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Article | 27/09/2005

Cycles de Milankovitch et variations climatiques : dernières nouvelles

27/09/2005

Benjamin Levrard

Institut de Mécanique Céleste, Observatoire de Paris

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Périodicité des variations des paramètres astronomiques de révolution de la Terre autour du Soleil. Mise en évidence de ces cycles dans les enregistrements sédimentaires du fait de leur impact climatique et utilisation de ces périodicités astronomiques pour une Échelle de Temps Géologique sur 23 Ma.


Cela fait à présent 30 ans qu'une corrélation entre les mouvements astronomiques et les variations climatiques terrestres est bien établie pour les derniers millions d'années. L'amélioration de la détermination des mouvements à long terme de la Terre et de la résolution des enregistrements climatiques permet d'affiner continuellement ce lien. Ainsi, depuis 2005, l'Échelle de Temps Géologique des ~25 derniers millions d'années (Néogène) est officiellement basée sur les derniers calculs des variations à long terme de l'orbite et de la rotation terrestre. C'est l'occasion de dresser un état des lieux sur cette question et de se demander si une telle étude ne peut être étendue à d'autres planètes !

Origine astronomique des cycles de Milankovitch

La théorie astronomique des climats est basée sur l'idée que les variations à long terme (ou séculaires) des paramètres de l'orbite et de la rotation terrestre engendrent des variations de l'ensoleillement (ou insolation) reçue à la surface de la Terre, ces variations pouvant entraîner des changements climatiques dont la trace est parfois enregistrée ou gravée dans certains indicateurs paléoclimatiques et séquences géologiques.

En effet, si aucun autre astre que le Soleil ne venait perturber la révolution de la Terre, son mouvement elliptique resterait inchangé au cours du temps. La Lune et les autres planètes du système solaire perturbent ce mouvement et tous les paramètres orbitaux ainsi que l'orientation de la Terre sont alors affectés et changent. Les variations d'insolation à la surface de la Terre (plus rigoureusement au sommet de l'atmosphère !) résultent soit de la variation de la distance Terre-Soleil soit de la variation de son orientation. Trois paramètres contrôlent alors principalement cette distribution d'ensoleillement :

L'excentricité "e".

Elle caractérise le degré d'aplatissement de l'ellipse par rapport à un cercle (figure 1).

L'attraction du Soleil donne au premier ordre un mouvement elliptique à la Terre mais l'attraction gravitationnelle des autres planètes tend à déformer cette ellipse. Chaque planète, suivant sa position et son éloignement, contribue à faire varier légèrement l'excentricité de la Terre au cours du temps. Vu qu'il y a huit autres planètes très différentes, il n'y a aucune raison pour que ces perturbations se compensent et laissent inchangée l'ellipse originelle

L'excentricité de l'orbite terrestre est actuellement très faible, de l'ordre de 0,017 et les perturbations planétaires entraînent des variations lentes de celle-ci entre ~0 (excentricité nulle=cercle) et 0,06 (ellipse légèrement aplatie).

En première approximation, ses variations résultent de la combinaison de signaux de périodes voisines de 100.000 et 400.000 ans. Il est important de noter que, par exemple, de fortes excentricités entraînent conjointement une diminution de la distance la plus faible entre la Terre et le Soleil (périhélie) et une augmentation de la distance maximale entre les deux astres (aphélie), mais que la distance "directe" entre périphélie et aphélie ne varie pas car le grand axe ne change pas. C'est ce qu'a démontré Laplace en 1772.

Rappel sur l'excentricité d'une ellipse


Une autre conséquence est que les variations d'excentricité modulent les contrastes des saisons, qui sont dus au premier ordre à l'existence d'une inclinaison de l'axe de rotation de la planète sur elle-même.

L'excentricité a aussi un rôle important dans le calcul de l'insolation moyenne globale annuelle reçue sur Terre qui est inversement proportionnelle à la racine carré de (1-e2). Elle augmente très légèrement quand l'excentricité augmente mais pour la Terre, ses variations restent très limitées.

