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Article | 15/03/2016

Les orthogneiss de Port-Béni (Côtes d'Armor) : un affleurement des roches les plus anciennes de France métropolitaine

15/03/2016

Alexandre Aubray

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon - Université Lyon 1

Cyril Langlois

Préparation à l'agrégation SV-STU / ENS de Lyon

Damien Mollex

Département de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Description et datation des roches parmi les plus anciennes de France métropolitaine : les orthogneiss icartiens de Port-Béni.


L'affleurement de Port-Béni

L'affleurement de Port-Béni se situe en Bretagne dans le département des Côtes – d'Armor. Dans le village de Pleubian, prendre la direction de Port-Béni et se garer sur le parking à l'entrée du hameau.

Localisation de Port-Béni en Bretagne

Figure 1. Localisation de Port-Béni en Bretagne

L'affleurement (punaise jaune) se situe dans les Côtes d'Armor, sur la commune de Pleubian.


Localisation de l'affleurement de Port-Béni sur la commune de Pleubian

Figure 2. Localisation de l'affleurement de Port-Béni sur la commune de Pleubian

L'affleurement (flèche rouge) se situe sur la commune de Pleubian. La flèche rouge localise le hameau de Port-Béni.


En descendant sur la grève, une vue d'ensemble de l'affleurement montre une diversité de lithologies que nous allons détailler dans la partie suivante.

Vue d'ensemble de l'affleurement de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Figure 3. Vue d'ensemble de l'affleurement de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Au premier plan, les différentes lithologies que nous allons détailler dans la suite et au dernier plan, des dépôts péri-glaciaires (voir figure suivante) que nous ne détaillerons pas.


Head de l'affleurement de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Figure 4. Head de l'affleurement de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Ces dépôts sont interprétés comme des coulées de solifluxion formées lors des dernières glaciations quaternaires. Ces dépôts sont appelés head en Bretagne et en Angleterre (cf. "Diapirs" d'argiles tourbeuses quaternaires, plage de Trez-Rouz, presqu'île de Crozon, Finistère).


Les différentes lithologies et la chronologie de leurs mises en place

Différentes lithologies sont observables sur l'affleurement. La première est une roche avec une schistosité, c'est-à-dire des plans de débit préférentiel de la roche (ou foliation car cette schistosité est marquée par la minéralogie) de teinte gris-rose et avec de gros minéraux rose-blanc : ce sont des orthogneiss.

Les orthogneiss de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Détail des orthogneiss de Port Béni (Côtes d'Armor)

Figure 6. Détail des orthogneiss de Port Béni (Côtes d'Armor)

Les gros minéraux rose-blanc sont des feldspaths potassiques. Les lits noirs soulignant la foliation sont des amas de biotites.


Ces orthogneiss sont constitués de quartz, plagioclases, feldspaths potassiques et de biotites. Les amas de biotites soulignent la foliation. Les yeux de feldspaths potassiques sont déformés dans la foliation.

Les orthogneiss sont des roches métamorphiques présentant une schistosité (ou foliation). Le préfixe "ortho-" indique que le protolithe, c'est-à-dire la roche qui, par métamorphisme, donne la roche observée est magmatique. Cette origine magmatique est attestée par la présence des gros yeux de feldspaths potassiques, minéraux dont la taille indique qu'ils n'ont pu cristalliser que lors de processus magmatiques. Le protolithe de cette roche est interprété comme étant une granodiorite porphyroïde (à gros feldspaths potassiques).

La datation de ces orthogneiss a donné un âge icartien pour le protolithe, vers 1,8 milliards d'années (voir partie suivante).

Ces orthogneiss sont en contact avec d'autres roches visibles sur les figures suivantes.

Différentes lithologies de l'affleurement de Port-Béni

Figure 7. Différentes lithologies de l'affleurement de Port-Béni

Les figures suivantes sont un détail de cette photo.

En haut à gauche, la veine plus claire est un filon de pegmatite témoignant de la fusion partielle très localisée des gneiss de Port-Béni.



Interprétation de la photographie précédente

Figure 9. Interprétation de la photographie précédente

En orange, les orthogneiss, en bleu, des gneiss amphiboliques et, en rouge, une microgranodiorite.


