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Article | 17/05/2023

Fleurs d'opale et péridotites du volcan des Baumes, Hérault

17/05/2023

Bernard Barailler

Ancien membre Club Dauphinois de Minéralogie et de Paléontologie, Ingénieur INP Grenoble

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Formation et évolution de fleurs d’opale, répartition et altération de nodules de péridotite dans une coulée de lave.


Contexte géologique

Cette histoire débute il y a 1,26 million d'années. Le volcan des Baumes, de type strombolien[1], délivre une coulée de basalte. Au sortir du cratère, elle possède une température de l'ordre de 1 200°C. Elle s'écoule à environ 20 km/h puis refroidit au contact de l'air, du sol ou de l'eau. C'est ici que le hasard géologique fait bien les choses. En effet, dans cette partie de l'Hérault, les coulées de lave se sont épanchées dans des cours d'eau (figure 1). Puis, dans les milliers d'années qui ont suivis, le basalte étant plus résistant à l'érosion que son encaissant, les coulées de lave se sont retrouvées en position haute (on parle d’inversion de relief). Tels des moulages inversés, elles reproduisent désormais les cours d'eau existants il y a 1,2 Ma[2].

Heureux hasard, quand l'eau croise le feu

Sur le terrain, la coulée de lave se matérialise aujourd'hui par un mur de basalte fracturé d'environ 2 m de haut. L'affleurement étudié est globalement orienté selon un axe Nord-Sud avec un faible pendage de 10° vers l'Ouest. On retrouve de nombreuses vacuoles à l'intérieur du basalte, en forme d'ellipsoïdes allongés suivant un axe globalement NO-SE.

Dans le miel, les bulles de gaz emprisonnées nous donnent la direction de son écoulement. De la même façon, les vacuoles issues de bulles de gaz, une fois le basalte refroidi, nous donnent la direction de la coulée. Ici on retrouve, par la forme allongée des vacuoles (de quelques centimètres de “diamètre”), l'orientation de la coulée qu'on observe aussi sur une carte à grande échelle. Ce sont ces similarités à des échelles différentes qui confortent les origines des constructions géologiques et minéralogiques que l'on observe dans la nature.

Cette coulée basaltique est fracturée, un peu comme les orgues basaltiques. Cela est dû la prismation du basalte lors de son refroidissement. Les figures de rétractation ont une structure pseudo-hexagonale. Cela pourrait correspondre à ce qu'on appelle souvent les fausses colonnades. On y retrouve par endroits, sur le dessus, une surface scoriacée.

Ce mur de basalte n'est pas homogène. Son aspect change nettement de bas en haut. En bas les vacuoles sont plus grandes et plus rondes, et l’on y observe aussi de gros nodules de péridotites plus ou moins altérés. Une fois disparus, ils sont probablement à l'origine de certaines “vacuoles” du bas de coulée. En haut de l'affleurement, c'est une autre histoire. On ne trouve que quelques petits nodules de péridotites. On trouve surtout des vacuoles plus petites et plus allongées. Parfois, au toit de ces vacuoles de haut de coulée, s’observent des « fleurs d'opale ».


Extrait de la carte géologique à 1/50 000 de Pézenas (Hérault) localisant le volcan des Baumes et la coulée de basalte étudiée

Figure 3. Extrait de la carte géologique à 1/50 000 de Pézenas (Hérault) localisant le volcan des Baumes et la coulée de basalte étudiée

Le point rouge au centre de la carte, entre Nizas et Lézignan-la-Cèbe, localise approximativement l’affleurement de la figure précédente.

Informations sur la notice de la carte de Pézenas et sur le site de la lithothèque de l’académie de Montpellier.


Péridotites et opales hyalites

Comme dans la coulée basaltique du Ray Pic (cf. Les nodules péridotitiques "extraordinaires" de la coulée basaltique du Ray Pic, Burzet (Ardèche)), on retrouve ici des xénolithes arrachés du manteau supérieur lors de la remonté du basalte. Ces péridotites présentent des phénocristaux d'olivine de couleur vert bouteille et quelques pyroxènes légèrement plus foncés. Parfois, quelques discrètes “mouches” noires trahissent la présence de spinelles. La présence de spinelle indique une profondeur d'origine d'environ 30 à 70 km.

