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Article | 15/01/2003

Commentaire simplifié de la carte géologique d'Annecy au 1/250 000

15/01/2003

Pierre Thomas

ENS-Lyon

Stéphane Schwartz

BRGM Orléans

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Description des différentes zones alpines visibles sur la carte géologique d'Annecy, contexte géodynamique.


Question

Objet : carte d'Annecy Date : Sam, 18 Jan 2003 07:00:39 +0100 De : Pellerin.

« À propos de la carte géologique d'Annecy au 1/250 000, serait-il possible d'obtenir un commentaire de cette carte intégrant la tectonique des plaques, le commentaire livré avec la carte datant de 1980 ? En effet, je me suis servie de cette carte pour enseigner la collision aux élèves de Terminale S dans le cadre des nouveaux programmes car elle me semblait la plus adaptée à ce que l'on nous demandait. »

Réponse

Cette carte est en effet excellente, mais elle a 25 ans. On peut y voir de nombreux objets géologiques (plis, chevauchements, discordances ...), les descriptions de la notice sont bonnes, mais certaines informations ne se voient pas sur la carte, ou ne sont que sommairement traitées dans la notice, en particulier le métamorphisme, l'appartenance des différentes zones à la plaque africaine ou européenne...

Reprenons la notice actuelle (en indiquant le numéro des pages), et intégrons les différentes zones d'Ouest en Est dans le contexte de la subduction et de la collision alpine.

La zone jurassienne (p. 6)

Il s'agit de la plateforme européenne qui n'a pas été soumise à l'extension d'ouverture, mais qui est affectée par le raccourcissement.

La zone dauphinoise et annexe (p. 7 à 15)

C'est le bord de la plaque Europe (la marge) qui a subit l'étirement contemporain de l'ouverture de l'océan alpin. On y trouve bien sûr un substratum (socle = massifs cristallins externes) anté-ouverture, et une couverture anté, syn ou post-ouverture. Un volcanisme triasique, contemporain du début de l'étirement y est visible.

La zone valaisane (p. 15 à 17)

C'est un microbassin à lithosphère océanique ou continentale très amincie, avec des restes de socle continental, d'ophiolites et couvertures. Ce bassin est largement ignoré par la géologie française car il affleure peu en France. Cette zone est dans le faciès métamorphique des schistes bleus (qui traduit le début de l'enfoncement-subduction, suivi d'une remontée)

Les zones briançonnaises et associées (p. 17 à 24)

Il s'agit du socle (croûte continentale ancienne) surmonté d'une couverture à Trias épais et Jurassique + Crétacé réduits. Probablement un horst (haut fond) de la marge européenne situé à l'Est de la marge « classique » (Dauphinoise). Un petit quart de cette zone, notamment dans la région de Briançon, n'est pas métamorphisé. Les 3/4 de la zone (couverture et socle) sont métamorphisés dans le faciès schiste bleu (enfoncement-subduction, suivi d'une remontée).

La zone piémontaise ou des schistes lustrés (p 24 à 31)

En excluant les paragraphes appelés « socles anciens = massifs cristallins internes »). Les schistes lustrés (et quelques autres sédiments) correspondent au remplissage sédimentaire de l'océan alpin. Les ophiolites correspondent à la lithosphère océanique « endogène ». Le massif de Lanzo (p 35 et 36) n'est qu'une ophiolite normale, bien qu'elle ait beaucoup plus de péridotites que de basaltes et gabbros. Cette zone pourrait donc s'appeler zone océanique.

À l'exception notable du Chenaillet et de ses environs immédiats, tout cet ensemble est en faciès schistes bleus (à l'ouest) ou éclogite (à l'est). 0 l'exception du Chenaillet donc, tout l'océan, couverture et ophiolite, a subducté, et est remonté. Un affleurement (sur le versant italien du Cervin) contient de la coésite, montrant qu'une partie au moins de ces roches éclogitiques a subducté a une profondeur supérieure à 100 km (et est remonté depuis). Le faciès éclogitique est daté surtout du début du tertiaire (quelques âges Cretacé sup. ont aussi été obtenus).

Les massifs cristallins internes (Dora Maira, Grand Paradis, Mont Rose) (p. 24 à 26)

Ce sont des fragments de continent (européen probablement), sans doute une ancienne marge continentale bien amincie par l'ouverture océanique, emballée dans les schistes lustrés et les ophiolites (contacts exclusivement tectoniques). Ces 3 massifs sont en faciès éclogitique (avec coésite pour le massif de Dora Maira). Ces 3 fragments continentaux ont donc subducté au moins jusqu'à 100 km, et sont remontés. L'âge du faciès éclogite est daté du début du tertiaire (avec quelques âges Crétacé supérieur).

La zone de Sesia (p. 31)

Il s'agit de la marge continentale africaine métamorphisée dans le faciès éclogite. La subduction de la plaque européenne a donc entraîné en profondeur une partie de la croûte continentale africaine (elle est remontée depuis). L'âge de l'éclogitisation est Crétacé supérieur.

La zone d'Ivrée (p. 35)

C'est un fragment de la marge africaine non subductée et peu déformée par la collision. On voit surtout la partie crustale de cette marge africaine, avec un très beau métamorphisme permo-triasique (et éventuellement jurassique inf.), associé à l'extension et au réchauffement dû à l'étirement continental et à l'ouverture de l'océan alpin.

Les klippes (Dent Blanche principalement) (p. 31 et 32)

C'est l'équivalent de la zone d'Ivrée, mais charrié vers l'ouest, sur la zone océanique. Ces klippes n'ont quasiment pas subi de métamorphisme associé à la subduction-collision (en dehors du métamorphisme très précoce associé à l'ouverture, cf zone d'Ivrée). Elles n'ont donc pas été subductées. Elles sont posées sur la zone océanique, qui elle est éclogitique. Les nappes sont donc arrivées sur un océan qui avait déjà subducté et était déjà remonté.

À propos du Montferrat (p. 36-37)

Il est possible que les élèves retrouvent dans ce secteur les plis observés dans la zone jurassienne. De quoi s'agit-il exactement ?


On pourrait penser qu'il s'agit de la couverture sédimentaire de la plaque africaine affectée par le raccourcissement, c'est-à-dire l'équivalent africain de la zone jurassienne pour la plaque européenne. Il s'agit bien de la couverture africaine (apulienne), mais cette couverture est chevauchée vers le Nord. De plus, entre la chaîne alpine et le Montferrat, il y a la plaine du Pô, gigantesque zone subsidente. Le Montferrat est en fait l'extrémité Nord Ouest de la chaîne des Apennins, chaîne plus récente que les Alpes, et dont l'interprétation en terme de tectonique des plaques est complexe.