L'obliquité.

Elle caractérise l'inclinaison de l'axe de la Terre par rapport à l'écliptique. Par définition, c'est l'angle entre l'axe de rotation et la perpendiculaire au plan orbital (ou plan de l'écliptique) moyen de la Terre. L'obliquité terrestre évolue aussi au cours du temps pour plusieurs raisons.

  • À cause des perturbations planétaires, l'inclinaison du plan orbital de la Terre évolue et oscille.
  • La Terre n'étant pas sphérique mais légèrement aplatie sur les pôles, les forces gravitationnelles exercées par le Soleil et la Lune tendent à faire tourner et "précesser" l'axe de rotation de la Terre (comme une toupie !) autour de cette perpendiculaire à l'écliptique. Le cône décrit alors par l'axe de rotation fait un tour en environ 26.000 ans.

La combinaison de ces deux effets engendre, au premier ordre, une oscillation de l'obliquité terrestre qui reste actuellement très limitée, environ 1,3° autour d'une valeur moyenne proche de 23,5°. La période principale de ces oscillations est de ~41.000 ans.

L'obliquité est à l'origine des saisons et module la quantité d'ensoleillement reçue aux différentes latitudes suivant les saisons. Si l'obliquité était nulle, il n'y aurait plus de saisons à la surface de la Terre. Il est aussi facile de voir que le climat des hautes latitudes est très sensible aux variations d'obliquité à l'inverse des régions équatoriales.

L'insolation annuelle moyenne en un point de latitude donnée ne dépend quasiment que de l'obliquité. Pour une obliquité donnée, elle diminue avec la latitude (il fait plus froid aux pôles !) mais augmente avec l'obliquité pour un point de latitude donnée.


La précession climatique.

Son origine est plus complexe. L'effet précédemment décrit de "précession'' de l'axe de rotation de la Terre entraîne un décalage régulier de la position des solstices et des équinoxes. Si, à cet effet, on ajoute le fait que l'orbite elliptique terrestre "tourne" aussi progressivement autour du Soleil, la position de la Terre sur l'ellipse à un moment précis de l'année, l'équinoxe de printemps par exemple, évolue dans le temps. Ce phénomène s'effectue avec des périodes proches de 19.000 et 23.000 ans.

Plus concrètement, actuellement le solstice d'été dans l'hémisphère Nord a lieu à proximité de l'aphélie, ce qui permet de tempérer les étés, mais de créer, à l'inverse, des hivers moins rigoureux.

L'hémisphère Sud est dans la situation opposée. Il y a ~11.500 ans, la situation était inversée, plaçant le solstice d'été au périhélie de l'orbite et engendrant ainsi des étés très chauds et des hivers très froids dans l'hémisphère Nord.


On définit ainsi souvent la précession climatique comme l'angle ϖ entre l' équinoxe de printemps et le périhélie. Toutefois, on voit bien qu'en terme d'insolation, il faut tenir compte aussi de la distance Terre-Soleil qui est modulée par les variations de l'excentricité. La véritable définition de la précession climatique est alors le produit entre l'excentricité "e" et le sinus de l'angle défini précédemment soit "e.sin(ϖ)".

Toutes ces variations affectent l'insolation journalière et saisonnière des différentes zones de latitude de la Terre. Ainsi sur le dernier million d'années, les fluctuations d'insolation ont pu atteindre 20% de sa valeur moyenne dans les régions de haute latitude. Les périodes caractéristiques évoquées précédemment sont plus communément appelées cycles de Milankovitch.

