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Article | 29/03/2016

Les roches, des mines d'informations

29/03/2016

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Exemples de roches magmatiques, sédimentaires, mais aussi de fossiles, minéraux et enregistrements de déformation, qui nous renseignent sur l'histoire des "cailloux" observés.


Au 18ème siècle, pour les savants européens, les volcans étaient des objets exotiques cantonnés dans les "colonies", à l'exception de ceux d'Italie. Il ne serait venu à l'idée de personne qu'il y ait des volcans à peine éteints au centre de la France. En 1751, Jean-Étienne Guettard (1715-1786), un naturaliste ami de Buffon et de Malesherbes, part visiter les « montagnes du centre de la France » (le Massif Central). En passant à Vichy, Guettard remarque des pierres dans les maisons et les fontaines qui ressemblaient aux laves qu'il avait vues dans la région de Naples. Il se renseigne sur l'origine de ces roches, et on lui dit qu'elles viennent de carrières situées près du village de Volvic, au Nord de Clermont-Ferrand (cf. Cristaux d'hématite sur de la Pierre de Volvic (Puy de Dôme)). Il en déduit qu'il doit y avoir d'anciens volcans au centre de la France. Guettard s'y rend, et reconnait dans la Chaine des Puys, puis dans de nombreuses autres montagnes du Massif Central, la morphologie caractéristique des volcans italiens qu'il connaissait, ce qui confirme son diagnostic fait à distance. Guettard a donc découvert les volcans du Massif Central avant de les avoir vu, simplement en reconnaissant des "cailloux". Cette anecdote historique illustre le propos de ce chapitre : faire dire à une roche toutes les informations qu'elle contient, et elle en contient !

Roche volcanique taillée et volcan représentés sur des gravures du 18ème siècle (Faujas de Saint-Fond, 1778)

Figure 1. Roche volcanique taillée et volcan représentés sur des gravures du 18ème siècle (Faujas de Saint-Fond, 1778)

À gauche, une sculpture en « pierre volcanique » semblable à celles qu'a dû voir Guettard en se promenant dans les rues de Vichy en 1751, car dans cette ville d'eau, de nombreuses fontaines sont faite avec cette roche (la pierre de Volvic). Quand il a en reconnu la nature volcanique et dès qu'on lui a dit qu'elle venait de carrières situées dans la région, il en a déduit qu'il existait des volcans dans le centre de la France.

À droite, un volcan du Massif Central (Aizac, Ardèche) semblable à ceux que Guettard a vus dans la Chaine des Puys et qui ont confirmé son diagnostic.


Les informations tirées des roches magmatiques

Depuis 1751, l'étude des roches magmatiques (issues du refroidissement et de la solidification d'un magma) a fait beaucoup de progrès. On s'est aperçu que si on trouvait une très grande variété de roches volcaniques un peu partout dans le monde, il y avait une relation très nette et la nature et la chimie des roches, d'une part, et leur contexte géodynamique actuel, d'autre part. Par exemple, un basalte qui nait au niveau d'une zone de subduction n'aura ni la même minéralogie ni la même chimie qu'un autre né au niveau d'une dorsale : le premier aura plus d'amphiboles et moins de pyroxènes (minéraux voisins) que le second. Et les roches volcaniques associées aux subductions seront, entre autres, beaucoup plus pauvres en niobium et en tantale que celles nées au niveau d'une dorsale (cf. Les magmas primaires basaltiques issus de la fusion du manteau). Et, si on trouve de vieilles roches volcaniques comme en Bretagne, même si ces roches et leurs minéraux sont complètement transformés, même si la dorsale ou la zone de subduction qui leur a donné naissance a disparu depuis bien longtemps, l'analyse fine de leur chimie trahira leur origine. Les anciennes roches volcaniques de Bretagne datant de 600 Ma sont très pauvres en niobium et en tantale ; il y avait très vraisemblablement une subduction à cette époque-là ; celles datant de 450 Ma ne sont pas pauvres en niobium et tantale : une dorsale avait donc "succédé" à l'ancienne zone de subduction. Et il n'y a pas que les minéraux et la chimie qui renseignent sur l'histoire des roches magmatiques, il y a aussi leur structure. La figure suivante est un exemple de tout ce qu'on peut faire dire à un petit affleurement de granite d'à peine un mètre carré (cf. Mélange de deux magmas granitiques, les Albas, commune de Felluns (Pyrénées Orientales)).