Le fait le plus intéressant est que l'on trouve au toit de la coulée des vacuoles avec des fleurs infracentimétriques d'opale hyalite.

Opale hyalite en forme de fleur

Figure 4. Opale hyalite en forme de fleur

La taille des “fleurs” est de l’ordre de quelques millimètres.


Fleur d’opale hyalite

Fleur d’opale hyalite

Fleur d’opale hyalite

Lorsque la vitesse de refroidissement est trop rapide, les briques élémentaires constitutives d'un minéral n'ont pas le temps de s'arranger suivant un édifice cristallin. On a alors une structure amorphe, un verre. Dans le cas de la silice, l'opale hyalite (opale-AN) est la forme complètement amorphe de l'opale (“hyalin” signifie “qui a la transparence du verre”).

Des opales métastables

Les autres types d'opales (opales AG et CT) ont un arrangement cristallin sur de très faibles distances, en particulier les opales CT (lussatite). Plus l'ordre cristallin se développe, plus les signatures spectrales obtenues par diffraction des rayons X sont nettes et les pics fins (figure 8).

La structure variablement amorphe des opales devient progressivement plus ordonnée au cours du processus diagénétique[3]. En effet, l'état le plus stable (énergie libre minimale) à la pression de 1 atmosphère et à la température ambiante est le quartz.

Signatures spectrales des différentes variétés de silice

Figure 8. Signatures spectrales des différentes variétés de silice

Figure issue de : C. Ghisoli, F. Caucia, L. Marinoni, 2010. XRPD patterns of opals: A brief review and new results from recent studies, Powder Diffraction, 25, 3, 274-282 [pdf].


L'un des composants des opales, la tridymite, se transforme progressivement et lentement en cristobalite[4], notamment lors de la transition de l'opale CT à l'opale C.

Lors de la diagenèse, le degré d’organisation du réseau augmente suivant la séquence suivante :

opale-A→ opale-CT→ opale-C→ calcédoine→ quartz.

Possible pseudomorphose d'opale hyalite en lussatite

Figure 9. Possible pseudomorphose d'opale hyalite en lussatite

Cette fleur n’est plus de l'opale hyalite, sa complète pseudomorphose en lussatite serait à confirmer par diffraction des rayons X.

Des exemples de lussatite sont à retrouver, par exemple, dans Pépérites de Limagne à escargots, limnées et planorbes remplis de lussatite.


Amorphogenèse, la naissance d'une fleur d'opale hyalite

Voici un modèle simplifié de ce que pourrait être la genèse d'une fleur d'opale hyalite.

Comme schématisé sur la figure 10, au milieu du vallon coule une rivière. La lave issue du volcan des Baumes arrive à une température de près de 1200°C. Elle chauffe l'air, l'eau et le sol. La réponse thermique de ces trois acteurs est très différente.

Avant l’éruption : et au milieu coule une rivière

L'air va rapidement évacuer la chaleur par convection. On peut, vue la taille de ce réservoir, l'assimiler à une source froide restant à la température initiale de 14°C. L'eau va voir sa température monter jusqu'à 100°C puis va s'évaporer. La température du sol augmente progressivement par conduction. En raison de son inertie thermique, il accumule cette chaleur et constitue progressivement une source chaude à 600°C environ (à comparer aux variations de température de l’encaissant lors du refroidissement d'un dyke). On obtient ainsi un gradient de température. La figure 11 montre une coupe de la lave. La vacuole centrale est volontairement agrandie pour des besoins d'explication dans cette figure et les suivantes.

Intrusion de la lave dans la rivière

Figure 11. Intrusion de la lave dans la rivière

Les densités (d) des différentes roches (à la température ambiante) sont : dopale entre 1,9 et 2,5 ; dbasalte entre 2,6 et 3,2  (3 à 1200°C) ; dpéridotite entre 3,3 et 3,5.

