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Article | 24/03/2005

Observations de Mars Express : volcanisme récent, volcans ou pingos polaires, glaciers tropicaux, sulfates et gypse en abondance

24/03/2005

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Benjamin Levrard

Observatoire de Paris

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les résultats de Mars Express indiquent une activité volcanique sur Mars bien plus longue qu'on ne le pensait. Ils fournissent des images de qualité mettant en évidence des structures assimilées à des volcans sous la calotte polaire Nord, ainsi que des glaciers récents. Une cartographie chimique minéralogique a été menée et montrent les étendues de sulfates, les superposition gypse / kiéséritel et la localisation de silicates de type argiles, pyroxènes ou olivines.


Cette fin mars 2005 est riche en nouvelles martiennes, qui viennent, une fois n'est pas coutume, surtout des résultats de la sonde européenne Mars Express, en particulier de deux de ses instruments : sa Caméra Stéreo Haute Résolution, et le spectro-imageur OMEGA qui ont donné lieu cette semaine à de nombreuses publications dans les revues "Science" et "Nature"

Les résultats de la Caméra Stéréo Haute Résolution (HRSC)

Ces résultats nouveaux concernent trois "domaines" : l'âge du volcanisme, l'existence de volcans "sous" la calotte polaire nord et l'existence de glaciers récents.

L'âge du volcanisme

Avec la caméra HR de Mars Express, et en appliquant l'échelle de cratérisation martienne, on découvre des surfaces volcaniques remarquablement pauvres en cratères d'impact, ce qui indique un volcanisme "récent". Dans un article publié à Nature il y a 3 mois (23 décembre 2004), l'équipe de la caméra HR dit textuellement : « nous avons trouvé, dans les caldeiras des cinq volcans majeurs de Mars, qu'il y avait eu une activité volcanique répétée durant les 20 derniers pourcents de l'histoire de Mars (les derniers 900 millions d'années), avec des phases aussi jeunes que 2 millions d'années, ce qui suggère que ces volcans sont potentiellement actifs aujourd'hui ».

Les âges les plus jeunes obtenus sur des coulées de laves ne sont "que" d'environ 100 Ma, et les âges encore plus jeunes (comme les 2 Ma cités ci-dessus) ne concernent que des âges obtenus sur des dépôts glaciaux-rocheux-boueux, la cause de la fonte des glaces étant supposée d'origine volcanique.

Mais, malgré la très grande incertitude concernant la valeur absolue des âges donnés par les échelles de cratérisation, et bien que les âges les plus récents ne concernent pas des terrains volcaniques proprement dits, ce qui semble certain, c'est que l'activité des volcans de Mars a duré bien plus longtemps qu'on ne le pensait il y a encore quelques années. Cela confirme ce que nous disions il y a 1 mois dans l'article du 25 février 2005.

Voici quelques uns de ces résultats, concernant deux volcans, Hecates Tholus et Olympus Mons, présentés principalement sous forme d'images NASA et ESA et sous forme de figures extraites du journal Nature.

L'existence de volcans "sous" la calotte polaire Nord

Le pôle Nord de Mars est recouvert d'une calotte glaciaire permanente, de plus de 3 km d'épaisseur, faite d'un mélange de glace d'H2O et de poussières. Le volume de cette calotte est voisin de celui de la calotte groenlandaise. Cette calotte est affectée d'une structure spiralée non encore expliquée. Elle est recoupée de très profondes entailles, les « chasmas », dont l'origine n'est pas comprise non plus. La figure ci-dessous montre le plus grand de ces chasmas, Boreales Chasma.

Figure 6. Vue oblique de la calotte polaire martienne résiduelle Nord

Boreales Chasma (qui part du bas à gauche) coupe la calotte presque en 2 demi-calottes.


C'est dans un de ces chasmas que les images hautes résolutions révèlent des structures qui semblent être des cônes volcaniques très récents.

Figure 7. Vue générale oblique (relief exagéré) d'un de ces chasmas martiens

Les falaises font 2000 m de haut. La glace pure est blanche ; la glace "poussiéreuse" est teintée en orangé. Les terrains noirs du fonds seraient des champs de dunes faites de poussières noires (cendres volcaniques ?).


