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Article | 07/10/2020

Les grands domaines géologiques de la surface de la Terre analysée à travers la carte géologique du monde

07/10/2020

Cyril Langlois

ENS de Lyon - Préparation à l'agrégation SV-STU

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Tectonique, structures et objets géologiques à l'échelle de la carte géologique du monde.


La carte géologique du Monde au 1/35 M, 3e édition révisée, 2014

Introduction

L'analyse et la compréhension du monde, surtout à l'échelle d'un pays, d'un continent ou du globe terrestre entier, passe par des cartes. Pour le géologue “de terrain”, ce sont d'abord les cartes topographiques établies par les institutions d'études géographiques (l'Institut Géographique National, en France), puis les cartes géologiques qu'ont pu établir d'autres géologues avant lui (et qu'il est parfois chargé de vérifier, amender ou rectifier), cette fois sous l'égide du Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) ou dans le cadre d'un programme de recherche. Les cartes géologiques (au sens large) superposent à la carte topographique des couches d'informations supplémentaires, sous forme d'aires colorées et de figurés. Une carte “simplement” géologique repère les différents types de roche ; aux petites échelles cartographiques (c-à-d. aux “grandes échelles” au sens commun), ce sont de grands domaines, distingués par leur nature pétrologique et donc leur mode de formation, qui seront répertoriés (roches sédimentaires, magmatiques, métamorphiques…), comme sur la carte historique de la figure 2, tracée par le jeune Charles Darwin (à l'époque plus attiré encore par la géologie que par la biologie).


Généralement, à l'information pétrologique est systématiquement associée aujourd'hui l'information chronologique (l'âge des terrains), au moyen de variantes chromatiques (différentes nuances de rouge pour les domaines magmatiques d'âges différents, par exemple) ou par l'ajout de figurés sur l'aplat de couleur (points, tirets, petites croix blanches ou noires, droites ou inclinées, etc.). Le cartographe géologue retrouve ici les recettes de l'héraldique et ses règles de superposition des couleurs et des motifs, dictées par les nécessités de la visibilité et de la lisibilité. D'autres cartes plus spécialisées distingueront plutôt des ensembles identifiables à des objets géologiques connus (graben ou rift, bassins sédimentaires, chaine de montagnes, écailles tectoniques…) et les structures linéaires qui les délimitent, les découpent et les déforment, donc les structurent (failles, chevauchements, plis…). D'autres cartes, enfine se focalisent sur le repérage d'objets géologiques particuliers : ce sont les cartes minières et de ressources géologiques, où sont repérés filons minéraux et gisements de matières premières.

La carte géologique la plus connue des enseignants français de SVT est évidemment celle de la France à l'échelle du millionième, dans sa version la plus récente remontant à 2006. Cette carte moderne est un objet très particulier, tant elle superpose d'informations. À travers ses multiples figurés, couleurs et symboles, elle permet presque de dérouler un scénario d'histoire géologique de la France sans y ajouter aucun document externe. On peut ainsi lui reprocher d'être désormais plus un modèle de référence de la géologie française et un outil pédagogique qu'un report brut et objectif d'observations concrètes.

Les cartes géologiques modernes tendent ainsi, comme celle de la France métropolitaine, à concentrer une multitude d'informations de natures différentes. La carte géologique du monde, éditée par la Commission de la Carte Géologique du Monde (CCGM / CGMW) en est un autre exemple. Elle permet d'identifier les structures des différents continents (ou des océans) et d'en dégager les similarités et les particularités, donnant ainsi une base à une reconstitution de l'histoire géologique de la surface terrestre. Cet article a pour objectif de le montrer.

La carte géologique mondiale, vue d'ensemble

L'objet

La carte géologique du monde disponible aujourd'hui est la troisième édition, d'abord éditée aux échelles du 1/25 000 000 et du 1/50 000 000, parues en 2009 et désormais épuisées. Elle a été révisée en 2014 et publiée pour l'occasion à l'échelle du 1/35 000 0000 (1 cm = 350 km), sous la forme d'une feuille unique d'1,18 m de large. La projection choisie est la classique projection de Mercator (projection sur un cylindre tangent à la Terre au niveau de l'équateur), avec pour méridien central le méridien de Greenwich. La partie médiane de la carte est donc occupée par l'Océan Atlantique, l'Europe et l'Afrique, disposition habituelle des cartes publiées en Occident. Cette projection globale est complétée en cartouche par les représentations des zones circum-polaires Nord et Sud, cette fois cartographiées en projection stéréographique centrée sur le pôle.