Bref historique de la théorie astronomique des paléoclimats

L'idée d'une influence astronomique sur les climats a longuement été débattue et souvent rejetée par la communauté scientifique et les climatologues avant que dans les années 1970, la comparaison entre les données climatiques et les données astronomiques à la fois dans le domaine temporel mais aussi en analysant les fréquences des signaux ne montre, de façon irréfutable, une corrélation entre le forçage astronomique et la réponse du climat terrestre. Cette démonstration n'a pu se faire que grâce à l'apport conjugué des astronomes, des paléoclimatologues et des géologues au cours des deux derniers siècles, effort qui se poursuit actuellement. Seul un résumé succinct de cette aventure est ici présenté.

L'idée que les variations de l'obliquité et des paramètres orbitaux soient responsables de changements climatiques marqués est née principalement au milieu du XIXème siècle. Le géologue suisse Louis Agassiz, en 1838, fut probablement l'un des premiers à reconnaître que des glaciations étaient à l'origine des moraines et des transports de blocs erratiques observés dans plusieurs endroits des Alpes, d'Écosse et de Scandinavie. Malgré l'importante opposition initiale de la communauté scientifique,ces idées furent peu à peu acceptées par une large majorité de géologues. Quelques années plus tard, le mathématicien français Adhémar (dans Révolution de mers, déluges périodiques, publication privée, Paris, 1842) proposa que les variations orbitales de la Terre auraient pu être responsable de changements climatiques et de cycles glaciaires. La théorie d'Adhémar était basée sur le phénomène, alors connu, de précession des équinoxes et il suggéra que les glaciations étaient produites par les variations résultantes de la durée des saisons. Les glaciations, engendrées par des hivers prolongés se dérouleraient ainsi tous les ~23.000 ans dans l'hémisphère Nord et en opposition de phase dans l'hémisphère Sud, comme l'illustrait la présence alors connue de la calotte Antarctique.

Louis Agassiz (1807-1873)

Bien que cette idée fut considérée comme absurde par ses contemporains, elle inspira fortement les travaux ultérieurs de Croll (1875) qui élabora, de façon plus détaillée, la première théorie astronomique des paléoclimats. Il confirma l'importance de la précession des équinoxes, bien que saisonnière, et suggéra que l'insolation d'hiver pourrait être une grandeur critique à la formation de cycles glaciaires. Des hivers froids pourraient produire de larges calottes polaires, dont la pérennité serait réalisée par la rétroaction liée au fort albédo des glaces. Une avancée majeure de la théorie de Croll fut qu'il montra le rôle de modulation de la précession par les variations d'excentricité dans les variations saisonnières d'insolation. Ainsi, les périodes de faible excentricité correspondraient à des périodes interglaciaires tandis que les périodes de forte excentricité, à des glaciations alternées dans chaque hémisphère, tous les 23.000 ans. Croll bénéficia de la solution orbitale récente de Le Verrier (1856) et bien qu'il émît l'idée supplémentaire que les changements d'obliquité pourraient aussi jouer un rôle, il ne put les estimer. Son livre contient, en outre, un certain nombre d'éléments de climatologie et d'océanologie qui sont encore utilisés.

James Croll (1821-1890)

Pourtant, à nouveau, un certain nombre de ses prédictions ne satisfirent pas les géologues et les climatologues. En particulier, la fin du dernier intervalle glaciaire était estimée par Croll, il y a environ 80.000 ans avant notre ère, une valeur en contradiction avec certaines estimations de l'époque.

L'intérêt pour la théorie astronomique des climats prit un nouvel essor avec les travaux du mathématicien serbe Milutin Milankovitch entre 1920 et 1941. En bénéficiant de l'amélioration croissante des solutions astronomiques, il calcula l'insolation d'été au sommet de l'atmosphère pour différentes latitudes en tenant compte des variations de l'excentricité, de la précession et de l'obliquité terrestre. Contrairement à Croll, il suggéra que l'insolation d'été dans les hautes latitudes de l'hémisphère Nord était le paramètre critique à la succession de cycles glaciaires-interglaciaires. Des étés froids permettraient la persistance dans les hautes latitudes des neiges hivernales dont l'albédo élevé favoriserait le refroidissement et l'accumulation annuelle de glace.


