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Article | 19/02/2003

Les mécanismes de l'effet de serre

19/02/2003

Gilles Delaygue

Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences de l'Environnement, Aix en Provence.

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Explication et modélisation de l'effet de serre sur la Terre, Mars et Vénus.


Introduction

Alors que la majorité de l'énergie solaire incidente est véhiculée dans les longueurs d'ondes visibles, la Terre émet essentiellement dans l'infrarouge. C'est ce rayonnement qui est absorbé par certains gaz de l'atmosphère, dit gaz à effet de serre. Une partie de cette énergie absorbée par l'atmosphère est renvoyée vers la surface de la Terre, ce qui augmente ainsi sa température.

Peut-on faire l'analogie avec une serre ?

Le terme d'« effet de serre » est employé par analogie avec ce qui se passe dans les serres des agriculteurs. L'atmosphère piège les infrarouges thermiques rayonnés par le sol de la même façon qu'une plaque de verre piège le rayonnement infrarouge émis par le sol et les plantes, augmentant ainsi la température du sol.

Malheureusement, l'analogie est trompeuse. Dans une serre, le réchauffement s'explique essentiellement par l'absence de convection (l'air chaud ne peut pas sortir) et non par l'absorption des radiations infrarouges.

En 1909, Robert Williams Wood (1868-1955) construisit deux serres similaires, l'une avec des plaques de verre (transparentes au visible et opaques aux infrarouges), l'autre avec des plaques en sel gemme (transparentes au visible et aux infrarouges). Dans les deux cas, l'air ne peut sortir. La température dans les deux serres augmenta de la même façon, démontrant ainsi que « cet effet thermique s'explique essentiellement par l'absence d'advection ». On estime que cet effet thermique est environ quatre fois plus importante que l'absorption du rayonnement infrarouge par le verre.

L'analogie avec une couverture ?

Une atmosphère contenant des gaz à effet de serre absorbe la partie infrarouge du spectre d'émission de la planète. La température de surface de la planète augmente alors jusqu'à ce que la quantité d'énergie qui s'échappe vers l'espace devienne égale à celle reçue par le Soleil. On atteint alors la température d'équilibre.

Prenons l'exemple du campeur autour d'un feu. S'il veut avoir plus chaud que ce que le feu peut lui permettre, le campeur se recouvre d'une couverture. L'atmosphère d'une planète produit le même effet que la couverture autour du campeur. Mais l'atmosphère diffère de la couverture par le fait qu'elle permet au rayonnement solaire visible d'arriver à la surface de la planète et absorbe le rayonnement infrarouge émis par la surface planétaire. De plus, dans le cas de la couverture, la chaleur est produite par le corps, et il n'y a pas équilibre thermique avec l'extérieur (puisque le corps produit de la chaleur pour se maintenir à une certaine température, pas pour s'équilibrer avec l'extérieur).

Modéliser l'effet de serre pour une atmosphère peu épaisse (cas de Mars et de la Terre)

La majeure partie de l'énergie rayonnée par le Soleil se situe dans des longueurs d'onde auxquelles l'atmosphère est transparente (c'est-à-dire entre 0,2 et 0,5 µm (applette Corps Noir).

Au contraire, une planète rayonne principalement dans les longueurs d'onde de l'infrarouge, entre 4 et 12 µm. Ces longueurs d'onde sont fortement absorbées par les gaz à effet de serre de l'atmosphère (applette Atmosphère et Rayonnements). (Voir aussi Quelles sont les propriétés communes des gaz à effet de serre ?).

Lorsqu'une molécule de gaz absorbe un photon infrarouge, elle le réémet rapidement. Le point fondamental est que cette réémission se fait dans une direction aléatoire. Ainsi, si on suppose que l'atmosphère est suffisamment mince (c'est-à-dire que le photon réémis ne va pas être à nouveau absorbé par une autre molécule de gaz), alors environ la moitié du rayonnement infrarouge émis par la surface de la planète repart dans l'espace (la part réémise par l'atmosphère vers le haut), tandis que l'autre moitié retourne à la surface (la part réémise par l'atmosphère vers le bas).


C'est le modèle de l'effet de serre à une couche. Dans ce modèle, la puissance totale reçue par la surface de la planète est égale à deux fois celle reçue du Soleil en haut de l'atmosphère. La puissance rayonnée par le sol est donc multipliée par 2 par rapport au cas « sans atmosphère ».

Or la puissance rayonnée par le sol à la température T1 (cas sans atmosphère) vaut σ.T14 (loi de Stefan, 1879) où σ est la constante de Stefan-Boltzmann égale à 5,670 x 10-8 J.K-4.m-2.s-1.

On en déduit que la puissance rayonnée par le sol à la température T2 (cas avec atmosphère) vaut σ.T24 = 2σ .T14. La température avec atmosphère T2 = T1.∜2, soit T2= 1,2.T1. La température de la planète augmente donc de 20% par rapport à la même planète sans atmosphère.

Le modèle à une couche est valable pour des atmosphères minces comme celles de Mars, ou même de la Terre, mais qu'en est-il pour Vénus dont l'atmosphère est très épaisse ?

Modéliser l'effet de serre pour une atmosphère épaisse (cas de Vénus)

L'atmosphère planétaire peut être si dense que les photons infrarouges provenant de la surface sont absorbés puis réémis de nombreuses fois par l'atmosphère avant de s'échapper vers l'espace. Comment modéliser cet effet ?

On peut considérer qu'il est nécessaire d'ajouter une seconde couche de gaz par dessus la première (sachant le modèle à une couche ne peut être « épaissi » pour prendre en compte la présence de plus de gaz). Cette couche additionnelle absorbe le rayonnement infrarouge issu de la première couche, et l'émet à son tour dans toutes les directions, soit pour moitié vers l'espace et pour moitié vers le bas.

On peut empiler encore plus de couches absorbantes (des couches de gaz complètement absorbantes sont des couches de type corps noir). Il s'ensuit qu'avec N couches empilées, la puissance totale qui arrive au sol (incidente) est égale à (N+1) fois la puissance qui arriverait sans atmosphère.

La force de l'effet de serre (greenhouse strength) de l'applette Effet de Serre est égale à ce facteur (N+1). Si on sélectionne le bouton Venus dans cette applette, on constate que le pouvoir de l'effet de serre de l'atmosphère vénusienne est de 12, ce qui signifie qu'il faut 11 couches totalement absorbantes pour modéliser l'effet de serre de l'atmosphère de Vénus.

Limites de la modélisation par empilement de couches atmosphériques absorbantes

Malheureusement, la modélisation par empilement de couches noires a un inconvénient majeur : elle conduit à l'emballement de l'effet de serre. Comme la puissance incidente totale est égale à (N+1) fois la puissance reçue du Soleil, ce modèle multi-couches prédit que, pour une atmosphère suffisamment épaisse (N grand), la planète pourrait devenir plus chaude que le Soleil. Le modèle n'est alors plus valable. Il faut alors considérer que les propriétés optiques et radiatives des gaz changent lorsqu'on se rapproche d'une telle température.