Gros plan sur un affleurement du complexe granitique d'Ansignan (Pyrénées Orientales)

Figure 2. Gros plan sur un affleurement du complexe granitique d'Ansignan (Pyrénées Orientales)

L'échelle est donnée par le couteau suisse.

On voit deux granites qui proviennent de la cristallisation de deux magmas. Ils sont tous deux constitués de cristaux de taille supérieure au millimètre, preuve qu'ils ont cristallisé lentement, beaucoup plus lentement qu'une lave : ces magmas n'ont pas atteint la surface, mais ont cristallisé en profondeur. La chimie et la minéralogie de la roche supérieure claire indique que celle-ci vient de la fusion de la base de la croûte continentale, alors que la roche sombre vient de la fusion du sommet du manteau, croûte et manteau ayant fondu lors de la formation de la chaine hercynienne il y a 300 Ma. La roche du bas a, en plus des cristaux de taille normale, de gros cristaux qui ont crû très précocement au début de la cristallisation ; puis le reste du magma encore liquide a cristallisé plus "normalement". On voit dans cette roche (et dans une roche similaire dans le cas de la figure suivante) que les gros cristaux sont zonés, faits d'enveloppes concentriques. La chimie et/ou les conditions physiques du liquide entourant les gros cristaux ont changé au cours de leur croissance. Et ces gros cristaux sont plus ou moins parallèles entre eux, comme les troncs d'arbre flottants sur une rivière canadienne et entrainés par le courant. Le magma encore liquide contenait déjà ces gros cristaux quand il a coulé comme une coulée de lave, mais en profondeur.


Galet de diorite quartzique avec un gros cristal de plagioclase zoné (plage de Saint-Raphaël, Var)

Figure 3. Galet de diorite quartzique avec un gros cristal de plagioclase zoné (plage de Saint-Raphaël, Var)

La chimie et/ou les conditions physiques du liquide entourant ce gros cristal en croissance ont changé au cours de sa croissance. Ce gros cristal est entouré de cristaux de taille "normale", preuve que la roche a cristallisé en deux temps.


Les informations tirées des roches sédimentaires

Toutes les roches ne viennent pas du refroidissement d'un magma. Beaucoup proviennent d'un dépôt dans les eaux (mers, lacs…) ou sur les terres émergées (dépôt par le vent, les glaciers…) : ce sont les roches sédimentaires. Elles contiennent deux types d'informations : celles que l'on peut tirer des constituants minéraux qui se sont déposés, et celles que l'on peut tirer des fossiles qu'elles contiennent souvent. La majorité des roches sédimentaires sont dites détritiques car elles résultent de l'accumulation de débris divers arrachés aux continents par l'érosion et redéposés dans les points bas. La taille des débris peut aller de la boue la plus fine à des blocs pluri-métriques en passant par les sables, les galets… Une fois déposés et durcis, la boue donnera des argiles plus ou moins dures, les sables donneront des grès, les galets des conglomérats… La taille des éléments de ces roches nous renseigne sur la vitesse du courant (fluviatile, côtier ou de plein mer) qui les a transporté : les galets ont été nécessairement transportés par de forts courants, alors que la boue n'a pu se déposer qu'après leur arrêt presque total. La forme des grains et blocs nous renseignera sur la longueur du transport : les blocs et grains seront arrondis (car usés) en cas de long transport, anguleux en cas de transport court. Les particules qui sont déposées par des courants se déposent sous forme de couches élémentaires légèrement pentées et cette pente des couches nous renseigne sur la direction des courants. La nature des éléments déposés peut aussi nous renseigner sur le climat régnant sur le continent voisin. Par exemple, les sols continentaux en zone intertropicale sont rouges à cause des processus d'altération ; des dépôts d'argiles ou de sables rouges dans des terrains anciens nous indiqueront qu'un climat chaud et humide régnait en ce lieu et à cette époque.

