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Image de la semaine | 16/03/2009

Colibri fossile d'âge oligocène, le Grand Banc, Oppedette (Alpes de Hautes Provence)

16/03/2009

Antoine Louchart

Julie Carrier

Nicolas Tourment

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un oiseau fossile : colibri oligocène du bassin d'Apt.


Colibri fossile presque complet d'âge oligocène trouvé à Oppedette dans le bassin d'Apt (Alpes de Haute Provence)

Figure 1. Colibri fossile presque complet d'âge oligocène trouvé à Oppedette dans le bassin d'Apt (Alpes de Haute Provence)

Bec et os sont très visibles. La partie brune autour des os montre l'emprunte du plumage.


Dans 5 jours, le vendredi 20 mars, ce sera le printemps, le printemps de l'année Darwin. Nous allons fêter ce printemps « darwinien » avec un fossile. Si on dit qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, cet article montre qu'un colibri peut le faire.

Toutes les figures montrent tout ou partie d'un fossile de colibri (famille des Trochilidae) datant de l'Oligocène, qui a été trouvé (dans les années 1970) dans des calcaires très fins des collines situées au Nord du Luberon, et étudié par Louchart et al. (2008). Merci à M. Nicolas Tourment, propriétaire du fossile, de nous autoriser à en publier la photographie.

Tête et cou du colibri fossile d'âge oligocène trouvé à Oppedette dans le bassin d'Apt (Alpes de Haute Provence)

Figure 2. Tête et cou du colibri fossile d'âge oligocène trouvé à Oppedette dans le bassin d'Apt (Alpes de Haute Provence)

Quelques plumes isolées sont bien visibles au dessus de la tête.



Colibri actuel / colibri fossile oligocène

Il y a 30 Ma (Oligocène), la France était sous un climat voisin du climat tropical actuel, malgré sa position en latitude très voisine de sa position actuelle (le climat global de la Terre était beaucoup plus chaud que le climat actuel). En France poussaient des palmiers et abondaient crocodiles et tortues (voir les fossiles de Dallet).

Ce colibri a été enseveli à l'Oligocène dans ce que l'on appelle aujourd'hui le bassin d‘Apt (ou de Manosque). Il s'agissait d'un milieu correspondant à une lagune côtière subissant quelques incursions marines lors de tempêtes (présence de siphonophores pélagiques). Sa préservation est exceptionnelle, on peut observer son squelette presque complet ainsi que son plumage (zone sombre autour du corps), avec même quelques plumes individuelles visibles au-dessus de la tête. Il est identifié comme appartenant au genre éteint Eurotrochilus ; c'est un colibri, mais il montre des différences ostéologiques par rapport aux colibris modernes.

Cadre géologique du gisement (ovale rouge) où a été trouvé le colibri d'âge oligocène, bassin d'Apt

Figure 5. Cadre géologique du gisement (ovale rouge) où a été trouvé le colibri d'âge oligocène, bassin d'Apt

Des sédiments oligocènes (diverses teintes de rose) essentiellement lagunaires (avec incursions marines) reposant directement sur du Crétacé inférieur (en vert).


Carte géologique montrant le bassin oligocène d'Apt (teintes rose) au pied du Luberon

Figure 6. Carte géologique montrant le bassin oligocène d'Apt (teintes rose) au pied du Luberon

Le fossile de colibri a été trouvé dans la zone entourée de rouge.



Les oiseaux fossiles sont rares dans ces localités du Sud de la France, mais elles ont tout de même livré un cormoran, un trogon, un ibis, des limicoles, un coucou ancien et des passereaux… Par ailleurs, de nombreux poissons, tortues, crustacés, mollusques, insectes et amphibiens y ont été découverts depuis le XIXe siècle. Cette petite merveille de site paléontologique correspond à ce que l'on appelle un « lagerstätt », un gisement montrant une grande qualité de préservation et où quasiment tous les grands groupes sont représentés. De tels gisements exceptionnels permettent quasiment de faire de la paléo-biologie en étudiant non seulement des dents éparses ou des os disjoints, mais surtout des organismes complets, avec parties molles et organes parfois bien conservés.

Parmi ses caractéristiques importantes, le colibri du Luberon montre déjà les différenciations anatomiques d'un nectarivore : bec allongé et appareil hyoïde de grande taille permettant de supporter la langue protractile. De plus, ses proportions et son plumage ont déjà une apparence très moderne ce qui le fait ressembler de manière surprenante aux individus de la sous-famille actuelle des Trochilinae ou vrais colibris. Des particularités ostéologiques montrent aussi qu'il pouvait pratiquer le vol sur place maîtrisé par les colibris actuels.

Le plus surprenant dans cette découverte n'est pas la présence de cet oiseau à cette latitude (car des colibris nichent actuellement jusqu'en Alaska), mais plutôt le continent où il a été retrouvé. Le groupe des colibris actuels contient 328 espèces qui vivent exclusivement en Amérique (du Nord, Centrale, ou du Sud). Trois colibris fossiles ont été trouvés en Europe et bien décrits depuis 2004 alors qu'aucun spécimen fossile n'est connu sur le continent américain. Tous trois datent de l'Oligocène et ont été découverts en Allemagne, en France puis en Pologne. Le spécimen français est actuellement celui qui est le mieux conservé. Les colibris seraient-ils apparus en Europe ? À suivre…

Pour en savoir plus, consulter la publication originale : Louchart A., Tourment N., Carrier J., Roux T., Mourer-Chauviré C. 2008. Hummingbird with modern feathering: an exceptionally well-preserved Oligocene fossil from southern France. Naturwissenschaften 95: 171-175. doi : 10.1007/s00114-007-0309-0.