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Article | 25/02/2005

Paléo-lac gelé martien, figures tectoniques et érosives

25/02/2005

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Mars Express découvre un paléo-lac gelé et observe grabens, failles normales et traces de ruissellement sur Mars. Un regard vers Phobos.


La sonde européenne Mars Express continue avec succès ses mesures autour de Mars.

Une des expériences capitale de la sonde européenne Mars Express était MARSIS (Sub-Surface Sounding Radar Altimeter), radar destiné à mesurer la quantité de glace d'eau contenue dans les premiers kilomètres de la croûte martienne, voire à mesurer la profondeur de l'éventuelle interface glace/eau liquide.

Le déploiement de son radar a été retardé, par crainte que le déploiement de ces deux antennes, de 20 mètres chacune, ne perturbe l'attitude et l'orientation de la sonde. L'ESA a ainsi prudemment attendu que les autres expériences aient engrangé des données, ce qui commence à être chose faite. La décision de déployer le radar à partir d'avril est prise.

Découverte d'un paléo-lac gelé (ou paléo-mer)

Un très intéressant résultat vient d'être publié par l'ESA : il s'agit de la découverte d'un paléo-lac (ou d'une paléo-mer) gelé ne datant, d'après l'ESA, que de 5 millions d'années.


Figure 2. Exemple terrestre de banquise brisée (broken ice pack)

La taille des "radeaux" de glace présentés ici, décamétriques à hectométrique, serait 10 fois plus petits que les "radeaux" martiens.


Les figures suivantes montrent la localisation géographique de ce paysage martien ainsi que son contexte géologique.

Figure 3. Localisation du paléo-lac gelé, Mars

Le paléo-lac gelé se situe au Sud du deuxième plus grand ensemble volcanique de Mars, les volcans Elysium et Albor.


Contexte morphologique du paléo-lac d'Elysum Planitia, Mars

Figure 4. Contexte morphologique du paléo-lac d'Elysum Planitia, Mars

Cette image couvre 1000 x 700 km. La surface de la photographie de l'ESA ne fait que « a few ten of kilometres », quelque part à l'intérieur du rectangle noir. AV indique le débouché d'Athabasca Valles par où serait arrivée l'eau liquide. CF indique Cerberus Fossae, fissures tectoniques (ou volcano-tectoniques) à l'origine de l'eau liquide. Les images et cartes de Cerberus Fossae de la figure suivante sont localisées au niveau des lettres CF.


Figure 5. Les "sources" et le lit d'Athabasca Valles, Mars

L'image du haut montre un détail de Cerberus Fossae. Les deux images colorées montrent la topographie régionale et l'interprétation en terme de sources et de vallée de débâcle. L'image en bas à droite montre un détail d'un chenal amont d'Athabasca Valles. C'est cette eau qui s'est accumulée dans le paléo-lac, il y a quelques millions d'années, avant d'y geler.


Résumons et commentons les propos de l'ESA. Il s'agit d'une « plaine plate » qui est couverte de blocs de forme irrégulière, qui rappellent les radeaux de glace dérivante qu'on voit en bordure des banquises terrestres. L'eau de cet ancien lac (ou mer) viendrait de la fonte lointaine (600 km au NE) de glace souterraine, arrivant ici par une séries de vallées de débâcles (Athabasca Valles), vallées de débâcles issues de fractures tectoniques (Cerberus Fossae). La fonte de cette glace souterraine serait due à une augmentation du degré géothermique local, augmentation liée à des phénomènes volcaniques. Toute cette région se trouve au Sud-Est du deuxième plus grand ensemble volcanique martien, la région d'Elysium et d'Albor Mons.

Cette eau a été collectée dans cette plaine basse de 900 sur 800 km. Comme cette eau commençait à geler et à former une banquise fragmentée et dérivante, la région a été recouverte de poussières ou de cendres volcaniques. Poussières et cendres sont tombées au fond du lac, mais ont recouvert les radeaux. Puis le lac a entièrement gelé.

Dans les millénaires qui suivirent, la glace non recouverte se serait largement sublimée. Mais la glace des anciens radeaux, protégée par quelques mètres de poussières se serait beaucoup moins sublimée. Pour diverses raisons dues à la topographie extrêmement plate de cette région et à la morphologie des cratères, l'ESA pense qu'il reste là (sous les radeaux et peut-être même ailleurs) de la glace à très faible profondeur.

Les deux cratères que l'on voit sont plus anciens que le lac, et auraient été des îles annulaires pendant le remplissage du lac.

Le comptage des cratères "perforant " cette couche "poussièro-glacée" (ils n'y en a pas !) indique que ce lac est très jeune. L'ESA avance un âge de 5 millions d'années (rappelons cependant que la chronologie absolue martienne est très discutée).

