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Article | 24/10/2001

Basalte, trachyte et dynamismes éruptifs

24/10/2001

Edouard Kaminski

Institut de Physique du Globe, Paris

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

La viscosité du magma et son effet sur le dynamisme éruptif.


Question

Objet : dynamismes éruptifs Date : Ma, 31 Jul 2001 08:44:19 De : Christian Robert.

« Le programme de Quatrième étudie en parallèle un basalte et un trachyte pour illustrer les roches résultant d'un volcanisme effusif et explosif. Les deux roches étant microgrenues, pouvez-vous me dire en quoi l'élève de Quatrième peut les différencier et les relier ainsi aux deux types de volcans ? »

Réponse

Résumé : Les basaltes, mises en place lors d'une éruption effusive et les trachytes, mises en place lors d'éruptions explosives, sont des roches micro-grenues, ce qui indique une vitesse de refroidissement comparable. Chimiquement, ces deux roches se distinguent par leur teneur en tétraèdres SiO4 : cette teneur est plus forte pour le magma trachytique.

Les tétraèdres SiO4, qui s'agencent en chaînes dans le magma, rendent la lave plus ou moins visqueuse. Les bulles de gaz, emprisonnées dans ce magma, subissent une décompression lors de la remontée magmatique et vont éclater plus ou moins facilement suivant cette teneur en tétraèdres.

Dans le cas du liquide trachytique, plus visqueux que le liquide basaltique, les bulles font subir une surpression à l'origine d'une violente éruption volcanique. Dans le cas du liquide basaltique, moins visqueux, les bulles montent facilement à la surface : il y a alors effusion basaltique.

Il s'agit ici d'essayer de relier ces deux roches volcaniques (basalte et trachyte) à deux dynamismes éruptifs, bien qu'elles aient toutes les deux une structure microgrenue.

Structure grenue, microgrenue et vitesse de refroidissement de la lave

L'aspect microgrenu nous renseigne sur la vitesse de refroidissement de la lave. Si il se refroidit très vite, le liquide magmatique se fige en un verre amorphe, sans cristaux. Par contre, si la lave se refroidit très lentement, on verra naître dans le liquide des cristaux qui auront eu le temps de grossir. On obtient alors une roche d'aspect grenu.

Entre les deux, pour des vitesses de refroidissement intermédiaires, on a des roches microgrenues avec des petits cristaux qui n'ont pas eu beaucoup de temps pour croître avant que la température ne soit devenue trop basse et que tout le liquide se soit figé.

Viscosité des laves et dynamismes éruptifs

Écoulement d'une lave à faible viscosité

Figure 1. Écoulement d'une lave à faible viscosité

Cliquer pour lancer l'animation.


Écoulement d'une lave à forte viscosité

Figure 2. Écoulement d'une lave à forte viscosité

Cliquer pour lancer l'animation.


  • Pour comprendre le lien entre le dynamisme éruptif et le type de roche volcanique, il faut s'intéresser à l'état de la roche au moment de l'éruption, c'est-à-dire au liquide magmatique. Si, au cours d'une éruption, on regarde comment se comporte un basalte ou une trachyte fondus, on va s'apercevoir que le liquide basaltique est moins visqueux que le liquide trachytique ; il s'écoule beaucoup plus facilement.
  • Dans la vie de tous les jours, on sait que le miel est par exemple plus visqueux que l'eau car il s'écoule moins facilement.
  • Plus on ajoute de l'eau dans du miel, plus il s'écoule vite. En effet, on diminue sa teneur en sucre en ajoutant de l'eau et c'est justement le sucre qui est responsable de la viscosité. En simplifiant, on peut dire que les molécules de sucre s'arrangent en chaînes qui rendent moins facile l'écoulement.
  • Dans le liquide basaltique ou trachytique, ce sont des tétraèdres silicatés SiO4- qui forment des chaînes et font varier ainsi la viscosité. Une trachyte contient donc beaucoup plus de silice que le basalte, le magma trachytique est donc plus visqueux.

Le lien entre viscosité et explosivité des laves

Pour faire une explosion, il faut du gaz. Or, les roches qui fondent partiellement pour donner les laves sont en général riches en eau et en carbone (apportés par les sédiments recyclés au niveau des zones de subduction par exemple).

  • Lorsque la fusion partielle a lieu, le gaz passe dans la lave sous forme dissoute, car la fusion se passe en profondeur et donc à haute pression (dans une bouteille de champagne, tant que l'on n'a pas ouvert le bouchon, tout le gaz est aussi dissout, on ne voit pas de bulles, que du liquide).
  • Lorsque la lave remonte vers la surface, la pression diminue car le poids des roches au dessus de la lave est de moins en moins fort (de même que la pression sur les oreilles diminue quand on remonte du fond de la piscine vers la surface).
  • Lorsque la pression devient assez faible, les gaz dissous s'exsolvent sous forme de bulles (on a ouvert le bouchon de la bouteille de champagne). Ce qui arrive ensuite aux bulles est fonction de la viscosité du magma.
  • Si le magma est peu visqueux, comme le liquide basaltique, les bulles remontent rapidement vers la surface car elles sont légères, et viennent éclater tranquillement à la surface. La lave, qui a perdu son gaz, remonte tranquillement et s'écoule doucement sur les pentes du volcan : on a un volcanisme effusif.
  • Par contre, si le liquide est très visqueux, les bulles n'ont pas la possibilité de remonter et restent prisonnières du liquide. La lave qui remonte vers la surface garde alors ses bulles. Mais les bulles restent cependant à leur pression initiale car elles ne peuvent se dilater en raison de la viscosité du magma, alors que la pression environnante diminue (puisque l'on remonte vers la surface). Les bulles se retrouvent ainsi en surpression par rapport à l'extérieur, comme un ballon que l'on gonflerait de plus en plus. La pression devient alors tellement forte dans le ballon qu'il explose, et il en va de même pour les bulles : elles explosent et relâchent le gaz qu'elles contenaient... Celui-ci forme un jet violent qui remonte très rapidement dans l'atmosphère, comme le jet d'une bouteille de champagne que l'on ouvre après l'avoir secouée. On a alors une éruption explosive. Ainsi, une trachyte est associée à des éruptions explosives car son magma d'origine est riche en gaz et très visqueux.

Pour illustrer cela en laboratoire, on peut verser du miel et de l'eau dans deux verres. Dans un cas, on met très peu de miel, pour avoir un liquide peu visqueux, dans l'autre cas, on en met plus pour avoir un liquide assez visqueux. On prend ensuite une paille et on injecte des bulles en soufflant à la base des verres.

  • Dans le cas du liquide peu visqueux, les bulles remontent vite à la surface où elles explosent sans faire trop de dégâts.
  • Dans le cas plus visqueux, les bulles ont du mal à monter, il faut souffler plus fort et quand les bulles finissent par éclater, c'est la catastrophe ! Le verre déborde, il y a du miel projeté partout.
Mont Saint Helens, 17 mai 1980, un jour avant l'éruption

Figure 3. Mont Saint Helens, 17 mai 1980, un jour avant l'éruption


Mont Saint Helens, 10 septembre 1980

Figure 4. Mont Saint Helens, 10 septembre 1980


Il suffit alors d'imaginer ce que ça peut donner avec les forces de la nature !