle, et on ne peut pas ne pas montrer la Saône gelée sans le chevet de la cathédrale Saint Jean au deuxième plan, et la basilique de Fourvière à l'arrière-plan, même si ce paysage urbain n'a que peu d'intérêt « géologique ».

La Saône gelée à Lyon le 13 février 2012

Figure 2. La Saône gelée à Lyon le 13 février 2012

Un paysage typiquement lyonnais dans les conditions inhabituelles du 13 février 2012 : la Saône partiellement gelée au premier plan, le chevet de la primatiale Saint Jean au deuxième plan, et la basilique de Fourvière à l'arrière-plan.


La Saône gelée à Lyon le 13 février 2012

Figure 3. La Saône gelée à Lyon le 13 février 2012

Un paysage typiquement lyonnais dans les conditions inhabituelles du 13 février 2012 : la Saône partiellement gelée au premier plan, le chevet de la primatiale Saint Jean au deuxième plan, et les pentes de la colline de Fourvière à l'arrière-plan.


Coup de froid et réchauffement climatique

Depuis 1860, la température moyenne mondiale a augmenté de 0,8°C. En France métropolitaine, l'augmentation de température a été du double (+ 1,6°C). Comment un coup de froid comme celui de février 2012 peut-il avoir lieu dans un tel contexte ? C'est oublier qu'une tendance à la hausse des températures n'empêche pas des évènements extrêmes, même froids. Les trois figures suivantes montrent (1) l'évolution des températures moyennes de février à Lyon depuis l'ouverture de la station météorologique de Lyon-Bron en 1921, (2) la liste des hivers où la Saône a gelé partiellement ou totalement entre Mâcon et Lyon et (3) l'évolution de la température régionale (à Genève) entre le 13 février 2011 et le 13 février 2012.

La courbe d'évolution des températures moyennes de février montre bien une tendance à la hausse malgré les irrégularités propres à tous les phénomènes naturels : 3,7°C de moyenne pour les 20 mois de février entre 1921 et 1940, 5,25°C entre 1991 et 2010. Cela correspond à une augmentation de température moyenne de 1,5° en 70 ans.

La liste des hivers où la Saône a gelé est elle aussi riche d'enseignement : la Saône a gelé 5 fois de 1921 à 1966 (5 fois en 45 ans), soit une fois tous les 9 ans en moyenne. Elle n'a gelé que 2 fois de 1967 à 2012 (2 fois en 45 ans), soit une fois tous les 22 ans et demi en moyenne. Avec la réserve venant du fait que l'on n'a que 90 ans de statistiques, cet exemple lyonnais montre que malgré une augmentation significative des températures hivernales, les évènements exceptionnellement froids existent toujours ; ils sont simplement plus rares.

La courbe des température sur 1 an à Genève montre le caractère exceptionnellement froid de ce début de février 2012 après une année anormalement chaude.

Figure 4. Évolution des températures moyennes de février en région lyonnaise

Malgré des irrégularités inhérentes aux phénomènes naturels, une tendance à la hausse est nettement visible (+1,5°C entre les deux premières décennies et les deux dernières). La décennie 1951-1960 est particulièrement froide à cause du terrible février 1956, où la température moyenne a été de -6,7°C au lieu des +3 à +5°C habituels.

Source : compilation des données de la station météo de Lyon / Bron


Liste des hivers (janvier et/ou février) où la Saône a partiellement ou totalement gelé entre Mâcon et Lyon depuis 1921

Figure 5. Liste des hivers (janvier et/ou février) où la Saône a partiellement ou totalement gelé entre Mâcon et Lyon depuis 1921

La Saône a gelé 5 fois entre 1921 et 1965 (1929, 1940, 1945, 1956 et 1963) et seulement 2 fois depuis 1964 (1985 et 2012). Il y a bien une diminution de la fréquence des évènements de froid intense. Cette liste a été établie à la suite d'une compilation sommaire des archives météo et de divers témoignages. Une étude rigoureuse des archives pourrait éventuellement modifier cette liste à la marge.


Figure 6. Statistiques des températures moyennes à Genève

Le site de la station météo de Lyon/Bron met en ligne les données quotidiennes de la station météo de Genève (110 km plus au NE). Ces données couvrent 1 an, du 14 février 2011 au 13 février 2012.

Le diagramme du haut montre l'évolution journalière de la température. La courbe noire montre l'évolution « moyenne » au cours d'une année pour les dernières décennies. On voit que la température réelle a été beaucoup plus souvent au-dessus des moyennes saisonnières de plusieurs degrés (courbe rouge) qu'en dessous (courbe bleue).

Le diagramme du bas montre l'écart entre la température mesurée (en rouge ou en bleu) et la moyenne locale (trait noir horizontal). Sauf en juillet 2011 et depuis fin janvier 2012, la température à Genève a été supérieure à la moyenne de 1 à 4°C. La moyenne des 365 derniers jours (trait vert) a été supérieure de 1,4°C à la moyenne régionale des dernières décennies.

Sur les deux courbes, on voit bien que la première quinzaine de février 2012 est tout à fait exceptionnelle : un gros coup de froid dans une année anormalement chaude.


Des modèles réduits de tectonique et de tectonique des plaques

La « banquise » recouvrant la Saône était de nature variable, allant d'une croute de glace massive et cassante de plusieurs centimètres d'épaisseur à une bouillie cristalline sans résistance. Les courants sous-jacents, les vents… ont déplacé cette surface gelée, créant ici des zones de convergence, ici des zones de divergence, tantôt ductiles, tantôt cassantes, mimant ainsi fentes ouvertes, ouvertures océaniques, grands chevauchements, plis...

Secteur de la Saône où une croûte de glace massive a été fracturée

Figure 7. Secteur de la Saône où une croûte de glace massive a été fracturée

Deux zooms sont proposés ci-après.


