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Image de la semaine | 15/06/2009

Les pseudo-moraines du Vatnajökull (Islande) : interaction entre écoulement glaciaire et éruptions volcaniques

15/06/2009

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Quand le Grimsvötn marque le Vatnajökull, icebergs dans le Jökulsarlon, et possibles jökulhlaup.


Pseudo-moraines sinueuses sur le Vatnajökull (le plus grand glacier d'Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Figure 1. Pseudo-moraines sinueuses sur le Vatnajökull (le plus grand glacier d'Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

L'image 2 est un agrandissement de la partie gauche de cette image. Photo prise en mai 2003.


Nous avons déjà vu deux types de « dessins » formant des lignes sombres à la surface des glaciers : des moraines latérales devenant moraines médianes, et des bandes de Forbes.

Le Vatnajökull, la plus grande calotte glaciaire d'Islande (140 x 95 km), présente un troisième type de bandes sombres dessinant des lignes très sinueuses à la surface du glacier. Le tracé sinueux de ces lignes noires à la surface du glacier correspond en fait à l'intersection entre la surface ondulée du glacier avec des niveaux de glace sombre presque horizontaux (qui ne sont donc pas des moraines), et eux-mêmes sans doute légèrement ondulés.

Les images 1 à 7 montrent des vues plus ou moins éloignées du front du Vatnajökull, avec ces pseudo-moraines, se jetant dans le Jokulsarlon.

Détail sur les lignes noires sinueuses à la surface du Vatnajökull (Islande)

Figure 2. Détail sur les lignes noires sinueuses à la surface du Vatnajökull (Islande)

Si on examine en détail la moitié gauche du front du glacier, on voit que ces bandes noires correspondent en fait à des niveaux de glaces très sombres et presque horizontaux (d'où partent des coulées verticales sombres dues à la fonte de cette glace très sale). Le tracé sinueux de ces lignes noires à la surface du glacier correspond en fait à l'intersection entre la surface ondulée du glacier avec des niveaux de glace sombres presque horizontaux, bien qu'eux-mêmes sans doute légèrement ondulés. Photo prise en mai 2003.


Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Figure 3. Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Les images 1 et 2 sont situées légèrement à droite du centre de cette image. À l'extrême gauche de l'image, on voit très bien une large moraine médiane, qui n'a pas du tout un tracé sinueux mais simplement arqué. Photo prise en mai 2003.


Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Figure 4. Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Même secteur du Vatnajökull que l'image précédente. L'image 3 a été prise en mai 2003, cette image en été 2007. On peut voir l'évolution de la géométrie des bandes noires en 4 ans.


Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Figure 5. Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Détail de l'état du glacier et de ses pseudo-moraines, été 2007.


Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Figure 6. Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Les images 1 et 2 se situent dans le 1/5ème droite de cette photo. Presque au centre de l'image, on voit très bien une importante moraine médiane au tracé arqué mais non sinueux. D'autres moraines médianes moins importantes se voient à gauche de l'image. Photo prise en mai 2003.


Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Figure 7. Le Vatnajökull (Islande) se jetant dans le Jökulsarlon

Mosaïque de 3 photos montrant l'ensemble de ce bras du Vatnajökull se jetant dans le Jökulsarlon. Photo prise en mai 2003.


Les icebergs, nombreux sur le Jökulsarlon, permettent de découvrir que certains d'entre eux sont en fait constitués de l'empilement de « strates » bleutées (glace propre) et de strates complètement noires (glace très sale).

Icebergs stratifiés sur le Jökulsarlon (Islande)

Figure 8. Icebergs stratifiés sur le Jökulsarlon (Islande)

Certains icebergs montrent un empilement de « strates » bleutées (glace propre) et de strates complètement noires (glace très sale).


Gros plan sur un Iceberg stratifié sur le Jökulsarlon (Islande)

Figure 9. Gros plan sur un Iceberg stratifié sur le Jökulsarlon (Islande)

Cet iceberg montre un empilement de « strates » bleutées (glace propre) et de strates complètement noires (glace très sale).


Replaçons les observations dans leur contexte avant d'expliquer l'origine de ces strates sombres.