L'âge très jeune de ces écoulements avait déjà été proposé en 2002. (voir l' article de 2002 de Burr, McEwen et Sakimoto paru dans les Geophysical Research Letters). Mais ces auteurs n'avaient pas eu la preuve de l'existence d'un lac avec banquise dérivante. Le débouché d'Athabasca Valles était d'ailleurs un des nombreux sites proposés pour l'atterrissage des deux robots NASA actuellement en mission. Ce site avait été classé septième et donc non retenu, puisqu'il n'y avait que deux robots (voir la liste des sites d'atterrissage).

Tout cela suggère donc très fortement qu'il existe actuellement ou quasi-actuellement (géologiquement parlant) de grosses quantités de glace présentes dans le sous-sol très près de l'équateur (on est vers 10° lat. N).

Cela suggère aussi qu'une activité tectono-magmatique a eu lieu dans un passé extrêmement récent, et que Mars n'est peut-être pas si mort que cela !

En plus de cette nouvelle, l'ESA nous offre toujours une à quatre images par mois, en fait plus car chaque site imagé nous est livré en noir et blanc, en couleur, en relief vu sous différentes perspectives… (voir la galerie de photographies de l'ESA)

Voici quelques-unes de ces images les plus belles et/ou géologiquement riches. Nous commencerons par de la tectonique, puis par de la morphologie "érosive" ou "éolienne", puis nous finirons par Phobos, satellite de Mars.

Figures tectoniques martiennes

Figure 6. Claritas Fossae, ensemble de grabens et failles normales d'orientation NS

Vue verticale (N à droite). Au SE de Valles Marineris (25° lat , 253° long. E).


Figure 7. Claritas Fossae, ensemble de grabens et failles normales, d'orientation NS

Vue oblique vers le N. Au SE de Valles Marineris (25° lat , 253° long. E).


Figure 8. Claritas Fossae, ensemble de grabens et failles normales, d'orientation NS, Mars

Vue oblique vers le SE. Au SE de Valles Marineris (25° lat , 253° long. E).


Melas, Candor et Ophir Chasma sont trois “diverticules” centraux de Valles Marineris.


Figure 10. Melas, Candor et Ophir Chasma, dans Valles Marineris, Mars

Vue verticale. La zone couvre une surface de 300 x 600 km. Le Nord est en haut.


Figure 11. Melas, Candor et Ophir Chasma, dans Valles Marineris, Mars

Vue oblique. Le Nord est en haut. En regardant cette image avec la résolution maximale (accès direct à la source), on peut voir de magnifiques slumpings, des niveaux stratifiés, des terrasses…


Tithonium Chasma, et Ius Chasma, (7° lat S, 269° long. E) sont situés dans la partie Ouest de Valles Marineris. Ce sont des "canyons" de 5,5 km de profondeur. Il s'agit de grabens tectoniques profondément remaniés par l'érosion fluviatile.

Figure 12. Vue verticale des canyons Tithonium Chasma, et Ius Chasma, dans Valles Marineris, Mars

Le Nord est à gauche. Il y a environ 700 km de gauche à droite.


Figure 13. Tithonium Chasma, et Ius Chasma, dans Valles Marineris, Mars

Vue en perspective, en regardant vers l'E.


Figure 14. Tithonium Chasma, et Ius Chasma, dans Valles Marineris, Mars

Vue en perspective en regardant vers le NE.


Coprates Catena (14° lat. S, 301° long E) est une chaîne de structures d'effondrement, parallèle à Coprates Chasma, l'une des branches de Valles Marineris. Ces structures d'effondrement ont 2500 à 3000 m de profondeur.

Figure 15. Vue verticale de Coprates Catena, Mars

Le Nord est à gauche.

Ces structures d'effondrement ont 2500 à 3000 m de profondeur.


Figure 16. Vue oblique de Coprates Catena (Mars) en regardant vers l'Est

Ces structures d'effondrement ont 2500 à 3000 m de profondeur.


Figure 17. Vue oblique de Coprates Catena (Mars) en regardant vers l'Ouest

Ces structures d'effondrement ont 2500 à 3000 m de profondeur.


Figures d'érosion

Huygens est un immense cratère martien de 400 km de diamètre, situé à 14° lat. S, 61° long. O. Les images n'en montrent que l'extrême bord oriental. La plaine visible sur les trois images suivantes représente une partie du remplissage lisse et plat de ce très grand cratère. Des rivières asséchées coulent des bords surélevés de ce grand cratère vers l'extérieur ; quelques petits ruissellements asséchés coulent vers l'intérieur du bassin.

Reull Vallis est un système de vallées situé à 42° lat S, 102° long E. Ces vallées, sans doute initialement creusées par de l'eau liquide, ont été remodelées par des écoulements "glaciaires", sans doute sous forme de glaciers rocheux s'écoulant des pentes et s'accumulant dans les vallées (voir "Les glaciers rocheux" de l'article traitant de l'eau sur Mars").

Des champs de dunes sont observés dans un cratère martien (43° lat. S, 303° long. O).

Image de Phobos

Phobos est un des deux satellites de Mars, vraisemblablement un astéroïde capturé. Il est affecté d'un système de fractures/rayures d'origine bien énigmatique.