Exemple d'affleurement de roche détritique dans les Corbières (Aude)

Figure 4. Exemple d'affleurement de roche détritique dans les Corbières (Aude)

Un géologue qui sait faire parler les roches verra tout de suite des alternances de grès grossiers et de conglomérats. Un torrent amenait dans un petit delta côtier des "débris", débris fins (sables) quand le courant était faible, débris grossiers (blocs et galets) quand le débit était fort. Les galets ne sont pas très arrondis ; ils n'ont pas été beaucoup roulés par le transport, et ne viennent donc de pas très loin. Les couches sont inclinées de 35°, à cause du plissement qui a formé les Pyrénées. Mais on voit que dans les couches de grès au centre de l'image, les petites couches élémentaires sont courbes, indépendamment du basculement global de la série. Ce type de géométrie est bien connu dans les deltas actuels, il indique que le courant venait de la gauche, c'est-à-dire, ici, du Sud. En dix secondes d'observation, rien qu'en regardant le caillou, le géologue aura reconstitué l'environnement qui régnait à cet endroit il y a 70 Ma.

Pour des complément, voir aussi Les faciès fluvio-deltaïques du Crétacé terminal lacustre (faciès dit Rognacien) du Sud de la France.


À côte des roches détritiques, il y a les roches biochimiques ou chimiques, qui se forment par précipitation d'ions dissouts dans l'eau de la mer ou des lacs. Cette précipitation peut être due à des facteurs physiques comme l'évaporation : trouver, dans une série sédimentaire, une roche comme le gypse (CaSO4, 2 H2O) ou la halite (= sel gemme = NaCl), roches nommées "évaporites", nous indique qu'il régnait un climat aride, et généralement chaud, à cet endroit à l'époque du dépôt de ces roches. Cette précipitation peut être biologique, la vie participant directement (à cause de ses tests et coquilles) ou indirectement (à cause des modifications du micro-environnement local qu'elle provoque) à la précipitation de roches, majoritairement des calcaires (carbonate de calcium = CaCO3) à partir des ions Ca2+ et HCO3- qui se trouvent dans la mer.

L'étude de ces carbonates apporte plein d'informations. Par exemple, les différents isotopes de l'oxygène (16O et 18O) ne s'intègrent pas de la même façon dans les carbonates en fonction de la température de l'eau. On peut étalonner cette relation en milieu contrôlé. Il ne reste plus alors qu'à mesurer les proportions des deux isotopes de l'oxygène dans un calcaire pour connaitre la température de la mer à l'endroit et à l'époque où il s'est déposé. On peut même tirer des renseignements très indirects. Le carbonate de calcium existe sous deux variétés cristallines : la calcite (qui cristallise dans le système trigonal) et l'aragonite (qui cristallise dans le système orthorhombique). Dans les conditions de la mer, c'est la calcite qui précipite spontanément. Mais la présence de magnésium dans l'eau inhibe légèrement la précipitation de calcite et favorise donc la précipitation d'aragonite. Mesurer la proportion calcite/aragonite dans les calcaires d'une époque donnée revient donc à estimer la richesse de l'eau de mer en magnésium à cette époque. Or la teneur en magnésium de la mer dépend de l'activité du volcanisme des dorsales océaniques, les circulations hydrothermales à ce niveau fixant le magnésium dans des minéraux de la lithosphère océanique. On peut donc remonter à la vitesse moyenne d'expansion océanique à une époque donnée simplement en étudiant les calcaires marins déposés à cette époque. Si les pères fondateurs de la tectonique des plaques avaient connu cela !