Les péridotites, plus denses, auront tendance à s'enfoncer dans la coulée de lave et les bulles de gaz à monter. Les flèches en rouge schématisent ces mouvements.


Un magma est d'autant plus fluide que sa température est élevée, ses teneurs et en gaz importantes, et sa teneur en silice faible. C'est le cas de notre lave de basalte qui s’écoule dans la rivière. Les basaltes sont les laves les plus pauvres en silice, avec une teneur d’environ 50 %.

Dans la zone d'interface entre la rivière et la lave, l'hydratation de la lave provoque un bouillonnement intense et l'incorporation de bulles de vapeur d'eau dans cette lave.

Dans la lave encore plastique, les vacuoles vont ensuite avoir tendance à s'allonger dans le sens de l'écoulement (figure 12). L'opale hyalite est l'opale qui incorpore le plus d'eau dans sa structure. Sa présence implique donc une forte hydratation, ce qui exclut à priori l’eau de pluie, qui aurait tendance à se vaporiser immédiatement à la surface de la lave.

Hydratation de la lave

À partir d'un certain moment, l'eau disparait au toit de la coulée, soit parce qu'elle a été entièrement incorporée et vaporisée, soit parce qu'elle s'écoule ailleurs avec la montée de ce “mur” de basalte. À mesure que la température de la lave diminue, la viscosité augmente. Le mouvement des péridotites et des vacuoles va donc progressivement se réduire (figure 13).

Disparition de l'eau sur le toit de la coulée

À partir d'une température d'environ 840-890°C[5], la prismation de la coulée de basalte s'opère. Les fractures laissent s'échapper les gaz emprisonnés (figure 14).

Prismation du basalte et dégazage

Cette prismation du basalte induit un réseau de fractures le long duquel les fluides remontent. Les gaz, H2O et CO2 principalement, s'échappent par les fissures nouvellement créées (figure 15).

Remontée de la silice en phase vapeur

L'acide silicique, de formule H4SiO4, remonte en phase vapeur[6] et précipite en silice au toit des vacuoles. Cette condensation se fait dans une gamme de température comprise entre 50 et 250°C suivant la réaction : Si(OH)4 → SiO2 + 2 H2O.

Dans les fractures du bas de la coulée de basalte, on ne retrouve pas d'opale hyalite. Celle-ci n’est présente que sur la partie haute. Cela suggère une plus forte hydratation sur la partie haute, ce qui tend à conforter le modèle d'amorphogenèse présenté.

Cette vapeur de silice se condense alors sur le haut de la vacuole. Le principe est le même que pour les gouttelettes d'eau qui se posent sur le couvercle d’une casserole. Le bourgeon de la fleur d'opale commence ainsi à se former. La température baisse assez rapidement. La silice cristallise trop rapidement pour permettre la mise en place d’une structure cristalline bien ordonnée. Cette silice se refroidit ensuite en gardant une structure amorphe (figure 16).

Création d'une fleur d'opale hyalite

La gravité, la tension superficielle, la pression résiduelle des gaz et leurs turbulences font leur effets et on retrouve alors l’opale hyalite figée par le refroidissement sous la forme caractéristique d'une “gerbe d'eau”.

La température globale redescend ensuite vers une moyenne de 14°C (figure 17). Enfin l'usure du temps se produit. Suite à l'érosion différentielle, la coulée de lave se retrouve en “hauteur” (inversion de relief). La rivière a disparu. Les blocs de basalte se délitent. L'altération des péridotites s'accentue. Certaines disparaissent complètement laissant un trou vide (figure 18). La fleur d'opale garde sa forme caractéristique[7]. Parfois des auréoles blanches se forment sur l’opale hyalite. En effet, celle-ci se déshydrate et peut se transformer en lussatite, c'est-à-dire en opale CT. Il s’agit d’une forme moins hydratée, possédant un arrangement cristallin sur de très faibles distances.

L'usure du temps

Figure 17. L'usure du temps


Dynamique des péridotites au sein du fluide basaltique

Dans le cas du volcan des Baumes, deux épisodes différents sont à considérer pour interpréter les nodules de péridotite : 1/ la remontée du magma basaltique avec des fragments de péridotites arrachés au manteau, et 2/ la coulée de lave dans le lit de la rivière. Les forces en présence sont différentes.