Suivant la foliation des orthogneiss, d'autres roches plus sombres et aussi foliées sont intégrées dans la foliation des gneiss et forment des bandes décimétriques. Ces bandes sont constituées d'amphibolites (ou gneiss amphiboliques), roches métamorphiques composées principalement d'amphiboles et de plagioclases. Certaines des ces bandes sont formées de micaschistes. Les relations de terrain entre les orthogneiss et ces roches appartenant, comme l'orthogneiss, à l'« unité des gneiss de Port-Béni » laissent penser que les orthogneiss sont intrusifs dans ces gneiss amphiboliques, gneiss et micaschistes. Leurs protolithes sont interprétés comme des roches volcano-sédimentaires dans lesquelles la granodiorite porphyroïde, protolithe des orthogneiss, est intrusive.

Ces deux lithologies sont recoupées par des filons centimétriques d'une roche plus claire à patine d'altération de couleur rouille : une microgranodiorite, la microgranodiorite de Pleubian.

Gneiss amphiboliques et orthogneiss recoupés par des filons de microgranodiorite, Port-Béni (Côtes d'Armor)

Figure 10. Gneiss amphiboliques et orthogneiss recoupés par des filons de microgranodiorite, Port-Béni (Côtes d'Armor)

Orthogneiss et gneiss amphibolitiques sont recoupés par la microgranodiorite, ce qui montre bien que cette microgranodiorite est postérieure aux orthogneiss.


Contact entre la microgranodiorite, en bas, et les orthogneiss, en haut

Figure 11. Contact entre la microgranodiorite, en bas, et les orthogneiss, en haut

La foliation des orthogneiss (en haut) est recoupée par la microgranodiorite (en bas), ce qui montre bien que cette microgranodiorite est postérieure aux orthogneiss.


Filons de microgranodiorite recoupant les orthogneiss de Port-Béni

Figure 12. Filons de microgranodiorite recoupant les orthogneiss de Port-Béni

La foliation des orthogneiss est recoupée par la microgranodiorite, ce qui montre bien que cette microgranodiorite est postérieure aux orthogneiss.


Détail du contact entre les gneiss de Port-Béni et la microgranodiorite de Pleubian

Figure 13. Détail du contact entre les gneiss de Port-Béni et la microgranodiorite de Pleubian

La foliation des orthogneiss est recoupée par la microgranodiorite (sans patine rouille ici), ce qui montre bien que cette microgranodiorite est postérieure aux orthogneiss.


Cette microgranodiorite, terme intrusif associé au volcanisme du Trégor, est constituée de phénocristaux de plagioclase, de hornblende et de biotite avec une mésostase contenant des quartz, des plagioclases, des feldspaths potassiques de la hornblende, de la biotite et des minéraux accessoires. Des enclaves de microdiorite (roche moins différenciée que la granodiorite) sont observables dans la microgranodiorite.

Enclave microdioritique dans la microgranodiorite de Pleubian

La microgranodiorite de Pleubian englobe les gneiss de Port-Béni. Elle est datée à 615 Ma et est liée au cycle orogénique[1] cadomien. Elle est interprétée comme du magmatisme associé au fonctionnement d'une marge active (comme dans les Andes actuelles ou au Japon).

De la tectonique cassante, marquée par des failles, affecte les lithologies de Port-Béni.


L'ensemble de l'affleurement est recoupé par des filons métriques de (méta)dolérites, les dolérites du Trieux, composées majoritairement de pyroxènes et de plagioclases et interprétées comme des laves intrusives paléozoïques ayant subi le métamorphisme varisque.

Filon de dolérite recoupant l'ensemble de l'affleurement de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Figure 16. Filon de dolérite recoupant l'ensemble de l'affleurement de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Ces dolérites sont appelées dolérites du Trieux.



La figure suivante, extrait de la carte géologique de Tréguier au 1/50 000, montre un résumé des relations de terrains observées à l'échelle de la carte.

Extrait de la carte géologique de Tréguier au 1/50 000

Figure 18. Extrait de la carte géologique de Tréguier au 1/50 000

ζ : gneiss de Port-Béni / μγ4 : microgranodiorite de Pleubian / μθ : dolérites du Trieux.


Géologiquement, l'affleurement de Port-Béni se situe dans une unité géologique appelée batholite du Trégor, représentée majoritairement par des roches cadomiennes.

En résumé, des roches icartiennes (aux environs de 1,8 Ga) sont recoupées par des roches cadomiennes (aux environs de 600 Ma) et ces roches sont elles-mêmes recoupées par des roches appartenant au cycle orogénique varisque (début à milieu du Paléozoïque). Ce sont donc des roches appartenant à trois cycles orogéniques distincts, les plus anciens de France métropolitaine, qui sont visibles sur cet affleurement !