Figure 8. Vue détaillée du plancher d'un de ces chasmas martiens

Cette image montre au moins deux "volcans" (cf. flèches) et un champ de dunes très sombre.


Figure 9. Détail des deux petits "volcans" martiens

Volcans pointés sur la figure précédente. Le plus haut mesure 600 m de hauteur.


Là encore, l'absence totale de cratère d'impact impose un âge extrêmement récent à ce volcanisme.

On peut néanmoins se poser une question : ces morphologies en "cône" sont-elles vraiment des volcans ? Sur Terre, en région péri-glaciaire, des phénomènes de gels et de dégels entrainent la création de reliefs ressemblant beaucoup à des volcans. Il peut se former des lentilles de glace dans le sous-sol. En dégelant l'été, ces lentilles de glace laissent un vide, qui peut se remplir d'un même volume d'eau liquide, ce qui correspond à une plus grande masse (l'eau augmente de volume en gelant). Cette plus grande masse d'eau, l'hiver suivant, va regeler, se dilater, et la lentille de glace va "gonfler ". Au cours des millénaires, ce gonflement va entrainer la formation d'une véritable colline, avec parfois une dépression sommitale due à un début d'effondrement. De telle structures sont nommées « pingo ». Les figures suivantes montrent trois pingos terrestres situés au Nord du Canada.

On peut se demander, avec les seules images fournies aujourd'hui par l'ESA (elle en a sans doute d'autres qui lui permettent de trancher) si ces structures martiennes sont vraiment des volcans ou alors des pingos, ce qui n'aurait rien d'étonnant en périphérie de calotte glaciaire.

Des glaciers récents

Les manifestations d'écoulements glaciaires très récents ne se comptent plus sur Mars (voir les vallées de Reull Vallis remodelées par écoulement "glaciaire", fig. 21 à 23), et ce même en régions de latitudes moyennes ou tropicales. Actuellement, il semble qu'il n'y ait plus de glace dans ces glaciers non polaires (elle se serait sublimée), mais simplement des champs de cailloux (moraines) laissés en place après la sublimation. Il est donc difficile de savoir si ces glaciers étaient de vrais glaciers (glace dominante, avec moraine), ou plus vraisemblablement des glaciers rocheux (blocs rocheux majoritaires, soudés entre eux par de la glace inter-blocs, l'ensemble se déplaçant environ 100 fois moins vite que les "vrais glaciers").

Pour en savoir plus voir par exemple le paragraphe 3 de la page le modelé périglaciaire et la page un glacier rocheux actuel, le glacier de Marinet

Nous allons vous montrer deux exemples de ces glaciers martiens non polaires.

Le premier exemple se situe sur les flancs d'Olympus Mons. Le volcan Olympus Mons est bordé d'une haute falaise, d'origine très discutée. C'est sur, et au pied de, cette falaise que l'on trouve ces glaciers. Les figures suivantes montrent une vue d'un de ces glaciers (avec en vis à vis une comparaison terrestre), ainsi qu'une carte de l'âge absolu de ces glaciers sur le flanc occidental du volcan. Les âges absolus, à prendre avec les réserves habituelles, vont de 280 à 4 Ma...

Comparaison entre un glacier martien au pied de la falaise d'Olympus Mons et un glacier terrestre

Figure 13. Comparaison entre un glacier martien au pied de la falaise d'Olympus Mons et un glacier terrestre

(a) Exemple de glaciers rocheux (18° lat N, 138° long. W), s'écoulant sur plus de 25 km au pied d'Olympus mons. (b) Vrai glacier recouvert de 5 m de débris rocheux dans la vallée de Mullins, Antarctique.

Head et al., Tropical to mid-latitude snow and ice accumulation, flow and glaciation on Mars, Nature, 434, 346 - 351 (17 March 2005).


Carte des âges des écoulements glaciaires occidentaux (en vert) d'Olympus Mons

Figure 14. Carte des âges des écoulements glaciaires occidentaux (en vert) d'Olympus Mons

Les âges indiqués en Ma (Myr) vont de 280 à 4 Ma.

Neukum et al., Recent and episodic volcanic and glacial activity on Mars revealed by the High Resolution Stereo Camera, Nature, 432, 971 - 979 (23 December 2004).