Un équivalent à cette carte du monde peut être obtenue sur le portail OneGeology. Il faut cependant afficher, en plus de la couche “World CGMW 1:50M Geological Units Offshore”, celle des unités marines (“World CGMW 1:50M Geological Units Onshore”), celle des plateaux océaniques (“World CGMW 1:50M Oceanic Plateau”) et des structures tectoniques (“World CGMW 1:50M Structural”).

La carte vue de loin

Vue dans son intégralité, sur un mur, on perçoit nettement sur cette carte :

  • une nette dichotomie entre la répartition ordonnée et régulière des couleurs dans les régions correspondant aux fonds océaniques, en grandes bandes parallèles, et un patchwork de tâches sur les continents, nettement moins organisé ;
  • une dominante de couleurs vert-orangé-jaune, représentatives de terrains relativement jeunes (attribués au Phanérozoïque) et de nature sédimentaire ;
  • plusieurs masses isolées, les plus larges en tons roses, correspondant à des régions très vieilles (cratons), d'autres un peu plus petites, soit bleu-violet soit cramoisies, repérées dans la légende comme des « provinces magmatiques », d'autres enfin encore plus petites, rouge vif, principalement situées dans des régions montagneuses (Amérique du Sud, chaine alpine au sens large).

Les grandes masses d'origine magmatique

Les cratons continentaux

Les continents montrent à l'affleurement, ou en soubassement des roches plus récentes et décelables par forages et par sismique, des masses de roches très anciennes, constituées de gneiss (gneiss gris, TTG) et de roches basiques (ceintures de roches vertes). Ces zones qui n'ont plus subi de remaniement depuis au moins un milliard d'années sont appelés cratons (figure 5). Leurs portions les plus vieilles, archéennes (plus de 2,5 Ga) ne représentent que 7 % de la croute continentale. Les régions où les cratons affleurent directement sont appelés boucliers (figure 3), tandis que les parties périphériques cachées sous des formations plus jeunes sont qualifiées de plateformes cratoniques (figure 4). Un exemple assez simple à analyser est celui de l'Amérique du Nord, où l'on voit assez bien 1°) qu'autour de reliques archéennes (rose foncé) se placent des ceintures paléo-protérozoïques (rose clair) issues d'orogenèses très anciennes, et 2°) que les terrains plus récents sont, en gros, disposés en périphérie, avec d'abord des sédiments sur les “plateformes” (Grandes Plaines des États-Unis, partie occidentale du Canada avant les Rocheuses) et ensuite des chaines de montagnes phanérozoïques (Appalaches à l'Est, Rocheuses à l'Ouest) à l'extérieur.

Cette organisation se retrouve plus ou moins sur le bouclier scandinave, avec la plaine russo-polonaise à l'Est et en périphérie les chaines calédonienne côté Nord-Ouest, varisque et alpine au Sud, de l'Oural à l'Est. C'est également le cas sous la Sibérie russe, mais beaucoup moins visible, car la couverture sédimentaire recouvre presqu'entièrement les terrains précambriens.

On peut souligner que ces zones de lithosphère continentale très stables sont par conséquent relativement froides (faible gradient géothermique, faible flux de chaleur en surface), à croute épaisse (peu soumise à des extensions récentes, le Moho se situe à 40 km de profondeur ou plus sous ces régions, cf. figure 6) et à manteau lithosphérique épais (isotherme 1300°C profond). En conséquence, ces régions sont rigides, peu déformables, et c'est pourquoi, depuis le début du Protérozoïque et l'apparition de la tectonique des plaques telle qu'elle fonctionne toujours aujourd'hui, les déformations, qui s'effectuent sur les bordures du noyau continental, se sont décalées de plus en plus vers l'extérieur. C'est aussi ce qui explique la localisation de certaines structures que l'on pourra signaler ensuite, comme par exemple le lac Baïkal (bassin interprétable comme un pull-apart, qui s'ouvre en périphérie du craton sibérien), ou encore la position plus ou moins superposée des chaînes varisque et alpine (rifting et fermeture s'effectuant plus facilement dans les zones déjà déformées précédemment, en périphérie des cratons).

Répartition des roches continentales les plus anciennes, archéennes et protérozoïques, et dénomination des principaux cratons

Modèle de profondeur de la discontinuité de Mohorovičić

Figure 6. Modèle de profondeur de la discontinuité de Mohorovičić

Les profondeurs maximales se trouvent sous les chaines récentes où la croute est doublée, sous les calottes glaciaires qui appuient sur le continent et au niveau des cratons.