Pour les mêmes raisons que pour Croll, la prédiction d'une alternance de périodes glaciaires entre les hémisphères, indépendamment de la distribution continentale et de considérations climatiques plus détaillées, liées à la circulation océanique et atmosphérique, fut rejetée par une grande majorité des climatologues et des géologues.

Les apports et les améliorations conjuguées des solutions astronomiques développées en particulier à l'Observatoire de Paris et des données géologiques et géochimiques à partir des années 1950 ont permis de tester et de valider progressivement l'idée d'une influence astronomique dans la variabilité climatique.

C'est un article publié dans Science en 1976 par Jim Hays et ses collègues qui démontra pour la première fois la présence des cycles de l'excentricité, de la précession climatique et de l'obliquité dans la variation du volume des glaciers continentaux dans les 700.000 dernières années.

Variations climatiques et cycles de Milankovitch

La recherche d'une corrélation entre les variations climatiques et le forçage orbital nécessite l'enregistrement quasi-continu d'un indicateur climatique dont la résolution est suffisamment fine sur les échelles de temps de Milankovitch. Durant les trente dernières années, cela a été rendu possible par l'amélioration constante de la résolution temporelle et la diversification des indicateurs utilisés (sédiments marins et lacustres, coraux, anneaux des arbres, carottes glaciaires, pollens, cyclostratigraphie rocheuse, séquences marines de carbonates, etc).

Un indicateur couramment utilisé pour l'estimation du volume global des glaces continentales est le rapport isotopique entre les isotopes 18 et 16 de l'oxygène contenu dans les squelettes carbonatés des foraminifères benthiques. Ceux-ci sont généralement extraits des sédiments marins forés dans les fonds océaniques.

Enregistrement isotopique issu du forage océanique ODP 659

Figure 8. Enregistrement isotopique issu du forage océanique ODP 659

Enregistrement isotopique issu du forage océanique ODP 659 sur les 3,5 derniers millions d'années donnant une indication sur la variation du volume des glaciers continentaux sur Terre. Sur les 700 derniers milliers d'années, les cycles glaciaires sont marqués par des cycles intenses de ~100.000 ans (100 ka). Avant, d'autres cycles moins intenses sont présents mais ont une période plus proche de 41.000 ans (probablement reliée à l'obliquité).


Un autre exemple remarquable et connu est l'ensemble des archives climatiques (concentration atmosphérique, température, accumulation de glace, etc) issues des carottages glaciaires, et en particulier des forages de Vostok et du Dôme C en Antarctique qui fournit des informations importantes sur le lien entre le forçage orbital et le système climatique terrestre sur les derniers 700.000 ans avec une résolution temporelle remarquable.

Que signifie donc réellement ce lien entre les variations climatiques et le variations astronomiques ?

Il est fondamental de rappeler que la notion de climat est très large. D'une part, les indicateurs évoqués ne sont pas forcément des indicateurs globaux du climat mais très souvent régionaux ou locaux. D'autre part, si certains indicateurs donnent des indications sur le volume total des glaces, d'autres séquences sédimentaires donneront des informations sur l'évolution du taux de poussière, de précipitation ou de la concentration en tel ou tel autre élément chimique...

Dans la plupart des cas, il faut comprendre que les mécanismes précis qui convertissent par des processus atmosphériques, océaniques ou biologiques, l'insolation incidente en signal géologique sont très peu connus.

Certains indicateurs sont, en outre, sensibles à l'insolation quotidienne, d'autre saisonnière ou annuelle...

La plus grande évidence de cette corrélation est simplement la présence de plusieurs cycles dans l'évolution d'une grandeur climatique avec des périodes très proches de celles des cycles de Millankovitch (19.000, 23.000, 41.000, 100.000 et/ou 400.000 ans). Tous les cycles ne sont pas toujours présents et parfois d'autres dont l'origine reste peu connue se rajoutent.

