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Article | 21/10/2011

Distribution bimodale des altitudes et mobilité horizontale (dérive) des continents

21/10/2011

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Histoire de la tectonique des plaques : en quoi la distribution bimodale des altitudes milita en faveur du mobilisme.


Approche historique de la tectonique des plaques au lycée

Dans les programmes 2011 de première scientifique, toute une partie est consacrée à la tectonique des plaques avec une approche historique. On y trouve, par exemple, un item indiquant : « Au début du XXème siècle, les premières idées évoquant la mobilité horizontale s'appuient sur quelques constatations : la distribution bimodale des altitudes (continents/océans) ; les tracés des côtes ; la distribution géographique des paléoclimats et de certains fossiles ». Nous avons été questionné à de nombreuses reprises pour savoir comment cette bimodalité des altitudes indiquait une mobilité horizontale.

L'analogie avec des pièces de puzzle permet rapidement de comprendre les arguments "tracés des côtes" ainsi que "paléoclimats" et "fossiles". Si, sur une table, on sépare deux pièces contiguës d'un puzzle, la continuité initiale des deux pièces se retrouvent par les formes complémentaires des pièces ("côtes"), ainsi que par les images coupées (zones de distribution des "fossiles"). Une pièce de puzzle initialement au centre de la table (climat équatorial) peut se retrouver sur les bords (climat polaire). Par contre, il ne saute pas au yeux que la distribution bimodale des altitudes (altitude des pièces, d'une part, et altitude de la table, d'autre part) soit un argument montrant que les pièces étaient préalablement jointives. En effet, à partir de pièces de puzzle initialement jointives dont on a retiré un certain nombre, ou bien en disposant au hasard des pièces sur la table, on obtient la même distribution des altitudes (pièces / table) et, là, il n'y a eu aucune mobilité horizontale... même s'il est possible d'avoir des "côtes" complémentaires (si les bordures de deux pièces séparées sont de formes identiques) et une impression de continuité de l'image (larges taches de couleur, contour flous...). La distribution bimodale des altitudes sur Terre n'est donc pas une preuve de mobilité horizontale. Alors, les concepteurs et rédacteurs du programme ont-ils commis une erreur (ce que personne n'ose même concevoir), ou bien l'explication de nombreuses questions réside-t-elle dans une lecture un peu rapide d'un texte, un programme d'enseignement, nécessairement concis et élusif ?

La distribution des altitudes sur Terre

La deuxième moitié du XIXème siècle voit l'avènement de projets de pose de câbles transocéaniques. Pour cela des campagnes de mesure de profondeur au moyen de câbles sondes sont menées. Transporter un câble sonde de quelques kilomètres n'est rien par rapport à l'exploit du Great Eastern qui mit en place le premier câble télégraphique transatlantique de 3200 km entre l'Irlande et Terre-Neuve en 1866. La connaissance, d'abord assez grossière, des profondeurs océaniques sur certains tronçons compléta les connaissances topographiques continentales et permit d'aborder la distribution des altitudes à l'échelle du globe. La première représentation sous forme d'une courbe hypsométrique "moderne" est le fruit d'Otto Krümmel en 1897.

Courbe hypsométrique de la surface de la Terre, d'après Krümmel

Figure 1. Courbe hypsométrique de la surface de la Terre, d'après Krümmel

En ordonnée, l'altitude ou la profondeur considérée au-dessus ou en dessous du niveau de la mer ("Meeresspiegel"). En abscisse, de gauche à droite, la surface terrestre cumulée en millions de kilomètres carrés.

Cette courbe cumulative montre deux paliers importants illustrant la distribution bimodale des altitudes sur Terre. La hauteur moyenne des continents ("Mittlere Höhe des Landes") est d'environ 800 m, la profondeur moyenne des océans ("Mittlere Meerestiefe") est d'environ 3800 m. Le niveau moyen de la croûte terrestre ("Mittleres Krustenniveau") est donné à titre indicatif (-2200 m) pour montrer qu'il ne correspond pas à un palier significatif (on n'a pas une distribution unimodale autour de cette valeur moyenne).

Cette représentation "moderne", aujourd'hui classique, de Krûmmel est une courbe cumulative. La surface terrestre cumulée présente à 10 km de profondeur est quasi-nulle (point de départ en bas à droite). Plus on "remonte", plus la surface totale comprise entre -10 km et une profondeur (altitude) donnée augmente. Par exemple, la surface terrestre de profondeur comprise entre -10 km et -5 km représente environ 60 millions de km2. On utilise désormais plus classiquement un axe des abscisses gradué en pourcentage de la surface terrestre (515 millions de km2), graduation plus facilement lisible dans les deux sens.

Source : A. Wegener, 1929. Die Enstehung der Kontinente und Ozeane, figure 7, chapitre 4


La distribution des altitudes sur Terre

Figure 2. La distribution des altitudes sur Terre

Ce diagramme, autre mode de représentation de la distribution des altitudes, montre le pourcentage de la surface terrestre solide occupé par des terrains d'altitudes données. Les altitudes sont regroupées par tranches de 1 kilomètre. Pour se limiter à des valeurs significatives, les tranches extrêmes intègrent les valeurs maximales peu représentées. La tranche 4-5 km d'altitude comprend donc les terrains allant de 4 km à 8850 m (maximum pour l'Everest), et la tranche 5-6 km de profondeur les planchers océaniques allant de 5 à 11 km (maximum dans la fosse des Mariannes).

