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Article | 15/01/2002

Modélisation de l'inondation post-glaciaire du détroit de Béring - Animation à partir des données géospatiales

15/01/2002

Marc Desmet

Université de Chambéry

Benoît Urgelli

ENS de Lyon

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Évolution post-glaciation du niveau des mers et de la bathymétrie du détroit de Béring.


Source : Manley, W.F., 2002, Postglacial flooding of the Bering Land Bridge: a geospatial animation, INSTAAR, University of Colorado. Pour toute utilisation des animations en contexte scolaire ou universitaire, faire référence à l'auteur. Copyright © 2003 INSTAAR, University of Colorado.

Figure 1. Animation grande taille

(624 x 630 pixels, 3,8 MB)


Figure 2. Animation petite taille

(374 x 378 pixels, 1,6 MB)


Résumé

Les données du Système d'Information Géographique (SIG) ont été utilisées pour créer une animation montrant l'évolution de la bande de terre du détroit de Béring après le dernier maximum glaciaire, il y a 21 000 ans. Le niveau marin global était à cette époque à -120 mètres par rapport au niveau marin actuel.

La bande de terre était à cette époque une vaste plaine de toundra assurant un passage entre l'Asie et l'Amérique du Nord. Lorsque les glaciers mondiaux ont commencé à fondre durant le millénaire suivant, l'élévation du niveau marin a entraîné l'inondation de cette bande de terre, bloquant la route migratoire pour les hommes, la faune et la flore de l'époque. Cette animation utilise les meilleurs données numériques disponibles actuellement et montre à grande échelle l'évolution des lignes de rivages au cours de l'inondation de la bande de terre du détroit de Béring. La bathymétrie et la topographie sont représentées avec un intervalle de temps de 1 000 ans.

Objectifs et exploitations possibles :

L'animation a été créée pour assister les chercheurs qui travaillent sur les changements climatiques et environnementaux et sur les migrations de populations humaines, de flore, et de faune sur le continent américain après le dernier maximum glaciaire. Elle présente un intérêt pédagogique et peut être utilisée dans le contexte scolaire ou pour sensibiliser le grand public sur les conséquences environnementales des variations du niveau marin.

État des connaissances scientifiques

Voici un résumé des connaissances scientifiques acquises sur ce thème en trente ans de recherche.

Il y a 21 000 ans, les glaciers recouvraient la plupart de surfaces continentales situées dans les hautes latitudes du nord de l'Amérique, de l'Europe et de l'Asie. L'eau emprisonnée dans les glaces a causé une baisse du niveau marin de 120 mètres par rapport à son niveau actuel (Clark and Mix, 2002). Durant des milliers d'années, le détroit de Béring a pris l'aspect d'une vaste zone de basses terres permettant de passer de l 'Est de la Sibérie à l'Alaska (Hopkins et al., 1982). Cette plaine recouverte de toundra, avec quelques arbrisseaux éparpillés et des étangs peu profonds, a été soumise à des hivers froids, secs et ventés, caractéristiques d'un climat continental (Elias et al., 1996, 1997).

Cette bande de terre a constitué un corridor de migration pour de nombreux êtres vivants (comme le Mammouth laineux, Mammuthus primigenius).


De 14 000 à 12 000 ans, les premières populations humaines entrèrent dans le nord de l'Amérique (paléoindiens) par le détroit de Béring (Dixon, 2001 ; Yesner, 2001).

À la fin de cette glaciation, la fonte des glaces provoqua une remontée du niveau marin qui inonda les terres de Béring. La connexion entre les deux continents fut perdue il y a 11 000 ans, lorsque le niveau de la mer atteint la valeur de -48 mètres par rapport au niveau marin actuel. Un détroit apparaît alors entre la mer de Béring et la mer des Chukchi.

L'ancienne bande de terre se transforme peu à peu en un milieu marin peu profond en bordure de vastes zones continentales.

Même si on dispose actuellement d'une bonne compréhension globale de l'évolution de la région de Béring, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour dater précisément l'élévation du niveau marin, l'apparition du détroit de Béring, les migrations humaines et animales vers le nouveau monde, et pour comprendre l'origine des variations climatiques associées.

Vous trouverez un exemple des activités de recherches en cours dans le dossier Marine Climate and Relative Sea Level across Central Beringia, et sur l'article de Brigham-Grette et al., Investigating the paleoclimate of an Arctic gateway (2003).

L'analyse de données spatiales de type SIG (Systèmes d'Information Géographique) sont également en cours et devraient permettre de suivre l'évolution future des surfaces terrestres dans le détroit de Béring.

L'analyse de la bathymétrie dans cette région permettra également de comprendre à quelle vitesse s'est modifiée la surface des terres émergées en corrélation avec la remontée du niveau marin depuis la dernière glaciation :

Variation de surface de la bande de terre de Béring en fonction de la remontée du niveau marin

Figure 4. Variation de surface de la bande de terre de Béring en fonction de la remontée du niveau marin

Il y a 21 000 ans, quand le niveau de la mer était 120 mètres plus bas, la bande de terre couvrait approximativement 2 215 000 km2. Puis, au cours de la remontée du niveau marin, la surface de la bande de terre a diminué graduellement.