Les grandes provinces magmatiques et les alignements volcaniques

En bleu-violet dans les océans, et en cramoisi sur les continents, sont figurés sur la carte géologique mondiale de grands épanchements de roches volcaniques, principalement des basaltes tholéiitiques (empilés en couches formant des « traps »). Ces régions sont qualifiées de provinces magmatiques géantes ou de plateaux océaniques pour ceux situés sur croute océanique. Pour deux de ces provinces, celle de l'Atlantique central (CAMP) et celle de Sibérie, la carte délimite par des contours en tirets rouges leur extension initiale supposée, largement supérieure aux éléments affleurants. [Sur la carte mondiale du portail OneGeology, par contre, les figuré en tirets rouge de la couche “World CGMW 1:50M Structural” indiquent les anciennes dorsales océaniques aujourd'hui inactives]. Les provinces magmatiques continentales cartographiées portent aussi l'âge de leur mise en place. À ces provinces se rattachent des alignements volcaniques qui aboutissent, la plupart du temps, à un volcan actif isolé, dit de point chaud (figure 7).

Les laves différenciées de ces volcans de point chaud appartiennent à la lignée alcaline, ce qui indique une fusion partielle faible et profonde d'un matériel mantellique. Les très grands épanchements basaltiques sont interprétés, sur la base d'expériences analogiques et numériques de diapirisme, comme le produit de l'arrivée, sous la lithosphère, de la “tête” d'un panache mantellique, soumis à une large fusion partielle par décompression. Les volcans de point chaud représentant alors les émissions beaucoup plus faibles issues de la “queue” du panache.


La carte mondiale montre encore que plusieurs points chauds, notamment dans l'Atlantique, se trouvent à proximité immédiate d'une dorsale, et les épanchements de traps se retrouvent alors dispersés de part et d'autre de l'océan (traps du Parana et petits traps de Namibie (Etendeka) liés au point chaud de Tristan da Cunha, basaltes du Groenland et d'Écosse liés à l'Islande, province CAMP disséminée sur le Brésil, l'Afrique, l'Amérique du Nord, le Sud de l'Europe… figure 7). Il est possible que l'arrivée des têtes de ces panaches ait contribué à amincir la lithosphère continentale et fragiliser la croute, facilitant ensuite l'ouverture océanique à leur niveau. On peut ainsi passer aux contextes de divergence, en passant auparavant sur les grandes étendues sédimentaires (dont certaines sont reliées à des contextes divergents).

Les grandes plaines sédimentaires

Ces étendues sédimentaires, qui correspondent à de grandes surfaces ne comportant que quelques couleurs sur la carte (marron-vert-jaune, principalement), recouvrent évidemment des “socles” plus anciens, mais peuvent être considérés comme des “ensembles”. Par contre, toutes n'ont pas la même origine tectonique. Les plus vastes sont intra-cratoniques, peu subsidentes (Amérique du Nord, Eurasie, Australie, Afrique, cf. figure 8), d'autres sont des bassins flexuraux (bassins d'avant-pays) liés aux ceintures orogéniques que l'on abordera plus loin (Mésopotamie, plaine indo-gangétique, Amérique du Sud à l'Est des Andes).

Les plaines du Nord de l'Amérique, de la Sibérie, de l'Afrique sont des étendues sédimentaires reposant sur des socles précambriens ou paléozoïques. Leur remplissage est lié à une subsidence de type “subsidence thermique”, par refroidissement et épaississement de la lithosphère continentale (épaississement du manteau lithosphérique dense, induisant un enfoncement par isostasie). Dans certains cas, comme le Bassin Parisien, la subsidence a pu être accentuée par une phase d'étirement précédente, ayant produit un rift et une remontée de matériel dense, détectable par les enregistrements gravimétrique et magnétique (c'est l'une des interprétations proposées pour la grande anomalie magnétique du Bassin Parisien, figure 9).

Exemple des bassins sédimentaires africains


Les régions en divergence

Les dorsales et leur segmentation

Comme on l'a déjà remarqué plus haut, la carte géologique mondiale traite différemment les océans et les continents : sur les premiers, elle indique l'âge des basaltes de la croûte océanique (qui est aussi l'âge des premiers sédiments sus-jacents), en se basant sur la localisation des anomalies magnétiques et les âges fournis par l'échelle chronostratigraphique internationale. Elle montre donc simplement les pans de lithosphère océanique datant de chaque période de l'échelle chronostratigraphique : de la dorsale vers les marges datant du Quaternaire, Néogène, Paléogène, Crétacé récent, Crétacé ancien, dans quelque cas Jurassique récent. On observe donc facilement la symétrie des âges par rapport aux reliefs que constituent les dorsales, et la notion de divergence océanique est évidente.