La répartition des altitudes montre une distribution bimodale, les deux modes (pics de fréquence) étant 4-5 km de profondeur (océans) et 0-1 km d'altitude (continents).

L'altitude moyenne en milieu continental (croûte continentale) est de l'ordre de 840 m. En milieu océanique (croûte océanique), la profondeur moyenne est de l'ordre de 3800 m.

Schéma d'après les données de la littérature


Dans le cadre des conceptions du XXIème siècle, on a en tête le modèle croûte / manteau à l'équilibre isostatique, les variations d'altitude peuvent s'y expliquer de deux manières différentes non exclusives mais complémentaires.

Selon un modèle de type Airy (1801-1892) proposé au milieu du XIXème siècle (bien avant Wegener donc), on explique deux altitudes différentes par la présence de matériaux de même densité (même nature géologique) mais d'épaisseurs différentes "flottant" sur le manteau. Deux planches de bois de même essence mais d'épaisseurs différentes flottent sur l'eau, mais la planche la plus épaisse dépasse plus du niveau de l'eau. Ce modèle convient bien pour expliquer les chaînes de montagnes dont l'altitude plus élevées résulte d'une épaisseur accrue de la crôute continentale.

Selon un modèle contemporain de type Pratt (1809-1871), deux altitudes différentes s'expliquent par la présence de matériaux de densités (natures) différentes. Deux plaques de même épaisseur, l'une de bois, l'autre de polystyrène expansé, flottent mais la plaque de polystyrène, moins dense, dépasse plus de l'eau. Bien sûr, si on mêle matériaux différents et épaisseurs différentes, on retrouve des altitudes variables. Avec une connaissance limitée des surfaces solides continentales (granitoïdes, densité de l'ordre de 2,7) et océaniques (basaltes, densité de l'ordre de 2,8 à 2,9), la bimodalité des altitudes sur Terre, séparant milieux océanique et continental, reflète, entre autres, la nature différente des substrats reposant sur le manteau (densité de l'ordre de 3,3).

Les connaissances actuelles permettent de préciser que cette différence de nature est accompagnée d'une différence d'épaisseur : crôute océanique basaltique dense de 0 à 7 km d'épaisseur et croûte continentale granit(oïd)ique "moins" dense d'une épaisseur moyenne de 35 km.

En l'état des connaissances de ce début de XXIème siècle, la distribution bimodale des altitudes sur Terre est le reflet d'une différence fondamentale de nature et d'épaisseur entre la croûte océanique et la croûte continentale. Le seul fait que l'océan Atlantique Sud possède sur un substrat basaltique mince n'induit pas qu'il y a eu séparation des blocs continentaux Amérique du Sud et Afrique. Mais replaçons-nous un siècle plus tôt, avec les connaissances et modèles de l'époque, pour accueillir cette observation importante qu'est la distribution bimodale des altitudes sur Terre.

La distribution bimodale des altitudes et les modèles du début du XXème siècle

Au début du XXème siècle, on connait l'existence d'une croûte continentale (sial (ou sal), roche riche en silicium et aluminium) et d'un manteau (sima, roche riche en silicium et magnésium). La nature du sima reste très conjoncturelle (basaltique, péridotitique…). On sait seulement qu'il est (comme on dirait aujourd'hui) basique ou ultrabasique. On n'a pas beaucoup d'idées sur la nature des fonds océaniques. On sait par contre que la pesanteur varie très peu qu'on la mesure (à altitude constante) au-dessus des océans ou au-dessus des continents (montagnes comprises). C'est ce qui avait conduit Pratt et Airy à proposer leurs deux modèles d'isostasie.

Au début du XXème siècle, les mouvements géologiques envisagés sont des mouvements verticaux. L'explication dominante de ces mouvements engendrant des différences d'altitude à la surface de la Terre est la contraction thermique de la Terre qui aboutit à une surface ridée, comme l'est la surface d'une pomme desséchée, avec des creux (océans) et des bosses (montagnes). Des mouvements horizontaux sont connus (plis, nappes de charriage …) mais apparaissent comme secondaires et conséquences des mouvements verticaux, ou du moins dérivant de la géométrie sphérique de la Terre en contraction.

Illustration de la contraction thermique de la Terre

Figure 3. Illustration de la contraction thermique de la Terre

Le refroidissement de la Terre entraînerait une diminution de son volume, donc de sa surface. Celle-ci, solide, serait donc mise sous compression, induisant un plissement à l'origine des chaînes de montagnes (bosses) et des vastes dépressions (creux) constituant les océans.

