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Image de la semaine | 25/05/2009

Bandes de Forbes sur un glacier andin, entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine), et sur la Mer de Glace (Haute Savoie)

25/05/2009

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Glaciers, bandes de Forbes et calcul de vitesse de progression.


Bandes de Forbes dans la partie aval d'un glacier andin, quelque part entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine)

Figure 1. Bandes de Forbes dans la partie aval d'un glacier andin, quelque part entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine)

Ces bandes de Forbes (en anglais Forbes ogives) apparaissent au bas d'une chute de séracs. On voit très bien à gauche et à droite de la langue glaciaire les moraines latérales « suspendues », témoins du recul des glaciers des Andes centrales.


Un faible pourcentage de glaciers présente dans sa partie aval des alternances de bandes arquées claires et sombres. Ces bandes ont été décrites pour la première fois sur la Mer de Glace par le naturaliste écossais James Forbes au XIXème siècle, d'où leur nom de « bandes de Forbes » en français, ou « Forbes ogives » en anglais. Ces bandes de Forbes (ou du moins les plus visibles d'entre elles) sont rares et toujours localisées en aval d'une chute de séracs, elle-même située à une altitude relativement faible, là où la fusion estivale est importante. Les bandes alternativement claires et sombres correspondent respectivement à de la glace pure et sale. Chaque doublet de bandes correspond à une année. Quand un glacier passe sur une rupture de pente, il se forme une chute de séracs. La surface de la glace au contact de l'atmosphère y est considérablement augmentée, et l'été, la fusion de la glace est accélérée. La glace traversant cette zone perdra du volume, ce qui concentrera les poussières préexistante de la glace, et pourra même se charger de poussières diverses provenant de l'atmosphère. À l'aval de la chute de séracs, le glacier se reconstitue par collage des différents blocs, mais la glace « sale » aura une teinte relativement sombre. Au contraire, l'hiver, la glace ne fond pas, les espaces entre les séracs se remplissent de neige fraîche, le volume d'eau solide du glaciers augmente, et les poussières préexistant dans le glacier seront « diluées ». À l'aval de la chute de séracs, le glacier se reconstitue par collage des différents blocs, mais la glace, « propre », aura une teinte relativement claire.

Un glacier andin, quelque part entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine), présentant des bandes de Forbes

Figure 2. Un glacier andin, quelque part entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine), présentant des bandes de Forbes

On voit très bien les différentes parties « classiques » d'un glacier : cirque d'alimentation, langue, front, moraines...


Un glacier andin, quelque part entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine), présentant des bandes de Forbes

Figure 3. Un glacier andin, quelque part entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine), présentant des bandes de Forbes

On voit très bien les différentes parties « classiques » d'un glacier : cirque d'alimentation, langue, front, moraines...


Les glaciers avec bandes de Forbes sont rares. Mais avec la Mer de Glace, dans le massif du Mont-Blanc, ce phénomène glaciaire est à la portée de tous les géologues et naturalistes français. Les images 4, 5 et 6 correspondent à des images que tout randonneur ou touriste peut prendre ; les images 7 et 8 sont des images Google Earth de la Mer de Glace en été, période pendant laquelle les bandes de Forbes sont particulièrement visibles.

Bandes de Forbes de la Mer de Glace, 1983

Figure 4.  Bandes de Forbes de la Mer de Glace, 1983

Vue prise au-dessus du Montenvers, en 1983, en direction de l'amont du glacier.

L'éclairage de fin d'après-midi met très bien en valeur les bandes de Forbes dans les parties à l'ombre. La chute de séracs à l'origine ce ces bandes n'est pas visible sur cette photo ; elle se situe plus en amont, derrière le versant de droite.


La Mer de Glace, vers l'aval, depuis la du télécabine de la Vallée Blanche, 2004

Figure 5. La Mer de Glace, vers l'aval, depuis la du télécabine de la Vallée Blanche, 2004

Au premier plan, le glacier du Géant, qui se termine par une rupture de pente où se trouve les séracs du Géant (invisibles ici car masqués par la pente). Au pied de la rupture de pente, on voit la Mer de Glace et ses bandes de Forbes.


La Mer de Glace, vue du Gros Rognon, télécabine de la Vallée Blanche, 2004

Figure 6. La Mer de Glace, vue du Gros Rognon, télécabine de la Vallée Blanche, 2004

On voit la rupture de pente correspondant aux séracs du Géant, et les bandes de Forbes qui débutent à leur pied.


Vue générale de la Mer de Glace

Figure 7. Vue générale de la Mer de Glace

Les bandes de Forbes débutent après une rupture de pente (les séracs du Géant, notés SG) située entre 2500 et 2700 m d'altitude. Les « V » rouge, vert et bleu indiquent les positions et les angles des prises de vue des photos 4, 5 et 6.


Gros plan sur les séracs du Géant

Figure 8. Gros plan sur les séracs du Géant

C'est à leur pied qu'apparaissent les bandes de Forbes.


Un doublet clair-sombre de bandes de Forbes correspond à une année. Avec une photo dont on connaît l'échelle, on a là un moyen facile de mesurer la vitesse de progression des glaciers. L'image suivante montre un calcul appliqué à la Mer de Glace, en utilisant une image Google Earth et sa « réglette ». Le trajet entre les points rouge et bleu, en passant par le point violet correspond à 10 doublets sombre-clair. Ce trajet mesure 1165 m, et correspond à 10 ans. La Mer de Glace avance donc d'environ 116 m/an dans ce secteur.

Utilisation de Google Earth pour mesurer la distance correspondant à 10 ans d'avancée d'un glacier

Figure 9. Utilisation de Google Earth pour mesurer la distance correspondant à 10 ans d'avancée d'un glacier

La « réglette » de Google Earth indique que dix doublets sombre-clair (entre le point rouge et le point bleu) représentent 1165 m, ce qui montre que ce glacier (la Mer de Glace) avance avec une vitesse de 116,5 m/an dans cette zone. La Mer de Glace mesurant environ 1000 m de large pour 400 m d'épaisseur à cet endroit, cela correspond à 1000 x 400 x 116 = 46 400 000 m3/an, soit un débit solide d'environ 1,5 m3/s.