On note aussi la différence de superficie d'une époque donnée (p. ex. le Néogène), qui différencie l'Atlantique à expansion lente du Pacifique d'ouverture plus rapide, et la corrélation inverse de ces vitesses d'ouverture avec le nombre de failles transformantes (beaucoup de failles dans l'Océan Atlantique, lent, peu dans le Pacifique, rapide). On peut ainsi préciser rapidement le fonctionnement de la dorsale Pacifique (relief étendu latéralement, nombre réduit de failles transformantes, chambres magmatiques allongées, raccordées entre elles par des OSC (Overlapping Spreading Centers), production d'une croute océanique relativement continue) et de celle de l'Atlantique (relief plus étroit, très segmenté par des failles transformantes, chambres magmatiques courtes et d'activité réduite dans le temps, constituant une “mosaïque” de structures losangiques de basaltes et de gabbros).

La plupart des livres de géologie proposent des coupes et des schémas interprétatifs du fonctionnement de ces dorsales (figure 10). On peut aussi les voir désormais par des images bathymétriques, comme celles que proposent le logiciel gratuit GeoMapApp.

Les dorsales ne sont jamais continues, mais découpées par des failles verticales dont la sismicité indique un jeu décrochant, mais de sens opposé au décalage apparent des segments de dorsale, en raison de l'expansion océanique (figure 10). Ces failles transformantes ne décalent pas à postériori les segments de dorsale, mais raccordent des tronçons de dorsale initialement décalées lors de la déchirure continentale (figure 10). Ces tronçons sont apparus dans des régions de moindre résistance de la lithosphère continentale, leur disposition est donc liée à 1°) la localisation des cratons, très résistants, et 2°) au fait que les régions aient préalablement été amincies et affaiblies par des processus tels que la percée d'un point chaud (qui est probablement elle aussi influencée par la disposition des zones cratoniques).

Les failles transformantes, leur origine et leur fonctionnement

Figure 10. Les failles transformantes, leur origine et leur fonctionnement

Sismicité, mouvement entre deux segments de dorsale, mise en place et mouvement des failles transformantes.

Sources : cartes GeoMapApp ; W. Frisch (2010), Plate tectonics, Springer ; Boillot et al. (2008), Introduction à la géologie, Dunod.

Voir aussi d'autres schémas, illustrations et exemples dans l'article Les failles transformantes : définition, géométrie et illustration.


Marges passives, rifts et fossés d'effondrement

Les surfaces océaniques que l'on vient de décrire se rattachent aux continents par des régions délimitées par une ligne bleue, qui marque le passage supposé de la lithosphère océanique à la lithosphère continentale. Lorsque ces marges ne sont pas constituées par une fosse (marges passives), le passage de l'océan au continent s'effectue par un talus en pente, qui rejoint le plateau continental, représentée en blanc cassé et correspondant sur la carte aux profondeurs comprises entre 0 et −200 m.

On remarque que les marges passives ne sont pas toutes présentées à l'identique ; certaines comportent des hachures bleues qui signalent des structures particulières, repérées par sismique-réflexion, les SDR (Seaward-Dipping Reflectors). Ces SDR sont interprétés comme des empilements de coulées de lave basculés lors de l'ouverture de l'océan et l'étirement de la marge. Ils indiquent une marge passive volcanique, c'est-à-dire une marge ouverte dans une zone précédemment affectée par un volcanisme important, de type point chaud, qui correspond aux provinces magmatiques et aux points chauds vus précédemment (p. ex. côte de l'Argentine et de la Namibie/Afrique du Sud, correspondant au point chaud de Tristan da Cunha et aux traps du Paraña et de Namibie). D'autres marges ne comportent pas de SDR et sont “purement” passives. Les marges passives, volcaniques ou non, correspondent à une lithosphère continentale étirée, amincie, dont la partie crustale supérieure cassante est découpée en blocs basculés limités par des failles normales, et plus ou moins recouvertes de sédiments issus du continent (figure 11).

Coupes schématiques à travers trois types de marges continentales

Figure 11. Coupes schématiques à travers trois types de marges continentales

Marge continentale divergente A) hyper-amincie (type Ibérie) ; B) marge grasse à intrusions magmatiques (ex. Golfe de Californie) ; C) marge volcanique à sous-placage magmatique et épanchements volcaniques ( p. ex. Groenland, Europe NO, Australie NO).