Secteur de la Saône où une croûte de glace massive a été fracturée

Secteur de la Saône où une croûte de glace massive a été fracturée

Figure 9. Secteur de la Saône où une croûte de glace massive a été fracturée

Ce zoom, le plus rapproché, montre en particulier une ouverture droite-gauche au premier plan, et deux chevauchement de l'arrière vers l'avant. Un modèle réduit de l'Asie chevauchant l'Inde, Inde ayant elle-même auparavant été soumise à une extension Est-Ouest.


Secteur de la Saône où des plaques de glace se sont déplacées les unes par rapports aux autres

Figure 10. Secteur de la Saône où des plaques de glace se sont déplacées les unes par rapports aux autres

On peut noter des zones d'écartement mimant une « dérive des continents à la Wegener ». On voit aussi des chevauchements croûte/croûte, ainsi qu'un pseudo-anticlinal « en genou » à charnière fracturée.

Deux zooms sont proposés ci-après.


Secteur de la Saône où des plaques de glace se sont déplacées les unes par rapports aux autres

Figure 11. Secteur de la Saône où des plaques de glace se sont déplacées les unes par rapports aux autres

On peut noter des zones d'écartement mimant une « dérive des continents à la Wegener ». On voit aussi des chevauchements croûte/croûte, ainsi qu'un pseudo-anticlinal « en genou » à charnière fracturée.


Secteur de la Saône où des plaques de glace se sont déplacées les unes par rapports aux autres

Figure 12. Secteur de la Saône où des plaques de glace se sont déplacées les unes par rapports aux autres

On peut noter des zones d'écartement mimant une « dérive des continents à la Wegener ». On voit aussi des chevauchements croûte/croûte, ainsi qu'un pseudo-anticlinal « en genou » à charnière fracturée.


Zoom sur des plaques de glace se chevauchant sur la Saône

Figure 13. Zoom sur des plaques de glace se chevauchant sur la Saône

Plaques de glace se chevauchant et mimant l'Himalaya. À gauche, l'Eurasie et le Tibet ; à droite, l'Inde.


Zoom sur des plaques de glace mimant un point triple avec la jonction de 3 rifts

Figure 14. Zoom sur des plaques de glace mimant un point triple avec la jonction de 3 rifts

Analogie possible avec les Afars d'où partent Mer Rouge, Golfe d'Aden et Grand Rift Africain.


Plaques de glace avec « rides » compressives sur la Saône

Figure 15. Plaques de glace avec « rides » compressives sur la Saône

Ce sont d'anciennes fractures ouvertes, dont l'eau a partiellement recristallisé, qui se sont trouvées remplies par une bouillie cristalline, puis se sont refermées ce qui a expulsé vers le haut cette bouillie cristalline formant maintenant autant de « rides ». On a là une analogie entre une zone de croûte fragilisée par une extension (ou un décrochement) et sur-épaissie par un raccourcissement postérieur, les Pyrénées par exemple.


Plaques de glace avec « rides » compressives sur la Saône

Figure 16. Plaques de glace avec « rides » compressives sur la Saône

Ce sont d'anciennes fractures ouvertes, dont l'eau a partiellement recristallisé, qui se sont trouvées remplies par une bouillie cristalline, puis se sont refermées ce qui a expulsé vers le haut cette bouillie cristalline formant maintenant autant de « rides ». On a là une analogie entre une zone de croûte fragilisée par une extension (ou un décrochement) et sur-épaissie par un raccourcissement postérieur, les Pyrénées par exemple.


Des figures de cristallisation

Une surface d'eau libre et immobile en cours de cristallisation, sur la Saône

Figure 17. Une surface d'eau libre et immobile en cours de cristallisation, sur la Saône

Les cristaux de glace atteignent une bonne dizaine de centimètres de long.

Deux zooms sont proposés ci-après.


Une surface d'eau libre et immobile en cours de cristallisation, sur la Saône

Figure 18. Une surface d'eau libre et immobile en cours de cristallisation, sur la Saône

Les cristaux de glace atteignent une bonne dizaine de centimètres de long.


Une surface d'eau libre et immobile en cours de cristallisation, sur la Saône

Figure 19. Une surface d'eau libre et immobile en cours de cristallisation, sur la Saône

Les cristaux de glace atteignent une bonne dizaine de centimètres de long.


Des scènes de vie animale

Mouettes au repos sur la banquise lyonnaise

Figure 20. Mouettes au repos sur la banquise lyonnaise

Sur la Saône, 13 février 2012.


Mouettes au repos sur la banquise lyonnaise

Figure 21. Mouettes au repos sur la banquise lyonnaise

Sur la Saône, 13 février 2012.


Localisation

L'agglomération lyonnaise, Saône et Rhône

Figure 22. L'agglomération lyonnaise, Saône et Rhône

Lyon est arrosé par deux cours d'eau : le Rhône venant de l'Est, et la Saône qui s'y jette en venant du Nord. Toutes les photos ont été prises au niveau du cercle rouge. Si la Saône gèle plusieurs fois par siècle, c'est tout à fait exceptionnel pour le Rhône, qui ne charriait aucun glaçon pendant ce début février 2012. La différence de comportement de ces deux cours d'eau vient (1) du débit et du courant beaucoup plus importants du Rhône, (2) du lac Léman 150 km en amont qui tamponne et tempère la température du Rhône qui en sort et (3) de la centrale nucléaire du Bugey située 35 km en amont et qui rejette de l'eau chaude dans le fleuve.


La Saône à Lyon

Figure 23. La Saône à Lyon

Secteur de Lyon où ont été prises les photos présentées ici, principalement au niveau des deux ponts visibles au centre de l'image.