Les informations tirées des fossiles

Les fossiles sont omniprésents dans les roches sédimentaires, le plus souvent sous forme de microfossiles planctoniques ou de micro-débris de fossile d'organismes plus gros. Un peu plus rarement, on peut trouver des restes d'organismes entiers, parfois de grande taille, et, exceptionnellement, dans un état de conservation remarquable. Ces fossiles nous donnent plein d'informations sur le milieu et sur l'âge où se sont formées les roches sédimentaires qui les contiennent. Sur le milieu tout d'abord. Si l'organisme fossile n'est pas trop différent d'un être vivant d'aujourd'hui, on supposera que leurs milieux de vie ne sont pas trop différents. Par exemple, les calcaires de Limagne (Puy de Dôme et Allier) qui datent de -25 Ma contiennent des fossiles d'"escargots" des genres Limnée et Planorbe. Ces genres qui vivent encore aujourd'hui sont des gastéropodes lacustres. Les calcaires de Limagne se sont donc déposés dans un lac (cf. Pépérites de Limagne à escargots, limnées et planorbes remplis de lussatite). On trouve aussi en Limagne des palmiers et des crocodiles fossiles (cf. Des concrétions stromatolithiques exceptionnelles : des stipes de palmier « stromatolithisés », Gannat (Allier)). Bien que ce ne soient pas les mêmes espèces qu'actuellement, cela suggère fortement que le climat en Auvergne, il y a 25 Ma, ressemblait plus à celui de la Floride qu'à celui de l'Auvergne actuelle.

Les roches sédimentaires contiennent des fossiles depuis -3,5 Ga, des unicellulaires jusque vers -550 Ma et des fossiles d'organismes complexes après cette date. Et quand on étudie les empilements sédimentaires, avec les roches anciennes à la base et les roches récentes au sommet, on s'aperçoit que les fossiles changent, et toujours dans le même ordre, qui est celui de l'Évolution. Par exemple, dans toutes les piles de sédiments marins qui en contiennent, si on étudie les fossiles de la classe des ammonoïdés, on trouvera toujours de bas en haut, et toujours dans cette position : les clyménies, les goniatites, les cératites et les ammonites vraies. Dans chacun de ces groupes, les genres et les espèces changent aussi, et toujours dans le même ordre où que l'on soit sur la planète. C'est cette succession des fossiles qui a permis d'établir l'échelle des temps géologiques des 550 derniers millions d'années. Trouver tel fossile revient donc à donner une fourchette d'âge pour la roche qui le contient, fourchettes patiemment répertoriées et étalonnées depuis le 19ème siècle.

L'Évolution a été observée et théorisée-modélisée durant le 19ème siècle, en particulier par Darwin en 1859. Cette "théorie" a profondément changé les relations qu'avait l'Homme avec la nature, comme l'avait déjà fait trois siècles auparavant la révolution copernicienne. Cette théorie de l'Évolution a été élaborée pour une bonne part à partir d'informations contenues dans des roches.

Deux roches calcaires contenant des fossiles et provenant d'une même carrière, le gisement de Cerin (Ain)

Figure 5. Deux roches calcaires contenant des fossiles et provenant d'une même carrière, le gisement de Cerin (Ain)

En haut, il s'agit d'un poisson, Proscinetes bernardi, poisson ne vivant qu'au Jurassique supérieur (155 Ma). Ce poisson, voisin des poissons perroquets actuels, vivait dans les récifs de coraux. Trouver ce fossile nous donne donc et l'âge de la roche et les conditions dans lesquelles elle s'est déposée.

La roche du bas, trouvée dans la même carrière, a bien sûr le même âge et s'est déposée dans les mêmes conditions que celle du haut mais on peut en tirer d'autres informations, plus anecdotiques. Il s'agit d'une comatule, animal assez voisin des étoiles de mer, mais avec des tentacules calcitisés. Une fois morte, mais avant de se faire recouvrir par de nouvelles couches de boue (maintenant devenue roche calcaire), notre comatule s'est faite grignoter par un animal qui est venu manger des fragments de ses tentacules, peut-être le Proscinetes du haut de la figure. Des fragments de tentacules ont effectivement disparu, et on voit leur empreinte dans la roche. Mais ces tentacules devaient "résister" à la traction du poisson, qui a dû tirer dessus pour les détacher. Et cette traction a déplacé les tentacules qui en glissant ont laissé une empreinte dans la vase, vase maintenant devenue roche. Un bel instantané de la vie du Jurassique !