Distribution de la surface de terre de Béring en fonction de la bathymétrie

Figure 5.  Distribution de la surface de terre de Béring en fonction de la bathymétrie

Environ la moitié (48 %) de cette surface est située actuellement entre 25 et 55 m de profondeur.


Les incertitudes sur les données

Les animations, cartes et graphiques qui sont présentés ici sont des documents préliminaires comprenant les incertitudes liées aux mesures bathymétriques, aux reconstitutions des variations du niveau marin et aux changements de bathymétrie liés à la déglaciation.

Dans la figure 2 par exemple, la courbe de variation du niveau marin n'est pas une courbe des variations locales mais une courbe des variations globales. Une courbe plus précise et régionale sera déterminée à partir des données radiocarbone extraites des carottages marins, dans le cadre du projet financé par la National Science Foundation : Marine Climate and Relative Sea Level across Central Beringia.

De même, les données bathymétriques de la figure 2 ne sont pas très bien définies. Des artéfacts et des erreurs verticales sont présents dans les données sources ETOPO2.

Enfin, dans l'animation, on ne prend en considération ni les mouvements verticaux de la lithosphère (d'origine tectonique ou isostasique), ni la sédimentation ni l'érosion, chacun pouvant affecter la morphologie du fond océanique, pendant que le niveau marin augmente. En d'autres termes, les vitesses de ces phénomènes étant inconnus, l'incertitude bathymétrique peut se traduire par une incertitude temporelle de +/- 1 500 ans.

Quoiqu'il en soit, vu l'échelle temporelle et spatiale qui est utilisée dans les animations, les représentations de l'évolution de la plaine de Béring sont acceptables.

À propos des données du Système d'Information Géographique (SIG) et de leur traitement informatique

Les techniques classiques du SIG ont été utilisées pour modéliser l'inondation de la plaine de Béring, en appliquant la courbe présumée de variation du niveau marin sur des données numériques de bathymétrie correspondant au fond océanique actuel.

La première étape a consisté à la création un modèle numérique de terrain (Digital Elevation Model (DEM)) incluant la bathymétrie. Les coordonnées proviennent de la base de données ETOPO2 et ont été converties dans un système de projection de type Mercator avec une résolution spatiale de 2 kilomètres.

L'animation a été créée en utilisant plusieurs logiciels (MFWorks, Graphic Converter et Fireworks). Les lignes de rivage ont été dessinées à partir du niveau marin actuel et de celui correspondant à -120 m. Les niveaux marins sont connus sur un intervalle de temps de 1 000 ans et ont été déterminés à partir de la courbe eustatique générale déduite de l'histoire des coraux de la Barbade (Bard et al., 1990 ; Lambeck et al., 2002 ; Peltier, 2002).

Les données du modèle DEM ont été converties en fichiers tif avec un gradient de couleur permettant de distinguer les différences topographiques et bathymétriques. Puis, après conversion en images de format jpeg, elles ont été intégrées dans une séquence animée et exportée sous la forme d'un fichier vidéo de type Quicktime movie.

Bibliographie

Bard, E., Hamelin, B., and Fairbanks, R.G., U/Th ages obtained by mass spectrometry in corals from Barbados: Sea level during the last 130,000 years, vol. 346, pp. 456-458, Nature, 1990.

Brigham-Grette, J., Keigwin, L., and Driscoll, N., Investigating the paleoclimate of an Arctic gateway, vol. 48, pp. 20-23, Geotimes, 2003.

Clark, P.U., and Mix, A.C., Ice sheets and sea level of the Last Glacial Maximum, vol. 21, pp. 1-7, Quaternary Science Reviews, 2002.

Dixon, E.J., Human colonization of the Americas: timing, technology, and process, vol. 20, pp. 277-299, Quaternary Science Reviews, 2001.

Elias, S.A., Short, S.K., Nelson, C.H., and Birks, H.H., Life and times of the Bering land bridge, vol. 382, n° 6586, pp. 60-63, Nature, 1996.

Elias, S.A., Short, S.K., and Birks, H.H., Late Wisconsin environments of the Bering Land Bridge, vol. 136, pp. 293-308, Palaeogeography, Palaeoclimatology, and Palaeoecology, 1997.

Hopkins, D.M., Matthews, J.V., Schweger, C.E., and Young, S.B., eds., Paleoecology of Beringia, Academic Press, New York, NY, 1982.

Lambeck, K., Yokoyama, Y., and Purcell, T., Into and out of the last glacial maximum: sea-level changes during oxygen isotope stages 3 and 2, vol. 21, pp. 343-360, Quaternary Science Reviews, 2002.

Peltier, W.R., On eustatic sea level history: Last Glacial Maximum to Holocene, vol. 21, pp. 377-396, Quaternary Science Reviews, 2002.

Yesner, D.R., Human dispersal into interior Alaska: antecedent conditions, mode of colonization, and adaptations, vol. 20, pp. 315-327, Quaternary Science Reviews, 2001.