Image de la semaine | 10/11/2008
Discordance hercynienne dans la salle de la Verna, gouffre de la Pierre Saint Martin (Arette - Aramits - Sainte Engrâce, Pyrénées Atlantiques)
06/10/2008
Résumé
Une discordance spectaculaire mais d'accès restreint : Crétacé / Primaire dans la salle de la Verna.
Nous avons vu, il y a quelques semaines, la discordance Éocène/Cambrien à Minerve dans la Montagne Noire. Plus au Sud, où le socle primaire et sa couverture sont exhumés par les Pyrénées, la discordance hercynienne est également visible au contact des terrains du Crétacé Supérieur (Cénomanien à Campanien) dits « calcaires des canyons » qui reposent directement sur socle hercynien plissé, anté-carbonifère terminal. Cette discordance n'est pas toujours aisée à voir dans les paysages de montagne, modelés pas les glaciers et tapissés d'éboulis. Elle est en revanche bien visible sous terre, dans les galeries karstiques creusées dans les calcaires du Crétacé Supérieur, au contact du socle : c'est le cas dans la gigantesque salle de la Verna du réseau souterrain de la Pierre Saint Martin. Cette salle découverte en 1953 est située à 734m de profondeur de l'entrée naturelle connue à l'époque (Gouffre de la Pierre St Martin, puits Lépigneux). Depuis, un tunnel, creusé par EDF dans le but de capter le torrent souterrain, permet d'y accéder plus facilement depuis la vallée.
Les figures 3 à 7 présentent quelques images prises par plusieurs spéléologues, illustrant la discordance et le gigantisme de cette salle souterraine.
La salle de la Verna est la plus grande salle souterraine de France et la dixième plus grande au monde. Ses dimensions de 245m x 242m x 194m ont même permis aux élèves de Polytechnique d'y réaliser un vol en ongolfière (de 25m de hauteur) !
La réalisation d'un MNT (modèle numérique de terrain) par lasergrammétrie3D a permis d'en modéliser le volume proche de 4 millions de m3 : la Verna pourrait contenir deux fois Notre Dame de Paris en hauteur ! La micro centrale hydroélectrique VERNA, inaugurée en 2008 à Sainte Engrâce, est alimentée grâce à un barrage présent dans la salle de la Verna qui permet de détourner une partie de l'eau de la rivière souterraine.
Le réseau souterrain de la Pierre Saint Martin se développe sur le massif de la Pierre Saint Martin, sur les communes d'Arette, Aramits et Sainte Engrâce dans les Pyrénées Atlantiques. Il possède plusieurs entrées naturelles.
Une grande partie de ces vides karstiques se développe au niveau de la discordance Crétacé supérieur– socle hercynien. Les eaux de surface s'infiltrent rapidement dans la dalle calcaire par des galeries verticales, puis s'écoulent au contact de la discordance sur les terrains hercyniens peu perméables en dissolvant les calcaires crétacés.
Dans le cas de la salle de la Verna, le socle hercynien est localement composé de calcaires dévoniens. Grâce à la position et à la nature des remplissages de la galerie Aranzadi, perchée 100 m au-dessus de la salle de la Verna, on sait que la rivière s'écoulait il y a environ 200 000 ans dans cette galerie, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Comment s'est donc formée la salle de la Verna ? Les eaux de la rivière souterraine ont infiltré les calcaires dévoniens du socle en les dissolvant peu à peu. Les nombreux vides karstiques ainsi crées ont abouti à un effondrement important entre 194 000 et 211 000 ans, à l'origine du vide imposant actuel.
La salle de la Verna est donc liée à une capture hydrologique par l'intermédiaire d'une « doline d'effondrement souterraine » dans le socle. Les eaux de la rivière sont maintenant drainées dans les calcaires dévoniens du socle vers d'autres galeries souterraines, à ce jour non reconnues.
Cette discordance est également visible dans le paysage, certes de façon moins évidente mais plus accessible, comme le montrent les images suivantes.
Merci à Frédéric Verlaguet pour ses clichés de la Salle de la Verna, à Serge Caillaux ( Spéléo Magazine) pour les images de la mongolfière, à la société ATM3D pour l'image du MNT avec Notre Dame de Paris, à R.Maire pour la photographie panorama du Pic de Soum Couy et aux membres de l'ARSIP pour l'utilisation des données topographiques spéléologiques, et à Jean-François Godart du Centre Départemental de Spéléologie des Pyrénées Atlantiques pour des précisions toponymiques et hydroélectriques.
Bibliographie et Web :
- R.Maire, 1990. La haute montagne calcaire, Karstologia Mémoire n°3
- le magazine Spéleo Mag
- le site d'ATM3D
- le site de l'ARSIP
- le Géoportail
- Google Earth
- le BRGM
- Un site personnel sur les grandes salles