Pour retrouver ces fossiles de Cerin et bien d'autres, consulter le dossier La vie au Kimmeridgien... à Cerin.


Les informations tirées des déformations et des transformations subies par les roches

Il suffit de se promener dans le Jura ou les Alpes pour voir dans le paysage des couches plissées ou cassées. Mais souvent la déformation est bien peu visible, parce qu'il n'y a pas d'affleurement, parce que la roche initiale était homogène, parce que la déformation a été tellement intense que la géométrie initiale a disparu… Mais on peut voir des déformations à une échelle beaucoup plus petite que le paysage : à l'échelle d'une simple roche. Une roche contient des minéraux, des fossiles, des éléments divers dont on connait la forme classique avant toute déformation. Si on arrive à reconnaitre ces éléments malgré leur déformation, on pourra caractériser cette déformation (allongement, torsion…) et les conditions dans lesquelles elle s'est faite (à basse température, ces éléments se cassent, à température plus haute, ils se déforment sans se rompre).

Voici un exemple de renseignements que peuvent nous fournir une roche.

Une roche déformée : un calcaire oolitique du Jurassique inférieur, étiré à haute température, Calse, Pyrénées Orientales

Figure 6. Une roche déformée : un calcaire oolitique du Jurassique inférieur, étiré à haute température, Calse, Pyrénées Orientales

Vue d'ensemble à gauche, zoom à droite.

Les oolites sont de petites concrétions calcaires, en général de forme sphérique, et dues à des précipitations bactériennes. Elles ont classiquement une taille allant de l'œuf de lump à l'œuf de saumon. Dans cet échantillon, elles ont une forme d'ellipsoïde et sont trois fois plus longues que larges. Elles ont donc été étirées, mais étirées sans s'être cassées. Elles avaient donc une certaine "souplesse" ce qui indique qu'elles avaient une température élevée (cf. Oolites déformées). La déformation se fait à volume constant, et, pour simplifier, on peut supposer qu'elles ont été étirées de haut en bas d'un facteur x, raccourci de droite à gauche de ce même facteur x et sont restées inchangées dans la troisième dimension. On peut alors calculer ce facteur x. Si on suppose qu'une oolite avait un diamètre D, et qu'elle a maintenant un grand axe A et un petit axe a, peut écrire trois relations : D.x = A, D/x = a, et A = 3a. On peut résoudre facilement ce système d'équations, et on trouve que le facteur x est de √3 = 1,7. Notre roche a donc vu sa longueur multipliée par un facteur 1,7, sa largeur diminuée par ce même facteur 1,7, et son épaisseur inchangée. La roche nous donne donc une information chiffrée sur l'intensité de la déformation ainsi que sur la température à laquelle elle l'a subit. Et comme sur le terrain on peut voir que cet étirement est Est-Ouest, Il ne reste plus qu'à trouver quel mécanisme a chauffé et étiré cette roche de cette manière lors de la formation des Pyrénées.


À cause de la tectonique des plaques, les roches se déplacent et se déforment. Si ces déplacements/déformations se font avec une composante verticale, la profondeur change. Et avec la profondeur, la pression et la température de la roche varient. Or la nature des minéraux où s'incorpore tel ou tel élément varient avec la pression et la température. Par exemple, dans une roche riche en aluminium, cet aluminium "se met" dans des argiles sous les conditions de surface. Ces argiles vont se transformer en autres minéraux si la température et/ou la pression changent. Ces argiles deviendront andalousite à moyenne température, sillimanite à haute température, disthène à haute pression. Dans une roche pauvre en aluminium mais riche en magnésium, l'aluminium s'incorporera dans un plagioclase à moins 20 km de profondeur, dans un spinelle entre 20 et 80 km de profondeur, et dans un grenat au delà de 80 km. Étudier les minéraux, les minéraux alumineux dans notre exemple, permettra d'étudier les trajets verticaux qu'a subi une roche au cours de son histoire.