Le deuxième exemple situé dans Promethei Terra sur la bordure Est du bassin d'Hellas est plus spectaculaire encore, bien que plus ancien, car les auteurs ont élaboré de superbes images 3D (figures 15, 16, 17, 18).

Face à de telles évidences de glaces à de faibles latitudes (20° lat. N et 40° lat. S pour nos 2 exemples), on peut se demander comment de la glace pouvait y être stable, alors que maintenant elle se sublime à ces latitudes et n'est stable que pour des latitudes supérieure à 50-60°.

Une solution "élégante" a été proposée par Laskar et al. (Icarus 170, 2004) et Levrard et al. (Nature 431, 2004) : les variations d'inclinaison de l'axe des pôle de Mars. Actuellement, l'axe de rotation de Mars est incliné de 25° 12' sur l'écliptique (presque comme la Terre donc, où cette inclinaison est de 23° 27'). Sur Terre, cette inclinaison ne peut varier qu'entre 22 et 25° (c'est à l'origine de variations climatiques type Milankovitch), mais pas plus. Cette inclinaison de l'axe terrestre est maintenue dans cette fourchette par action gravitaire de la Lune et du Soleil (pas trop lointain) sur le bourrelet équatorial. Sur Mars, il n'y a pas de satellite massif et le Soleil est plus lointain, donc il n'y a pas de stabilité de l'inclinaison. En faisant de savants calculs astronomiques, Laskar et al a pu calculer (avec un bon degré de confiance) l'inclinaison de l'axe martien jusqu'à –10 MA. Comme le montre la figure 19, cette inclinaison oscille entre 15° et presque 50°.

Courbes indiquant les variations d'inclinaison et d'insolation sur Mars

Figure 19. Courbes indiquant les variations d'inclinaison et d'insolation sur Mars

En haut, calcul de l'inclinaison de l'axe de rotation martien pour les 10 derniers Ma.

Au milieu, calcul de l'isolation au pôle Nord le jour du solstice d'été (en W/m2) pour les 10 derniers Ma. L'insolation moyenne est passée de 350 W/m2 à 250 W/m2 pendant ces 10 Ma ; les écarts maximum vont de 500 à 150 W/m2 (rappel : l'insolation moyenne de la Terre est de 342 W/m2).

En bas, calcul de l'insolation par 20° lat. N le jour du solstice d'été (en W/m2) pour les 10 derniers Ma. Il n'y a pas de tendance évolutive nette, mais les variations s'échelonnent de 170 à 260 W/m2


Pour des périodes plus reculées que -10 à –20 Ma, comme l'évolution de cette inclinaison est chaotique, il n'est pas possible d'en calculer l'évolution avec certitude, mais simplement différentes évolutions possibles. Et il est fort possible, et même probable que cette inclinaison a été plus forte encore.

Quand cette inclinaison est au plus fort, J. Laskar et B. Levrard ont pu calculer l'insolation estivale moyenne aux pôles. À cause de leur très longue durée du jour estival (plusieurs mois), avec un soleil de minuit très haut sur l'horizon, les pôles ont une insolation estivale supérieure à celle des zones de basses latitudes, où le soleil est assez bas sur l'horizon. Par exemple vers –8 Ma, l'ensoleillement estival polaire est de 500 W/m2, alors qu'à la même époque il n'est que de 250 W/m2 par 20° lat. N (rappel, l'insolation moyenne de la Terre est de 342 W/m2). Dans de telles situations, les glaces polaires ont tendance à se sublimer ; la vapeur d'H2O quitte les pôles, et à va se redéposer sous forme de glace au niveaux des basses latitudes, surtout aux niveaux des terrains de hautes altitudes comme Olympus Mons.

Décidément, la climatologie martienne nous révèle bien des surprises. On savait que « Milankovitch faisait des siennes » sur Terre, sur Mars son influence semble bien plus grande encore.

Pour en savoir plus, écoutez la conférenceForçage astronomique des paléoclimats de la Terre et de Mars / Analogies, différences et applications de Benjamin Levrard tout en visualisant les diapositives projetées.

