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Image de la semaine | 15/09/2008

Le bord de la calotte glaciaire du Groenland

15/09/2008

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

La calotte glaciaire groenlandaise : bordure et fonte pluriannuelle.


Vue aérienne du bord de la calotte glaciaire du Groenland (côte orientale), juin 2007

Figure 1. Vue aérienne du bord de la calotte glaciaire du Groenland (côte orientale), juin 2007

Toute la partie supérieure gauche de l'image représente la calotte groenlandaise, où seules sont présentes neiges et glaces. Le substratum rocheux n'affleure pas. L'altitude moyenne de la surface de cette calotte est de 2000 à 3000 m. Ce substratum rocheux affleure sur la chaîne côtière orientale, chaîne traversée par d'immenses glaciers s'écoulant vers les fjords et l'océan. L'un de ces glaciers majeurs traverse l'image de gauche à droite et vient se jeter dans un fjord encore partiellement recouvert par la banquise. Des blocs de glace épais dépassent de la banquise : des icebergs, fragments de glace continentale issus du front du glacier. On devine en amont de ce glacier des lignes en éventail montrant le fluage de la glace de la calotte qui est en train de s'enfiler et de s'écouler dans la vallée se terminant par le fjord. D'autres glaciers sont visibles, notamment dans le coin inférieur gauche.

Le fjord à droite de l'image mesure environ 4 km de large.

Cette photo a été prise en juin 2007 par le hublot d'un avion d'une ligne régulière Paris - Los Angeles.


Le trajet aérien Paris - Californie survole le Groenland, occasion de voir un équivalent actuel de ce à quoi ressemblaient Alpes, Écosse ou Scandinavie lors des dernières glaciations, comme celle du Würm. Voici 11 images, prises en juin 2007 et présentées dans l'ordre des prises de vue, c'est à dire du NE au SO. L'image d'appel (image 1) se situe chronologiquement (et géographiquement) entre les image 8 et 9.

La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

Figure 2. La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

Au premier plan, la mer est couverte de brume. Au deuxième plan, la chaîne côtière. On voit un grand glacier (environ 3 km de large) traverser la chaîne côtière à droite. Le front des Alpes au -essus des plaines de la Bavière (rappelons que « Würm » est le nom d'une rivière bavaroise), ou de la vallée du Rhône devaient ressembler à cela il y a 20 000 ans.


La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

Figure 3. La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

La mer est couverte de brume, qui envahit l'aval des fjords. Le glacier de l'extrême droite de la photo correspond à celui de la gauche de la photo précédente.


La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

Figure 4. La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

La mer est couverte de brume, qui envahit l'aval des fjords. Les montagnes du fond sont constituées de dépôts stratifiés horizontaux.


La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

Figure 5. La côte orientale du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

La mer est couverte de brume, qui envahit l'aval des fjords. Un grand glacier (dont on devine les séracs) arrive par la gauche et disparaît sous la brume. On retrouve les montagnes constituées de dépôts horizontaux.


la chaîne côtière du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

Figure 6. la chaîne côtière du Groenland, vue de 10 000 m d'altitude

On devine les séracs du glacier au 1/3 gauche en bas de l'image. À droite, les montagnes faites de strates horizontales.


Un glacier de la côte Est du Groenland se jette dans un fjord non recouvert par la brume

Figure 7. Un glacier de la côte Est du Groenland se jette dans un fjord non recouvert par la brume

Le glacier est large d'environ 2 km. L'aval du fjord est libre de glace, alors que l'amont est encore recouvert par la banquise (enserrant des icebergs).


Côte Est du Groenland, terminaison d'un fjord dans lequel arrivent de nombreux glaciers

Figure 8. Côte Est du Groenland, terminaison d'un fjord dans lequel arrivent de nombreux glaciers

Le glacier de droite correspond à celui de l'image 7. L'image d'appel (image 1) a été prise juste après (et donc "à gauche" de) celle-ci.


La calotte glaciaire groenlandaise proprement dite

Figure 9. La calotte glaciaire groenlandaise proprement dite

L'avion quitte la chaîne côtière et arrive au-dessus de la calotte glaciaire groenlandaise proprement dite qui se prolonge jusqu'à l'horizon. Encore un « petit » glacier au fond d'une vallée au premier plan. Au centre droit de l'image, on « voit » la glace fluer et converger vers un glacier qui rejoindra un fjord. Cette zone de convergence correspond à celle visible à droite de l'image 1. Noter de petits lacs bleus sur la calotte (au centre de l'image) et en bas à droite sur le glacier de vallée.