Lame mince (30 µm d'épaisseur, observée au microscope) dans une péridotite (fragment de manteau) des Monts-du-Lyonnais (Rhône) montrant une suite de réactions minérales : spinelle (Sp) → grenat (Gr) → symplectite (Sy) contenant du spinelle et sans doute déjà un peu de plagioclase

Figure 7. Lame mince (30 µm d'épaisseur, observée au microscope) dans une péridotite (fragment de manteau) des Monts-du-Lyonnais (Rhône) montrant une suite de réactions minérales : spinelle (Sp) → grenat (Gr) → symplectite (Sy) contenant du spinelle et sans doute déjà un peu de plagioclase

Cet échantillon de manteau, initialement situé entre 20 et 80 km de profondeur, a donc suivi un trajet le faisant descendre au delà 80 km (formation de grenat aux dépens du spinelle) puis le faisant remonter vers 20 km (déstabilisation du grenat avec formation de spinelle et de plagioclase), puis bien sûr en surface (où l'échantillon a été ramassé). Il ne reste plus qu'à intégrer la composante verticale de ce trajet dans l'histoire de la chaine hercynienne.


Conclusion

Pour beaucoup, rien n'est plus insignifiant, inintéressant, vide de sens… que des "cailloux", cailloux tout juste bons à se faire marcher dessus, à faire des murs et des maisons, et, éventuellement, cailloux utiles dans le cas des minerais, voire cailloux esthétiques dans le cas des pierres précieuses. Et pourtant… De même que les hiéroglyphes sont autres choses que des dessins, les roches sont des mines d'informations pour qui sait les lire, les faire parler et traduire leur message. Apprenons à nos élèves à "déchiffrer" et à "lire" les roches !

Avertissement

Cet article est un brouillon, un premier jet d'un chapitre écrit en mars 2016 pour un livre à paraître en 2017. Il s'agira d'un ouvrage mis en œuvre et coordonné par La main à la pâte, édité par Belin, et ayant pour thème « information et communication ». Ce livre fera suite à deux autres déjà parus : Matières et matériaux et Une énergie, des énergies, livre dans lequel j'avais écrit le chapitre sur La chaleur de la terre et la géothermie).

La cible de cette collection débutante est la suivante : « Dans le second degré, chaque professeur est spécialiste d'une discipline et craint souvent de s'engager sur les voies peu défrichées de l'interdisciplinarité. Initiée par l'Académie des sciences, la pratique d'un enseignement intégré de science et technologie (EIST) dans le sillage de La main à la pâte, a fait émerger dès 2006, chez les professeurs de collège engagés dans cette expérimentation, le besoin explicite de disposer de ressources adaptées (jusqu'alors inexistantes), mêlant et articulant autour d'un thème donné, des notions de physique, chimie, biologie, géologie, technologie… susceptibles d'inspirer de nouvelles activités de classe ou tout simplement d'ouvrir vers de nouveaux horizons de la connaissance ».

Ce livre essentiellement consacré à l'information et à la communication comprendra quelques chapitres pouvant intéresser les professeurs de SVT, comme l'information génétique… On m'a demandé d'écrire un chapitre sur « les informations apportées par les roches ».

Pour rédiger ce chapitre, j'avais comme consignes : moins de 20 000 signes et de 4 à 8 figures, sachant que la version finale risque d'être plus près de 10 000 que de 20 000 signes. Voici donc, brut de décoffrage et sans aucune modification (mis à part quelques liens vers d'autres articles de Planet-Terre et quelques modifications mineures lors de la mise en forme pour ce site) la première version de ce chapitre.