Un des exemples les plus frappants est l'évolution du volume des glaces continentales. Celle-ci révèle la présence d'un cycle prédominant de 100.000 ans sur le Quaternaire récent, attribué naturellement à l'excentricité mais qui est en contradiction avec la théorie historique de Milankovitch qui attribue la variabilité glaciaire à l'insolation estivale dans les hautes latitudes qui ne contient en fait qu'une contribution très faible de l'excentricité.

Comparaison entre la variation du volume des glaciers (courbe bleue) et les variations de l'insolation estivale dans les hautes latitudes (à 65°N) sur les 500 derniers milliers d'années (courbe rouge)

Figure 9. Comparaison entre la variation du volume des glaciers (courbe bleue) et les variations de l'insolation estivale dans les hautes latitudes (à 65°N) sur les 500 derniers milliers d'années (courbe rouge)

Si la corrélation visuelle est très loin d'être immédiate... on remarque que les variations du volume des glaciers possèdent, outre les grands cycles de 100 000 ans, des cycles plus cours de 23 000 et 41 000 ans que l'on retrouve dans les variations de l'insolation et qui peuvent être attribués à des cycles astronomiques.


Dans ce cas, certains mécanismes non-linéaires doivent alors être évoqués pour expliquer et valider cette théorie. L'insolation estivale dans les hautes latitudes ne semble ainsi pas directement jouer un rôle dans l'évolution des glaciers. D'autant plus que si c'était le cas, les glaces de l'Antarctique devraient évoluer de façon opposée, or ce n'est pas le cas puisque les forages au Groenland et en Antarctique ont montré que les températures des calottes variaient simultanément.

Il est ainsi nécessaire de formuler un énoncé plus moderne de la théorie de Milankovitch, en accord avec les observations actuelles.

La plupart des indicateurs climatiques enregistrent des signaux dont les variations peuvent être attribuées aux variations séculaires des paramètres de l'orbite et de l'orientation terrestre. Pour chaque indicateur local ou global, la corrélation peut être différente et les mécanismes de passage insolation-climat sont peu connus.

Cycles de Milankovitch et échelle de temps géologique

Outre la possibilité de fournir des outils importants dans la compréhension des variations climatiques terrestres, la simulation des mouvements astronomiques permet d'affiner l'échelle de temps géologique utilisée par les géologues et indispensable à l'établissement d'une chronologie terrestre.

L'utilisation d'une échelle de temps géologique nécessite deux étapes. Tout d'abord, les enregistrements sédimentaires qui sont collectés à travers le monde sont reliés entre eux au travers d'événements significatifs comme la disparition ou l'apparition d'espèces ou les renversements du champ magnétique. Ceci permet d'accéder à une chronologie relative. Puis, les enregistrements sont datés de façon absolue grâce à certains éléments isotopiques. Cette méthode est efficace pour les enregistrements les plus anciens (environ 100 Ma), mais la datation astronomique est plus précise pour les sédiments les plus récents. Les cycles repérés dans les enregistrements paléoclimatiques sont comparés et calibrés sur les cycles ou des combinaisons de cycles de Milankovitch. La datation absolue résultante est ainsi précise à seulement 40.000 ans près sur plus de 10 Ma !

Le succès et l'extension de cette théorie sont tels que la plupart des enregistrements sédimentaires géologiques sont à présent datés et calibrés à partir des cycles astronomiques. Ainsi, l'année dernière, la Commission Internationale de Stratigraphie et l'Union International des Sciences Géologiques ont ainsi adopté officiellement une nouvelle échelle de temps géologique sur les derniers ~23 Ma (Néogène) basée sur les dernières simulations astronomiques terrestres (développées principalement à l'Observatoire de Paris). C'est la première fois que l'astronomie est utilisée pour déterminer une chronologie géologique sur l'ensemble d'une période géologique.