Les résultats du spectro-imageur OMEGA

Une des expériences à priori les plus prometteuses (en géologie) embarquée sur Mars Express est l'expérience OMEGA (Observatoire pour la Minéralogie, l'Eau, les Glaces et l'Activité). Cette expérience est principalement française. Elle a pour but de faire des cartes minéralogiques de Mars, avec une résolution kilométrique. Pour cela, elle mesure pour les longueur d'onde IR comprises entre 1 et 5 μm, l'intensité du rayonnement solaire réfléchi par la surface de Mars. En comparant ce rayonnement réfléchi (c'est à dire non absorbé) aux bandes d'absorption de tels ou tels minéraux, on peut obtenir une carte minéralogique de la surface.

Notons que si le principe est simple, la réalisation est fort complexe, car le rayonnement réfléchi de la surface est modifié par les raies d'absorptions mélangées de tous les minéraux présents, ainsi que par l'absorption atmosphérique. L'interprétation des spectres est donc extrêmement difficile.

Les résultats peuvent être publiés sous forme de spectres, difficiles à interpréter pour le profane. Ils peuvent être présentés sous forme de carte où un code de couleur indique la teneur en tel ou tel minéral. Ils peuvent enfin être présentés sous forme de photographies classiques surchargées là où tel minéral a été détecté.

Les sulfates du site d'Opportunity

La figure ci-dessous montre un exemple de spectre "brut", obtenu au-dessus des etched terrain deposits de Meridiani Planum, là où s'est posé Opportunity, ainsi que différents spectres obtenus en laboratoire avec six minéraux. C'est la comparaison entre le spectre observé sur Mars et les spectres de laboratoire qui permet de proposer que Meridiani Planum est riche en kiesérite (MgSO4, H2O).

Figure 20. Principe de la méthode spectrale

En haut (A), il s'agit du spectre de réflectance de Meridiani Planum. Trois longueurs d'ondes d'absorption sont visibles, notées E, G et H.

En bas (B), il s'agit de spectres de réflectance de 6 minéraux témoins : a = barytine (BaSO4) / b = bassanite (CaSO4,0,5H2O) / c = gypse (CaSO4,2H2O) / d = kiésérite (MgSO4,H2O) / e = fluorine (CaF2) / f = epsonite (MgSO4,7H2O).

De ces six minéraux candidats, un seul, la kiésérite, présente (approximativement) ces trois bandes d'absorption E, G et H . Les auteurs de l'étude proposent donc que les etched terrains de Meridiani Planum soient riches en sulfate de magnésium hydraté.

Source : Arvidson et al., Spectral Reflectance and Morphologic Correlations in Eastern Terra Meridiani, Mars, Science, Vol 307, Issue 5715, 1591-1594, 11 March 2005


Opportunity, sur ces 2 km de trajet, a diagnostiqué la présence de sulfates. Mars Express confirme la présence de ces sulfates, et montre qu'ils s'étendent sur des milliers de kilomètres carrés. Le lac (ou la mer) fossile qu'Opportunity explore depuis 15 mois n'était pas une petite étendue d'eau salée, mais un vaste plan d'eau.

Les sulfates de Valles Marineris

On sait depuis longtemps qu'il existe ici ou là des dépôts stratifiés à l'intérieur de Valles Marineris. De quoi sont fait ces dépôts ? Des dépôts stratifiés de Candor Chasma et leur situation interne à Valles Marineris sont montrés ci-dessous. La figure d'après montre (avec une faible résolution) la présence de sulfates dans cette région. La dernière figure, à beaucoup plus haute résolution, fait la correspondance entre ces dépôts stratifiés et des sulfates, identifiés comme du gypse et de la kiésérite.


Figure 22. Localisation de sulfate dans Valles Marineris, Mars

À gauche, carte topographique générale de Valles Marineris. Le cadre noir indiqué "fig 4" correspond à la zone imagée à droite. À droite, les taches rouges correspondent à des affleurement de kiésérite ; les taches vertes à des affleurement de sulfates très hydratés, non identifiés avec précision.

Gendrin et al., Sulfates in Martian Layered Terrains: The OMEGA/Mars Express View, Science, Vol 307, Issue 5715, 1587-1591, 11 March 2005.