Dans le second temps, les forces en jeu sont le poids apparent lié à la différence des masses volumiques ainsi que les forces de frottement lors de la descente des objets dans le liquide (on néglige ici la pente de la rivière). Dans le premier temps, il faut y ajouter la résultante des forces “géophysiques” qui provoquent la remontée du magma avec une vitesse ascensionnelle du basalte. Il faut alors opérer un changement de référentiel, la péridotite descend par rapport au magma mais celui-ci remonte, donc pour observer le mouvement de la péridotite par rapport à la surface, il faut prendre la vitesse relative : les nodules remontent aussi, mais moins vite.

Le magma basaltique à haute température est liquide. Sa masse volumique est de l'ordre de 2800  kg.m−3, alors que celle d'une péridotite est voisine de 3300 kg.m−3. Comme une pierre dans l'eau, le nodule de péridotite plus dense, devrait "couler" dans un magma basaltique. Si l’on retrouve des nodules de péridotite dans cet affleurement, c'est qu'un courant ascensionnel les a propulsés vers le haut. Ce courant a donc une vitesse supérieure à celle des péridotites qui couleraient dans un magma basaltique au repos. Ceci suppose également que ce courant n'ai jamais été freiné durant de sa remonté depuis 70 km de profondeur jusqu'à la surface.

Ceci pourrait impliquer qu'au Quaternaire il n'y ait pas eu de réservoir magmatique intracrustal sous le volcan des Baumes. En effet avec une vitesse ascensionnelle trop faible, les nodules retomberaient au fond du réservoir formant alors un cumulat.

La viscosité des laves dépend de plusieurs paramètres. La teneur en silice induit qu’un magma acide (SiO2 > 66 %) est plus visqueux qu’un magma basique, dont le pourcentage de silice est plus faible (< 53 %), ce qui explique la longueur de la coulée de basalte (basique) du volcan des Baumes (voir figure 3). La viscosité est également fonction de la température[9] : la viscosité diminue lorsque la température augmente. En d’autres termes, plus une lave est chaude, plus elle est fluide. Enfin la viscosité dépend fortement de l'hydratation du magma. Cela pourrait expliquer l'étirement des vacuoles au toit de la coulée à l'issue de sa rencontre avec la rivière.

Le graphique ci-dessous présente la vitesse de chute des nodules de péridotites dans une coulée basaltique en fonction de la température et de leur rayon. Dans cette simulation, la pente de la rivière n'a pas d'impact (g=9,81 m.s−2). La différence de masse volumique prise en compte est Δ(ρ)= 500 kg.m−3.


En sortie du volcan, la répartition des nodules selon leur rayon est assez aléatoire. Les gros nodules ont tendance à tomber rapidement au fond de la coulée. Les nodules plus petits, tombant beaucoup plus lentement, voient leur répartition rester pratiquement identique à celle de leur sortie du volcan. On a donc au final une surreprésentation des gros nodules (20 cm de rayon) au début et au bas de la coulée. C'est globalement ce type de “granoclassement” que l'on retrouve dans l'affleurement étudié. On conçoit également que lorsque la coulée refroidit, le mouvement des péridotites s'arrête rapidement : la vitesse tend rapidement vers 0 quand la température descend vers 1100-1000°C.

Cette simulation n’est cependant qu’un modèle simplifié. En effet les péridotites n'ont pas une forme exactement sphérique. Par ailleurs, une croute périphérique se forme assez rapidement, tandis qu’un tunnel plus fluide persiste au sein de la coulée. Tout ceci est de nature à modifier également la répartition des nodules de péridotite.

Altération des péridotites

Les péridotites des nodules prélevés dans la coulée de Caux sont composées de plusieurs minéraux :

  • les olivines, de couleur vert-olive [(Mg,Fe)2SiO4],
  • des clinopyroxènes vert bouteille [Ca(Mg,Fe)Si2O6] et des orthopyroxènes [(Mg,Fe)2Si2O6],
  • des spinelles noirs [MgAl2O4].