Bien qu'elles ne représentent que de petites surfaces, mais qu'elles se repèrent facilement, on peut encore repérer rapidement quelques structures divergentes non, ou très partiellement, océaniques, correspondant à des régions intra-continentales en extension ou étirées :

  • le rift Est-africain (“océan avorté”, sans lithosphère océanique – contrairement à la Mer Rouge voisine – mais marqué par du volcanisme et occupé par les grands lacs Victoria, Tanganyika et Malawi),
  • le lac Baïkal, interprété comme un bassin en pull-apart le long de la grande structure globalement décrochante qui va du Tien Shan jusqu'à la mer d'Okhotsk (par une série de failles et de reliefs en échelons), en longeant le craton sibérien : le lac Baïkal se trouve justement au bord du craton et peut s'expliquer par un “saut” de la déformation décrochante, entre un segment Sud-Ouest et une faille située plus au Nord-Est.

Les structures décrochantes continentales, “transformation” du mouvement

Après le cas du lac Baïkal, structure transtensive sur un grand décrochement, cette section nous permet de relier divergence et convergence tout en examinant les grandes failles décrochantes, qui, par “transformation” du mouvement, relient deux contextes : divergent-divergent dans le cas des failles transformantes océaniques déjà vues, divergent-convergent pour les failles décrochantes comme la faille du Levant (entre Mer Rouge au Sud et chaine du Zagros au Nord), la faille Nord-Anatolienne (collision Arabie-Asie et extension égéenne), la faille du Fleuve Rouge (entre convergence Himalayenne et ouverture de la mer de Chine). Ces failles nous conduisent ainsi aux régions en convergence.

Les ceintures déformées : convergence générale, réponses régionales

Fosses de subduction et arcs volcaniques

Les régions en convergence les plus étendues sont celles marquées par la présence d'une fosse océanique profonde, linéaire, bordée par des reliefs volcaniques. Ce sont les fosses de subduction intra-océaniques et les arcs volcaniques associés, issus du magmatisme produit par l'hydratation du coin mantellique sus-jacent à la plaque subduite. Rappelons rapidement la que la structure de ces régions peut être communément illustrée par des données choisies (mécanismes au foyer, cartes gravimétriques) et des images classiques (coupe d'une subduction, localisation de la déshydratation des minéraux dans le panneau plongeant).

On remarque que tous les arcs volcaniques ne sont pas de même nature. Certains sont intra-océaniques (subduction océan-océan), ce qui signifie que leur substratum est une croute océanique, modifiée par l'intrusion de magma tholéiitique à calco-alcalin. D'autres sont à substratum continental, soit au sein d'un continent émergé (les volcans des Andes), soit sur un lambeau continental détaché du continent par l'ouverture d'un bassin d'arrière-arc.

Bassins d'arrière-arcs

Plusieurs subductions sont associées à une plaque sus-jacente portant un large bassin, souvent immergé. La carte géologique du monde montre que, dans certains cas, une dorsale est apparue en arrière de l'arc volcanique, à l'opposé de la fosse, preuve que la plaque supérieure est en extension même si sa marge, soulignée par un prisme d'accrétion et l'arc volcanique, est localement comprimée et que le contexte d'ensemble est une convergence de deux plaques. Ces bassins extensifs, dits d'arrière- arcs, sont nombreux et liés mécaniquement à la subduction, raison pour laquelle on les aborde dans cette partie. Dans le détail, tous ces bassins d'arrière-arcs ne s'ouvrent pas par un mouvement d'étirement pur, dans une direction perpendiculaire à la subduction ; certains correspondent à des cinématiques transtensives, voisines de celles d'un pull-apart, entre des failles décrochantes décalées ou entre faille décrochante et subduction : ainsi la mer d'Okhotsk peut s'interpréter comme le résultat du mouvement dextre du décrochement qui traverse le Kamtchatka et de la subduction du Pacifique au niveau des iles Kouriles puis du Japon.

Les bassins d'arrière-arcs les plus caractéristiques sont associés à la subduction du Pacifique Ouest (mer du Japon, bassin des Fidji, figure 12), des Philippines (mers de Chine de l'Est et de Chine du Sud, mer des Célèbes), et à la subduction indonésienne (mer de Java). On peut y inclure aussi les bassins méditerranéens : mer tyrrhénienne, bassin liguro-algérien, mer Égée, ou encore le bassin pannonien émergé.