Les gneiss de Port-Béni, des roches datées de l'orogenèse icartienne

Auvray et al. (1980) [1] ont daté les orthogneiss de Port-Béni, par la méthode Concordia-Discordia sur zircon, à 1790 +19-17 Ma.

Courbes Concordia-Discordia des orthogneiss de Port-Béni (Côtes d'Armor)

Figure 19. Courbes Concordia-Discordia des orthogneiss de Port-Béni (Côtes d'Armor)

La courbe bleue est une courbe calculée à partir des équations citées plus bas : c'est la courbe Concordia. La droite rouge, la Discordia, est obtenue par l'alignement des mesures sur les zircons (ronds verts). L'intercept supérieur à 1970 +19-17 Ma correspond à la datation du protolithe et l'intercept inférieur à 467 +6-4 Ma correspond à un épisode de réouverture du système dont l'événement responsable n'a pas été identifié.


Détaillons le principe de cette méthode. Tout système de datation absolue repose sur trois aspects :

  • un couple père-fils, couple élément radioactif (celui qui se désintègre = le père) – élément radiogénique (celui qui se forme = le fils),
  • un système que l'on date (minéral, voire partie d'un minéral ou roche totale),
  • une température en deçà de laquelle l'élément fils ne diffuse plus hors du système, appelée température de fermeture (ou de clôture) du système.

La méthode Concordia-Discordia repose sur les radioactivités de deux isotopes de l'uranium, 238U et 235U. Dans le cas des gneiss de Port-Béni, elle est appliquée à un minéral accessoire classique des granites et des gneiss : le zircon (ZrSiO4) dont l'uranium est un élément trace abondant dans le réseau cristallin, ce qui explique l'utilisation de cette méthode. Ce minéral à fort relief et à teintes de biréfringences vives en lumière polarisée analysée (LPA) présente une forme de prisme allongé aux extrémités pyramidales.

Zircons en inclusion dans une biotite du granite de Huelgoat (Finistère), LPNA

Figure 20. Zircons en inclusion dans une biotite du granite de Huelgoat (Finistère), LPNA

La désintégration de l'uranium en plomb s'accompagne de l'émission de particules α (4He) qui "grillent" le réseau cristallin de la biotite (minéral brun allongé) dans laquelle est inclus le zircon, d'où les zones noires "grillées" centrées sur les zircons (un seul est, ici, bien visible à gauche car présent dans l'épaisseur de la lame mince).


Zircons en inclusion dans une biotite du granite de Huelgoat (Finistère), LPA

Figure 21. Zircons en inclusion dans une biotite du granite de Huelgoat (Finistère), LPA

La désintégration de l'uranium en plomb s'accompagne de l'émission de particules α (4He) qui "grillent" le réseau cristallin de la biotite (minéral brun allongé) dans laquelle est inclus le zircon.


Le 238U se désintègre en 206Pb, et le 235U en 207Pb, selon les équations suivantes résultant des lois physiques de la désintégration radioactive :

  • Pb206(t)=Pb206(t=0)+U238(t).(eλ238.t1),
  • Pb207(t)=Pb207(t=0)+U235(t).(eλ235.t1),

où λ238 et λ235 sont les constantes de désintégration respectives de 238U en 206Pb et de 235U en 207Pb.

Or le zircon est ce que l'on appelle un système riche, c'est-à-dire qu'au-dessus de la température de fermeture du système, son réseau cristallin étant incompatible avec l'isotope fils (radiogénique), celui-ci diffuse hors du zircon. Autrement dit 206Pb(t=0) = 207Pb(t=0) = 0, il n'accumule du plomb qu'en dessous de sa température de clôture. Or la température de fermeture du zircon pour le couple U-Pb est élevée et de l'ordre de 900°C. Ce qui signifie que l'âge obtenu par la méthode U-Pb est l'âge de passage sous l'isotherme 900°C, ce qui correspond, pour une roche de composition granitique, à son âge de cristallisation.

Les équations peuvent donc s'écrire sous la forme :

  • (Pb206U238)t=eλ238.t1,
  • (Pb207U235)t=eλ235.t1.