Le Vatnajökull (le plus grand glacier d'Islande), la lagune du Jökulsarlon et le volcan Grimsvötn

Figure 10. Le Vatnajökull (le plus grand glacier d'Islande), la lagune du Jökulsarlon et le volcan Grimsvötn

La calotte du Vatnajökull est recouverte de nuages dans les images Google Earth, et on ne peut donc avoir de belles vues satellitales de ces lignes sinueuses. Par contre, l'une des langues glaciaires s'échappant de la calotte principale au SO n'est pas recouverte par les nuages, ce qui permet d'en voir des vues détaillées (image suivante). L'étoile violette indique la position du Grimsvötn, un volcan sous-glaciaire.


Une langue glaciaire s'échappant de la calotte principale du Vatnajökull (Islande)

Figure 11. Une langue glaciaire s'échappant de la calotte principale du Vatnajökull (Islande)

Cette vue satellitale permet d'observer toute l'abondance et la complexité de ces lignes sombres sinueuses.


Schéma simplifié montrant l'origine géométrique des lignes sombres sinueuses dans les parties aval du Vatnajökull

Figure 12. Schéma simplifié montrant l'origine géométrique des lignes sombres sinueuses dans les parties aval du Vatnajökull

La gauche du schéma correspond à la partie principale de la calotte qui ne fond pas. Pour simplifier le dessin, on a négligé les phénomènes de fluage de la glace. À droite, on est sur les bords de la calotte, qui fond superficiellement. Le glacier devient donc de plus en plus mince. Le glacier comprend dans sa masse des alternances (ici supposées parfaitement horizontales pour simplifier) de glace propre (bleue) et très sale (brun foncé). La surface de fonte, forcément non régulière, recoupe les alternances bleues et brunes en dessinant des lignes flexueuses. Et comme, dans la réalité, les alternances de glaces propres et sales sont très vraisemblablement non parfaitement planes mais ondulées à cause du fluage du glacier, la géométrie des lignes sinueuses n'en est que plus complexe. Ce schéma correspond à la situation que l'on voit sur la figure précédente, à l'endroit où la langue glaciaire quitte l'inlandsis (la calotte principale).


Pourquoi ces lignes sinueuses n'existent que presque exclusivement sur le Vatnajökull (et en moins marqué sur quelques autres calottes glaciaires islandaises) ? Parce que le Vatnajökull est la calotte glaciaire qui interagit le plus avec de vastes recouvrements de cendres volcaniques. Le Vatnajökull est périodiquement recouvert par les panaches de cendres venus des éruptions majeures des grands volcans islandais comme l'Hekla. Mais surtout, le Vatnajökull est l'une des rares calottes glaciaires importantes qui possède un volcan sous sa base : le Grimsvötn. Ce volcan sous-glaciaire est complètement caché sous le Vatnajökull, avec une éruption en moyenne tous les 10 ans, et quelques éruptions majeures par siècle. Chaque éruption sous-glaciaire du Grimsvötn perfore le glacier et recouvre tout ou partie du Vatnajökull d'une couche de cendres volcaniques, couche qui sera ensuite elle-même recouverte par des années de précipitations neigeuses qui deviendront des couches de glace propre par compaction. Ces éruptions entraînent aussi l'alimentation de lacs (sous-)glaciaires dont la débacle est connue sous le nom de jökulhlaup Ce sont ces alternances de glaces propres et de glaces « polluées » par les cendres qui sont à l'origines des bandes sombres flexueuses du Vatnajökull.

Le début d'une éruption sous glaciaire du Grimsvötn en 1996, Islande

Figure 13. Le début d'une éruption sous glaciaire du Grimsvötn en 1996, Islande

La chaleur dégagée par l'éruption a déjà fait fondre un conduit dans la glace, par où s'échappent de la vapeur et des cendres qui recouvrent et noircissent la surface du Vatnajökull.


Figure 14. Le Grimsvötn à la fin de l'éruption de novembre 2004, Islande

La calotte a disparu sur plusieurs hectares, et a été remplacée par un lac d'où dépasse un petit cône volcanique. On voit très bien la glace salie par les projections les plus récentes, postérieures à la dernière chute de neige. À la fin de l'éruption, chutes de neige et fluage de la glace refermeront ce « trou » qui perçait le Vatnajökull.