Les bassins marginaux du Pacifique

D'autres cas de bassin en arrière d'une subduction sont plus difficiles à qualifier de bassin d'arrière-arc ou de mer marginale. C'est notamment le cas de la mer des Caraïbes : en effet, la plaque des Caraïbes est essentiellement occupée par un grand plateau volcanique, daté de 90 à 78 Ma d'après la carte mondiale. La lithosphère Nord-américaine qui passe sous la plaque Caraïbe est datée du Crétacé, donc d'un âge comparable. Néanmoins, on peut penser que la plaque Caraïbes existait avant la subduction, puisque le plateau volcanique s'y est déposé. La formation de la plaque Caraïbes ne serait donc pas directement liée à la subduction.

Cordillères, chaines de collision et bassins associés

Les subductions à plongée vers l'Est (Andes, Rocheuses) ne sont pas associées à des bassins arrière-arc, mais au contraire à des chaines de montagnes : la convergence provoque une compression générale. C'est également le cas lorsque la subduction océanique a été remplacée par le contact de deux lithosphères continentales, qui se chevauchent (subduction continentale) et se juxtaposent ou s'interpénètrent, bloquant la poursuite de la subduction (collision : Inde-Asie, Arabie-Asie, Afrique du Nord-Ibérie).

Les chaines de type cordillère correspondent à une compression produite par la subduction d'une lithosphère océanique sous une lithosphère continentale (Andes Sud-américaines, Rocheuses). Dans le détail, les Andes sont plus compliquées, puisque certaines parties correspondraient à l'accrétion de plateaux océaniques (cf. Debelmas, Mascle et Basile, 2008). Les chaines de collision, elles, impliquent la rencontre de deux lithosphères continentales (collision Inde-Asie, Arabie-Eurasie). La compression et la différence de compétence des deux lithosphères induit alors, en plus de l'orogenèse, des effets à longue distance, l'expulsion (extrusion) de blocs continentaux vers les “bords libres” que représentent les subductions périphériques (extrusion des blocs chinois et indochinois vers l'Est, extrusion de l'Anatolie vers l'Ouest).

C'est aussi l'occasion d'aborder les bassins flexuraux, ou d'avant-pays, qui se forment à l'avant des chaines de montagnes par flexure de la lithosphère sous le poids de la chaine, et sont alimentés par les produits d'érosion des reliefs, à mesure qu'ils se forment. Un bassin flexural peut se trouver sur la plaque continentale qui passe sous l'autre (cas du Bassin du Gange-Indus sur la plaque indienne, du bassin mésopotamien sur la plaque Arabie, du bassin molassique suisse), ou sur la plaque chevauchante lorsque la compression est telle que la chaine de montagnes est poussée sur la plaque chevauchante, en “rétro-chevauchement” (cas des Andes sur le bouclier brésilien).

Plus généralement, les orogenèses peuvent induire la formation de divers types de bassins (flexuraux, intra-montagneux associés aux failles décrochantes, type bassins houillers varisques, etc.) et les alimentent en même temps (figure 13).

Les bassins sédimentaires induits et alimentés par la collision Inde-Asie

Figure 13. Les bassins sédimentaires induits et alimentés par la collision Inde-Asie

Bassin flexural molassique du Gange-Indus ; bassin intra-montagneux, également flexuraux, du Qsaidam, du Tarim, de Jungar. La majeure partie des sédiments gagne l'océan et aboutit à former les cônes sédimentaires des grands fleuves, dont ceux de l'Indus et du Gange-Brahmapoutre (Bengale). Ce dernier représente le plus volumineux ensemble sédimentaire actuel : près de 4000 km de longueur, 22 km d'épaisseur près de l'embouchure du Gange, soit un volume d'environ 28.106 km3.


Bibliographie

Scott E. Bryan, Luca Ferrari, 2013. Large igneous provinces and silicic large igneous provinces: Progress in our understanding over the last 25 years, GSA Bulletin 125.7-8, p.1053-1078 issn : 0016-7606 (article libre d'accès)

Jacques Debelmas, Georges Mascle, Christophe Basile, 2008. Les grandes structures geologiques – 5e éd., Dunod, Sciences Sup, 336p, EAN : 9782100513598

Olivier Dauteuil, Jacques Boufette, Félix Toteu, 2009. Visages du continent africain. Éléments de géologie africaine, CCGM, 48p + CD ROM (English version available:The changing faces of Africa)