L'olivine est ce qu'on appelle une solution solide continue, c'est-à-dire un mélange entre deux pôles minéralogiques distincts : la fayalite (Fa), pôle ferreux Fe2SiO4, et la forstérite (Fo), pôle magnésien Mg2SiO4.

Ces minéraux ne sont pas éternels. Dès que les conditions physicochimiques qui ont présidé à leur création changent, ils deviennent instables. Ils tendent à retrouver le minimum d'énergie de Gibbs qui correspond aux nouvelles conditions dans lesquelles ils se trouvent.

Dans le cas étudié, la température s'abaisse progressivement vers 14°C, la pression est de 1 atmosphère, le pH est probablement celui de la rivière, voisin de 7, et on peut faire l'hypothèse qu'il n'y a pas d'ions en excès, notamment Al3+. Les phénomènes d'altération sont alors bien connus.

La cryoclastie : lors des cycles de gel et dégel, l'eau se dilate de pratiquement 10 %, ce qui fait éclater les roches et les minéraux fissurés. Les grains peuvent alors être plus facilement altérés sur leur surface exposée à l'air libre.

L'hydroclastie : certains minéraux comme les argiles peuvent incorporer plus ou moins d'eau dans leur structure ; ils vont avoir alors des cycles de dilatation et de rétractation.

L'altération chimique des minéraux : on voit qu'un nodule de péridotite devient assez rapidement brunâtre d'abord sur sa surface, puis progressivement à l'intérieur. Les réactions chimiques à l'œuvre sont les suivantes.

La fayalite s'oxyde (les ions ferreux Fe2+, plus instables dans ces conditions, se transforment en ions ferriques Fe3+ ) : 3 Fe2SiO4 + O2 → 2 Fe3O4 + 3 SiO ; on voit que cela aboutit à la formation de magnétite et également à la libération de silice. En toute rigueur, pour garder l'équilibre des charges, la magnétite devrait s'écrire FeOFe2O3 soit Fe2+Fe3+2O4. Toutefois, la silice peut se recombiner avec la forstérite pour donner de l'enstatite (orthopyroxène) selon la réaction : 3 Mg2SiO4 + 3 SiO2 → 6 MgSiO3. Pour une olivine Fo50, c'est-à-dire composée de façon égale de fayalite et de forstérite, la réaction globale peut être : 3 Mg2SiO4 + 3 Fe2SiO4 + O2 → 2 Fe3O4 + 6 MgSiO3. Toutefois si la fayalite est en excès ou si la silice est vaporisée on pourrait avoir une libération de silice excédentaire, en phase vapeur, qui pourrait contribuer à la création des opales hyalites. En effet, on retrouve parfois dans l'antiforme (empreinte) d'un nodule de péridotite des opales hyalites plaquées sur un côté. La péridotite a laissé un vide où ne subsistent que quelques grains d'olivine et d'opale hyalite.

On trouve dans le basalte de Caux des péridotites complètement pseudomorphosées en iddingsite. La forme du nodule est conservée mais il devient marron-rouge parfois vif en partant des bords jusqu'au cœur. L'iddingsite a pour formule approchée MgO·Fe2O3·3SiO2·4H2O (Mindat.org). Ce processus d'iddingsitisation nécessite la présence d'eau liquide[10].

En effet, la magnétite s'oxyde en maghémite (γ-Fe2O3), les derniers ions ferreux Fe2+ “instables” sont remplacés par les ions ferriques Fe3+ au sein de la même structure avec des lacunes sur certains sites du réseau cristallin (transformation dite topotactique) : 2 Fe2+Fe3+2O4 + 1/2 O2 → 3 Fe3+2O3.

On trouve également, dans les nodules, des concrétions noires de goethite (FeOOH), un stade d'altération ultérieur de l'iddingsite[11]. La maghémite s'hydrolyse en effet en goethite[12] : γ-Fe2O3 + H2O → 2 γ-FeOOH.