Cycles de Milankovitch dans le passé, rôle du chaos ?

Une des questions les plus fréquentes est de savoir si de tels cycles ont existé dans le passé et quelle est la validité de ces simulations à plus long terme.

À cause du comportement chaotique des orbites des planètes (démontré par Jacques Laskar en 1989), l'incertitude des calculs est multiplié par 10 tous les 10 Ma et il est complètement illusoire de rechercher une solution précise de la Terre au-delà de 100 Ma. En tenant compte de la précision actuelle sur les paramètres du système solaire (position et masse des planètes...), les solutions astronomiques peuvent être utilisées pour la datation des sédiments jusqu'à environ 40 à 50 Ma.

Toutefois, cela ne signifie en rien que les variations orbitales n'ont pas affecté dans le passé les climats terrestres. De nombreux sédiments du Jurassique ou du Trias présentent des cycles marqués qui sont probablement dus aux variations astronomiques, mais nous n'avons encore aucun moyen de les comparer à des simulations du mouvement de la Terre à cette époque, tout simplement !

Certains pourraient ajouter que c'est justement en regardant ces cycles sédimentaires qu'on pourrait avoir des contraintes sur les variations de l'orbite et de l'orientation de la Terre à cette époque. C'est un challenge formidable qui commence à être mis en place, mais qui nécessite des enregistrements sédimentaires d'une qualité exceptionnelle...

Même sans les phénomènes chaotiques, une autre difficulté est que l'histoire de la précession climatique et de l'obliquité terrestre est très sensible à l'histoire du système Terre-Lune. À cause des effets de marées, la Lune était plus près de la Terre dans le passé et la Terre tournait plus vite, mais peu de contraintes existent malheureusement sur cette évolution. La valeur même des périodes de Milankovitch dans le passé présente une marge d'incertitude significative.

Il existe toutefois actuellement un moyen de contourner ce problème. Certains cycles de Milankovitch sont très stables au cours du temps et peu affectés par le chaos. C'est le cas du cycle de ~400.000 ans de l'excentricité qui provient des perturbations gravitationnelles engendrées par Jupiter et Saturne (les grosses planètes géantes sont très peu touchées par le chaos à long terme !). La recherche de ce cycle dans les enregistrements peut être faite sur toute l'ère du Mésozoique (jusqu'à 250 Ma) et certains enregistrements semblent présenter de tels cycles.

L'avenir nous dira si celui-ci permettra de définir une échelle de temps géologique basée sur l'astronomie jusqu'à 250 Ma !

Peut-on parler de cycles de Milankovitch sur d'autres planètes que la Terre ?

De façon théorique, les calculs de mécanique céleste et les intégrations numériques permettent de calculer l'évolution des paramètres de l'orbite et de l'obliquité des autres planètes sur quelques millions d'années. Il est ainsi possible de prévoir sur quelle planète on s'attend à ce que les changements climatiques soient importants. Toutefois, cela reste fortement spéculatif.

Le problème est que l'homme n'a jamais encore récupéré des échantillons sur d'autres planètes qui puissent servir d'archives paléoclimatiques. C'est à cette seule condition que les travaux menés sur Terre jusqu'à présent pourront être extrapolés à d'autres planètes.

Le cas de la planète Mars reste un peu à part dans la mesure où l'ensemble des données spatiales ont mis en évidence la présence de changements climatiques qui semblent se produire à des échelles de temps proches de celles des cycles de Milankovitch, mais la question reste encore ouverte. Un des plus beaux exemples est la présence de ces sédiments ou strates polaires qui semblent avoir façonné la calotte Nord au gré des changements climatiques à la surface de Mars.

La calotte Nord de la planète Mars

Figure 10. La calotte Nord de la planète Mars

À gauche, vue verticale de la calotte polaire Nord de Mars et, à droite, vue en coupe des strates polaires de cette calotte.


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