Figure 23. Détail interne à Valles Marineris, Mars

En haut, une image 3D de Mars Express, couvrant une zone de 40 km de large. Les dépôts stratifiés se voient bien. En bas à gauche, une image verticale N&B verticale obtenue par Mars Global Surveyor (NASA). En bas à droite, superposée à cette image MGS, la répartition des terrains riches en gypse (en bleu) et en kiésérite (en rouge). On voit très bien que la kiésérite forme les niveaux inférieurs et que le gypse forme les strates supérieures. La stratification est d'ailleurs beaucoup plus visible dans les niveaux supérieurs constitués de gypse. La salinité du lac occupant cette région a changé au cours du temps, avec d'abord des précipitations riches en sulfate de magnésium, puis des précipitations riches en sulfate de calcium.

Bibring et al., Mars Surface Diversity as Revealed by the OMEGA/Mars Express Observations, Science, Vol 307, Issue 5715, 1576-1581, 11 March 2005


Les gypses polaires

Si les sulfates sont présents dans Meridiani Planum, vaste lac (mer) salé, s'ils abondent dans Valles Marineris (lacs salés de surface plus modestes), OMEGA a découvert de vastes étendues de gypses en périphérie de la calotte polaire Nord (200 x 60 km), comme le montre la figure suivante. Quelle peut être l'origine de ces dépots évaporitiques péri-glaciaire ?

Figure 24. Carte de la répartition des sulfates, très vraisemblablement du gypse, en périphérie de la calotte polaire Nord de Mars

Sur un fond photographique en grisé ont été superposées des taches de couleur, représentant les régions riches en sulfates. La teneur en sulfate varie de 6% (violet) à >25% (rouge).

Langevin et al., Sulfates in the North Polar Region of Mars Detected by OMEGA/Mars Express, Science, Vol 307, Issue 5715, 1584-1586, 11 March 2005.


Les évaporites sulfatées, gypse et kiésérite surtout, sont donc très fréquentes sur Mars. Un des but d'OMEGA était la recherche des carbonates. Aucun n'a été trouvé jusqu'à présent. Par contre, Mars s‘avère bien être la "planète sulfate".

Les silicates

En plus des glaces, des sulfates (voir ci-dessus), OMEGA peut cartographier des silicates. OMEGA a ainsi découvert divers argiles et phyllosilicates hydratés, dont la nontronite. OMEGA a aussi pu repérer la présence et la répartition de pyroxènes riches et pauvres en calcium, des olivines…

À titre d'exemple, la figure suivante montre ainsi la répartition en olivine dans un secteur de Vasistas Borealis. L'olivine y est rare, sauf au fond des grands cratères, ce qui montre qu'un niveau riche en olivine doit exister en profondeur sous cette région.

Figure 25. Identification de cratères martiens riches en olivine dans Vasistas Borealis

À gauche il s'agit d'une carte de l'albédo à 1,3 m ; à droite, cette image est convertie en carte de la répartition de l'olivine, avec, en bleu, une zone très riche au fond du cratère Mie ; ainsi que deux autres zones un peu moins riches au Nord de la zone, régions correspondant aussi à deux cratères (moins profonds).

Bibring et al., Mars Surface Diversity as Revealed by the OMEGA/Mars Express Observations, Science, Vol 307, Issue 5715, 1576-1581, 11 March 2005


Conclusion

La conclusion de cette première "fournée" de résultats de Mars Express publiés dans la presse scientifique spécialisée est facile à faire : la géologie de Mars est beaucoup moins simple qu'on ne l'imaginait il y a encore quelques années, ce qu'on croyait avoir compris se révèle bien plus compliqué. La Terre n'est pas la seule planète à avoir une géologie complexe. Mars semblait une planète avec une géologie assez élémentaire, que l'on pouvait résumer de la façon suivante : (1) de l'eau liquide, mais simplement au début de son histoire, puis tout était gelé depuis des milliards d'années ; (2) une activité interne modérée, arrêtée depuis longtemps. Ces conclusions simples, trop simples, voire simplistes, s'avèrent pour le moins erronées.

La grande question qui justifie principalement l'effort scientifique et financier (hélas principalement américain) vers cette planète concerne la possibilité de vie ancienne (voire actuelle) sur Mars. Une géologie aussi complexe ne va pas faciliter la réponse, mais la variété des milieux et la longue durée des périodes "actives" sont riches d'espoirs. Il nous faudra attendre les prochaines missions (toutes américaines, car aucun budget n'est prévu pour une mission européenne à ce jour) avec de nouveaux moyens d'investigation pour pouvoir espérer répondre.