Ce couple d'équations est un système paramétrique qui permet de tracer la courbe d'évolution des rapports Pb/U en fonction du temps pour un système fermé (pas de fuite de plomb) sans plomb initial : c'est la courbe Concordia (courbe bleue dans la figure 19, ci-dessus). En effet, les deux équations donnent respectivement, pour une valeur de temps donnée, l'ordonnée et l'abscisse du point qu'il suffit de reporter dans le graphique pour un nombre important de valeur de "t" pour tracer la courbe Concordia.

Mais, au cours de l'histoire géologique de la roche, il peut se produire des phénomènes de réouverture partielle du zircon à l'origine de perte de plomb. Ce sont par exemple des épisodes de métamorphisme. Les différents zircons perdent plus ou moins de plomb mais restent alignés sur une droite (la Discordia) qui relie, lors de la perte de plomb, le point indiquant la position du système avant ouverture (sur la Concordia) et le point (0,0) qui correspondrait à une perte totale de plomb.

La figure suivante montre le devenir des rapports 206Pb/238U et 207Pb/235U des zircons en cas de réouverture du système sur un exemple.

La méthode Concordia-Discordia expliquée pas à pas à partir d'un exemple

Figure 22. La méthode Concordia-Discordia expliquée pas à pas à partir d'un exemple

A) À t = -3 Ga, le zircon ne contient pas de plomb.

B) Le système est fermé, 238U se désintègre en 206Pb et 235U en 207Pb, les isotopes pères et fils sont accumulés dans le réseau cristallin du zircon et les rapports évoluent selon la Concordia.

C) À t = -0,5 Ga, un épisode de métamorphisme s'accompagne d'une réouverture du système à la diffusion et d'une perte de Pb plus ou moins importante selon la taille des zircons.

D) Une fois le système refermé, les désintégrations évoluent de nouveau en système fermé selon les équations de la désintégration radioactive, les zircons restent alignés sur une droite : la Discordia.

E) Graphique obtenu lors des mesures des quantités des isotopes de l'U et du Pb.


La droite Discordia est obtenue par des mesures, par spectrométrie de masse, de concentrations et de rapports isotopiques menées sur les zircons. L'intercept supérieur est interprété comme l'âge de cristallisation et l'intercept inférieur comme l'âge de réouverture du système.

D'autres minéraux comme la monazite (phosphate de terres rares) ou la titanite (ou sphène, silicate de calcium et de titane) peuvent aussi être datés par cette méthode.

Étant donné que les orthogneiss sont interprétés comme une granodiorite intrusive dans des formations volcano-sédimentaires, l'âge obtenu n'est pas celui de toute la série icartienne, mais un âge minimum, celui de l'épisode magmatique associé à la mise en place du protolithe des orthogneiss : une granodiorite.

Cependant, ces résultats posent de nombreuses questions et la bibliographie, pauvre sur ce sujet, n'apporte que peu de réponses. Et cet article de vulgarisation n'a pas la prétention d'y répondre. Mais esquissons tout de même quelques remarques.

Tout d'abord, on peut s'étonner du fait que le métamorphisme responsable de la formation des orthogneiss ne soit pas enregistré par une réouverture des zircons à la diffusion. Une manière de lever ce problème est de proposer que le métamorphisme est (quasi-) contemporain de la mise en place et donc que l'évènement enregistré est (quasi-) contemporain de la mise en place de l'orthogneiss. Une autre hypothèse est de proposer que l'intensité du métamorphisme a été telle, que les zircons ont été totalement réouverts et que le plomb accumulé depuis la première fermeture du système a totalement diffusé en dehors du zircons. Dans ce cas, l'âge obtenu ne serait pas celui de l'évènement magmatique mais celui du métamorphisme, le protolithe serait donc plus ancien que 1,8 Ga.

Un autre point intrigant est que ni les évènements liés à l'orogenèse cadomienne (vers 615-600 Ma), ni les évènements liés à l'orogenèse varisque (vers 350-300 Ma) ne sont enregistrés par la réouverture des zircons et donc marqués par la Discordia. En effet, la mise en place de la microgranodiorite, datée à 615 Ma, n'est pas enregistrée. Une hypothèse est que l'échantillon a été "isolé" thermiquement de la réouverture, parce que la température du magma microgranodioritique (aux alentours de 700°C) n'était pas suffisante pour rouvrir le système et/ou parce que l'échantillon était éloigné du contact entre les orthogneiss et la microgranodiorite (qui est une roche intrusive mais mise en place à une profondeur peu importante).