Zoom sur les petits lacs visibles au centre de l'image 9, sur la calotte groenlandaise

Figure 10. Zoom sur les petits lacs visibles au centre de l'image 9, sur la calotte groenlandaise

Contrairement à la calotte antarctique dont la surface ne dépasse que très rarement 0°C, la surface de la calotte groenlandaise fond superficiellement pendant l'été. L'eau peut alors s'accumuler dans des creux et former ces petits lacs bleus. La présence de ces lacs peut accélérer la fonte de la calotte pour 2 raisons. (1) Une raison directe. Ces lacs ont un albédo plus faible que celui de la glace ; ils captent bien la chaleur du soleil pendant la longue journée polaire et amplifient la fonte superficielle de la calotte. (2) Une raison indirecte. Quand ces lacs sont « pleins », un ruisseau exutoire en sort, coule sur la glace, fini par pénétrer dans une crevasse (que l'on appelle alors « moulin ») et va atteindre la base du glacier où il formera un torrent sous-glaciaire. La présence de plus en plus importante d'eau liquide à la base de la calotte et des glaciers qui s'en échappent accélèrerait la vitesse des glaciers en direction de la mer, participant ainsi à la diminution du volume de la calotte.


Zoom sur les petits lacs visibles sur un glacier de vallée issu de la calotte groenladaise

Figure 11. Zoom sur les petits lacs visibles sur un glacier de vallée issu de la calotte groenladaise

Zoom des lacs situés en bas à droite de l'image 9.


En furetant sur le web, on peut trouver de belles photos de lacs bleus du Groenland, de leur exutoire, de moulins…

Figure 12. Au bord d'un lac bleu d'été sur la calotte du Groenland

Chercheurs de la Wood Hole Oceanographic Institution et de l'université de Washington, venus étudier les lacs estivaux se développant sur la calotte groenlandaise.


Figure 13. Au bord d'un lac bleu d'été sur la calotte du Groenland

Un chercheur au bord d'un lac d'été. On observe deux "ruisseaux" : exutoire ou alimentation du lac. Ces lacs peuvent former des réseaux. Les exutoires vont parfois se perdre dans des "moulins".


Un ruisseau arrive devant un moulin et plonge à l'intérieur de la calotte glaciaire du Groenland

Figure 14. Un ruisseau arrive devant un moulin et plonge à l'intérieur de la calotte glaciaire du Groenland

Un ruisseau arrive devant un moulin et plonge à l'intérieur de la calotte glaciaire du Groenland, alimentant un réseau sous-glaciaire.


Un ruisseau se précipite dans un moulin sur la calotte glaciaire du Groenland

Figure 15. Un ruisseau se précipite dans un moulin sur la calotte glaciaire du Groenland

L'eau de surface va alimenter un réseau sous-glaciaire.


Il y a toujours eu libération d'icebergs par les glaciers groenlandais, fonte estivale de ces glaciers avec lacs bleus, moulins… En régime stationnaire, cette fonte est équilibrée par l'accumulation de la neige d'hiver qui forme la calotte. Ce qui se produit depuis quelques décennies, c'est une augmentation de cette fonte sans qu'elle soit (totalement) compensée par une augmentation des chutes de neige. Cette augmentation non compensée de la fonte estivale entraîne une diminution du volume de la calotte glaciaire. Et rappelons que si la fonte de la banquise n'a aucun effet sur le niveau de la mer, la fonte des calottes continentales augmente le niveau marin.

Des mesures par satellite, tant altitudinales que gravimétriques (mission GRACE = Gravity Recovery & Climate Experiment), permettent d'estimer la variation de volume des 2 grandes calottes (groenlandaise et antarctique). Pour la calotte groenlandaise et depuis 2002, cela correspond à une perte volumétrique d'environ 700 km3, soit une moyenne de 138 km3/an. Ces 138 km3 annuels participent à l'élévation du niveau moyen des mers avec une contribution de 0,38 mm/an.

Il faut bien sûr plus de 5 ans de données pour intégrer cette fonte dans le réchauffement climatique actuel et en apprécier toute l'importance (ne serait-ce pas qu'un phénomène passager ?). Ces 5 ans de données sont néanmoins très inquiétants. Rappelons que si la calotte du Groenland fondait en totalité, cela correspondrait à une élévation du niveau marin de 7 m.

Données brutes (courbe) et tendance globale (flèche) des variations de volume (en km3) de la calotte groenlandaise

Figure 16. Données brutes (courbe) et tendance globale (flèche) des variations de volume (en km3) de la calotte groenlandaise

Mesures de la mission GRACE (Gravity Recovery & Climate Experiment. Depuis 2002, il y a une diminution moyenne de 138 km3/an.