À contrario des ions Fe3+ qui sont précipitants, les ions Mg2+ sont des cations solubles (cf. le diagramme de Goldschmidt). Les ions Mg2+ sont des ions migrateurs car ils sont alors transportés en solution par l'eau. L'eau de pluie, en rencontrant le gaz carbonique de l'air, produit de l'acide carbonique. C'est un acide faible mais qui, néanmoins, est capable de déstabiliser les silicates magnésiens comme la forstérite, selon la réaction : Mg2SiO4 (forstérite) + 4 H2CO3 → 2 Mg2+ + 4 HCO3− + H4SiO4. Ce qui expliquerait qu'il ne reste pratiquement plus rien de la péridotite si elle est fortement magnésienne.

On a alors la composition moyenne de la roche qu'est l'iddingsite (ce n'est pas un minéral répertorié dans la liste de l'International Mineralogical Association).

Altération progressive des péridotites

Le spinelle semble peu affecté par l'altération supergène due à l'eau météoritique[13]. Les rares cristaux noirs de spinelle paraissent donc se déchausser de la structure iddingsitique. Ils sont ensuite emportés par l'altération mécanique et le ruissellement de l'eau.

La figure ci-dessous synthétise les processus d'altération des péridotites avec, en rouge, les principaux constituants de l'iddingsite.

Altération des minéraux des péridotites et iddingsitisation

Figure 20. Altération des minéraux des péridotites et iddingsitisation

Maghémite = γ-Fe2O3. Silice = SiO2. Périclase = MgO.


Remerciements

Merci à Benjamin Rondeau, maitre de conférence en minéralogie - gemmologie au Département Sciences de la Terre et de l'Univers de l'Université de Nantes, pour ses échanges sur le thème des opales.

Merci à Bénédicte Cenki-Tok du laboratoire Géosciences Montpellier (Univ. de Montpellier) qui a effectué une première relecture de mon manuscrit.



[1] Voir, par exemple, Cônes de scories "standards" sur le Mauna Kea (Hawaï) pour un rappel sur la morphologie  “strombolienne”.

[4] H. Graetsch, H. Gies, I. Topalović, 1994. NMR, XRD and IR study on microcrystalline opals, Physics and Chemistry of Minerals, 21, 166-175

[5] A. Lamur, Y. Lavallée, F.E. Iddon, A.J. Hornby, J.E. Kendrick, F.W. von Aulock, F.B. Wadsworth , 2018. Disclosing the temperature of columnar jointing in lavas, Nature Communications, 9, 1432 (Open Access)

[6] O.W. Flörke, J.B. Jones, E.R. Segnit, 1973. The genesis of hyalite. Neues Jahrbuch für Mineralogie - Monatshefte, 2, 82-89.

[7] Un scénario est ici proposé dans lequel la lave s'épanche dans une rivière préexistante. Le résultat serait le même si des ruisselets couvraient la lave. L'essentiel semble être la présence d'une quantité significative d'eau sur une lave encore chaude.

[8] Au-delà de 1, on passe en domaine de dynamique des fluides avec, successivement pour un nombre de Reynolds croissant, un régime laminaire, transitoire, puis turbulent.

[9] Pascal Richet, 2010. La viscosité des laves, Pour la Science, Dossier 67

[10] P. Gay, R.W. LeMaitre, 1961. Some observations on “iddingsite”, American Mineralogist, 46, 1-2, 92-111 [pdf]

[11] K.L. Smith, A.R. Milnes, R.A. Eggleton, 1987. Weathering of Basalt: Formation of Iddingsite, Clays and Clay Minerals, 35, 418-428 [pdf]

[12] Y. Cudennec, A. Lecerf, 2005. Topotactic transformations of goethite and lepidocrocite into hematite and maghemite, Solid State Sciences, 7, 5, 520-52 [pdf]

[13] M. Soubrand-Colin, H. Bril, C. Néel, A. Courtin-Nomade, F. Martin, 2005. Weathering of basaltic rocks from the French Massif Central: origin and fate on Ni, Cr, Zn AND Cu, The Canadian Mineralogist, 43, 3, 1077-1091 [pdf]