Autre point qui pose question, l'âge de l'intercept inférieur. Cet âge à 467 Ma n'est associé à aucun évènement géodynamique. Il est contemporain des évènements du cycle orogénique varisque, avec notamment la mise en place de lithologies particulières dans les terrains varisques : le complexe leptyno-amphibolique. Problème, ce type de lithologie n'est absolument pas rencontré dans le Trégor. Cependant, il pourrait résulter de la mise en place des dolérites du Trieux dont l'âge n'est pas précisément connu (mais qui semble contemporaine), la température d'un magma basique (de l'ordre de 1200°C) étant suffisante, elle, pour rouvrir le zircon à la diffusion.

Tout cela peut remettre en cause la pertinence des résultats de ces datations et mériterait des études complémentaires. Cependant, l'appartenance de ces orthogneiss à l'orogenèse icartienne n'est pas à mettre en cause et l'âge obtenu est cohérent avec ceux trouvés pour les autres affleurements d'Icartien en France. Les méthodes actuelles permettent de faire des analyses in situ des zircons qui peuvent être zonés enregistrant les différents évènements. Or, les analyses des années 80 devaient être faites sur zircons entiers avec des méthodes conduisant à l'abrasion des parties les plus externes et donc la perte d'information sur les évènements les plus jeunes (par exemple, dans notre cas, l'orogenèse varisque) enregistrés par les zircons. De plus la précision des mesures de concentration et de rapports isotopiques s'est beaucoup améliorée depuis ces premières analyses.

Encore une preuve, si elle était à faire, que de passionnants travaux restent à mener sur la géologie de la France.

L'orogenèse icartienne en France

En France métropolitaine, seuls quelques affleurements situés dans le Nord de la Bretagne, dans les îles anglo-normandes et en Normandie, et répartis sur un alignement Nord-Est / Sud-Ouest de direction N45 présentent des âges icartiens. Ils appartiennent au domaine domnonéen du Massif armoricain.

Localisation des affleurements icartiens en France et sur les îles anglo-normandes sur la carte géologique de la France au millionième

Figure 23. Localisation des affleurements icartiens en France et sur les îles anglo-normandes sur la carte géologique de la France au millionième

1 : Morguignen, 2 : Trébeurden, 3 : Guernesey, 4 : Sercq, 5 : Aurigny, 6 : Cap de La Hague.

L'affleurement des gneiss de Port-Béni est trop petit pour être représenté à cette échelle.


Le nom icartien vient de la localité d'Icart Point sur l'île de Guernesey. Cette orogenèse porte aussi le nom de pentévrienne (d'après le Penthièvre, région à l'Est des Côtes d'Armor) ou d'éburnéenne en Afrique de l'Ouest.

Les datations "propres" des gneiss d'Icart ont donné des âges d'environ 2 milliards d’années.

Mis à part leur implication dans la marge active cadomienne aux alentours de 600 Ma, leurs contextes de formation et de métamorphisme sont très mal contraints.

Bibliographie

S. Durand (coord.), 1977. Guides géologiques régionaux - Bretagne, Masson éd., 208p.

E. Le Goff, M. Ballèvre, E. Egal, D. Thieblemont, C. Truffert, 2004. La chaîne panafricaine en Bretagne, France, Livret Guide Excursion, 20ème Colloque de Géologie Africaine, 80p.

Merci à Jean-Emmanuel Martelat (LGLTPE, ENS de Lyon – Univ. Lyon 1) pour ses éclairages sur la datation U-Pb sur zircons, et à Simon Couzinié pour ses relectures attentives.



[1] La notion de cycle orogénique est un modèle décrivant tous les évènements amenant à la formation et à la destruction d'une chaîne de montagnes. Les étapes successives sont le rifting continental qui consiste en une fracturation au sein d'un domaine continental stable, puis l'océanisation avec la mise en place d'une lithosphère océanique entre les blocs continentaux, la fermeture de ce domaine océanique par subduction océanique, puis la rencontre des lithosphères continentales et la formation des chaînes de montagnes lors de la collision continentale, et enfin l'effondrement de cette chaîne de montagnes (cf. figure 4 de Il ne faut pas confondre granite et granite). Il faut bien comprendre que c'est un modèle, très discuté et très discutable mais qui permet de replacer des évènements géologiques locaux dans des évènements plus globaux.