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Article | 15/07/2002

Espèce fossile ou ancêtre commun ?

15/07/2002

Cyril Langlois

Laboratoire Paléoenvironnements & Paléobiosphère, Univ. Claude Bernard - Lyon 1

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les problèmes de filiations entre les fossiles anciens et récents : filiation directe ou ancêtre commun ?


Question

Sujet : Ancêtre commun programme de TS Date : Dim, 14 Jul 2002 12:13:42 De : b.p.

« Nous sommes plusieurs professeurs de SVT à nous interroger sur le sens d'une phrase du programme de TS. Pouvez vous nous éclairer sur les notions qui se cachent derrière ces quelques mots : "Une espèce fossile ne peut être considérée comme la forme ancestrale à partir de laquelle se sont différenciées les espèces postérieures". »

Réponse

Résumé

Une espèce fossile ne peut être considérée comme la forme ancestrale à partir de laquelle se sont différenciées les espèces postérieures car l'approche actuelle de classification phylogénétique est basée sur la méthode cladistique : on rapproche les espèces (ou plus généralement les taxons) les unes des autres sur la base des caractères dérivés, ou évolués, qu'ils ont en commun. Et comme toute espèce a des caractères qui lui sont propres, et que les autres n'ont pas (ce qui permet de les différencier), les espèces comparées seront toujours placées sur deux branches distinctes, avec un ancêtre commun, mais inconnu.

Plus en détails

Supposons deux fossiles, appelé « ancien » et « récent ». La phrase en question signifie simplement que l'on n'a jamais la certitude que l'espèce fossile ancienne a réellement été l'ancêtre d'une autre espèce postérieure, "récente", même si ces deux formes présentent de nombreux traits en commun.

Pour simplifier, on peut considérer l'espèce ancienne de deux manières.

On peut la considérer comme un représentant d'un ensemble d'espèces, proches phylogénétiquement et sans doute, par conséquent, morphologiquement. Parmi cet ensemble, une espèce a effectivement été l'ancêtre de l'espèce plus récente, mais on ne peut certifier que c'est vraiment l'espèce que l'on a trouvée, et pas une de ses « cousines ».

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Figure 1. Agrandir l'image



Un exemple archi-classique : au XIXe, on avait peu de fossiles D'équidés (chevaux), et ceux que l'on connaissait montrait une augmentation de taille et une réduction des doigts des pattes du plus ancien au plus récent. On imaginait donc une filiation directe entre ces quelques fossiles, ce qui collait bien aussi avec l'idée de l'époque d'évolution « directionnelle », tendant à « optimiser » les organismes, du petit mammifère coureur éocène, Hipparion, à « la plus noble conquête de l'Homme », le cheval actuel, pour caricaturer.

Depuis, on a trouvé plusieurs espèces ou genres supplémentaires, et pour certaines périodes, comme le miocène, on sait désormais que plusieurs genres coexistaient. Parmi ceux-ci, certaines espèces, pas forcément celles connues, ont donné les formes suivantes.

On peut aussi penser que l'espèce ancienne a eu un ancêtre commun, encore plus ancien et inconnu, avec l'espèce plus récente.

Dans les deux cas, cette conception vient du fait qu'il est toujours possible de trouver, sur le fossile ancien, des caractères particuliers, absents chez le fossile plus récent, et qui implique que le premier a eu, pendant un temps, une évolution différente et indépendante par rapport à l'autre espèce. Il s'est donc séparé de la « branche » qui relie le fossile récent à son « vrai » ancêtre, depuis plus ou moins longtemps.

Exemple : Tous les tétrapodes actuels ont, fondamentalement, cinq doigts. Pourtant les deux premiers fossiles de tétrapodes les plus connus, Ichtyostega et Acanthostega, du dévonien, en avaient plus (8 chez Acanthostega, à la patte arrière), et des nombres différents aux pattes avant et arrière.

Ichtyostega

Figure 3. Ichtyostega

Source : Site Geologix


Reconstitution d'Acanthostega

Figure 4. Reconstitution d'Acanthostega

Source : Alain Bénéteau © Pour La Science 2000 sur le Site Geologix.


On peut donc penser que l'ancêtre « réel » des Tétrapodes qui ont suivi avait, lui, cinq doigts, et que ce n'était par conséquent ni Ichtyostega ni Acanthostega, mais une forme voisine, qui avait forcément un ancêtre commun avec les deux fossiles connus.

Ainsi, la phrase dont vous parlez, résulte de l'approche actuelle de classification phylogénétique, basée sur la méthode cladistique. Dans cette méthode, on rapproche les espèces, ou plus généralement les taxons, les uns des autres, sur la base des caractères dérivés, ou évolués, qu'ils ont en commun. Comme toute espèce a des caractères qui lui sont propres, et que les autres n'ont pas (ce qui permet de les différencier), les espèces comparées seront toujours placées sur deux branches distinctes, avec un ancêtre commun, mais inconnu.