D'après : Livre de Géologie de classe de 4ème, V. BOULET, 1925, modifié


La contraction thermique de la Terre peut aboutir à une surface ridée si cette dernière a un comportement globalement ductile (se plie mais ne rompt point). Les mouvements verticaux peuvent aussi être expliqués par des effondrements de blocs, donc dans le cadre d'un comportement fragile, le long de failles. Les blocs effondrés peuvent être submergés ; un milieu exondé et continental devient alors une mer ou un océan.

À l'époque de Wegener les ponts continentaux, ou isthmes, sont l'explication donnée pour expliquer les continuités faunistiques, floristiques et paléogéographiques de part et d'autre d'un océan. Ces isthmes auraient permis une continuité terrestre, aujourd'hui disparue suite à leur effondrement et à leur submersion. Isthmes et disparition de continents sont alors relativement populaires puisque les percements des isthmes de Panama et de Suez (et leurs scandales financiers) sont d'actualité et que le mythe de l'Atlantide, décrit par Platon dans son Timée et son Critias, est régulièrement à l'origine de travaux et de publication ; citons, entre autres, Le Roman de l'Atlantide de Frantze Calef en 1885, La Véritable histoire de l'Atlantide de F. Butavand en 1925, et Bibliographie de l'Atlantide et des questions connexes de Jean Gattefosse et Claudius Roux en 1926.

Les travaux de Mohorovicic en 1909 ont montré une forte discontinuité de vitesse sismique (appelée, depuis, moho) à la base de la croûte continentale, indiquant une discontinuité chimique et physique entre un matériau superficiel, le sial, et un matériau sous-jacent plus dense, le sima. Les travaux de Pratt et Airy, présentés 50 ans plus tôt, sont donc confortés : une croûte superficielle "flotte" sur un matériau plus dense.

Dans l'hypothèse d'une contraction thermique de la Terre ou dans celle d'effondrements de blocs continentaux, la croûte terrestre est partout de même nature et montre des altitudes variables du fait de déformation ductiles et/ou fragiles. Dans le cas d'une contraction thermique engendrant des ondulations de surface, la distribution des altitudes devrait montrer une distribution unimodale centrée sur la valeur moyenne : les altitudes des bosses et des creux se répartissent de part et d'autre de l'altitude moyenne. Dans l'hypothèse d'effondrements, deux cas sont possibles : enfoncement « à épaisseur constante » de fragments de croûte ou enfoncement dû à un amincissement de la croûte solide superficielle (Airy). Ces deux processus n'engendrent pas de distribution particulière des altitudes.

Ainsi, la distribution bimodale des altitudes, si elle ne démontre pas la mobilité horizontale des continents, est un argument en défaveur des hypothèses de contraction thermique et d'effondrements de blocs continentaux, c'est ce que Wegener met en avant pour proposer son modèle. Les deux pics d'altitude, s'expliquent aisément si on admet que les substrats continentaux et les océaniques sont de nature et de densité différentes, ce qui propose le modèle d'isostasie de Pratt. Pour Wegener et les mobilistes, les continents de sial reposent sur un matériau plus dense, le sima, qu'il suppose avoir une viscosité plus faible que le sial (Wegener parle de brai, sorte de poix, qui a un comportement cassant quand on le déforme vite, mais un comportement visqueux si la déformation est lente). L'image proposée par Wegener est celle d'icebergs flottant sur l'eau : « les continents et les sols sous-océaniques constituent deux couches distinctes de l'écorce terrestre qui se comportent – en grossissant un peu notre image – comme des icebergs tabulaires et l'eau qui les baigne ». Pour Wegener et beaucoup de ses partisans, il n'y a même pas de croûte sensu stricto sous les sédiments océaniques, mais simplement le sima, comme il n'y a que de l'eau liquide entre et sous les icebergs.

Modèles fixistes et distribution des altitudes

Figure 4. Modèles fixistes et distribution des altitudes

Trois façons de faire des « bosses » (continents et montagnes) et des « creux » (remplis par l'eau de mer) dans un cadre fixiste. g indique la gravité normale, g+ et g- les gravités plus fortes ou plus faibles que devraient engendrer ces modèles. Le sima est en vert, le sial en rose, et l'eau de mer en bleu.

Modèle fixiste 1. Dans cette première variante, ce sont des ondulations du sial (= croûte continentale) qui engendrent les différences d'altitude. Ce modèle n'explique pas la bimodalité des altitudes (qui seraient réparties en « gaussienne » de part et d'autre d'une altitude moyenne), ni la quasi-constance de la gravité à la surface du globe. En effet, les différences de masse sous les bosses et les creux devraient entraîner des différnences de gravité, ce qui n'est pas le cas.

Modèle fixiste 2. Dans cette deuxième variante, des blocs de sial sont plus ou moins effondrés. À moins d'imaginer qu'un processus géologique (mais lequel ?) « règle » l'effondrement avec une valeur constante, il n'y a aucune raison d'avoir une bimodalité des altitudes. De plus, ce modèle n'explique en aucun cas la gravité quasi-constante à la surface du globe, la gravité devant être d'autant plus faible que l'enfoncement a été important. Enfin, ce modèle suppose que le sima est suffisamment déformable pour qu'on ait pu y enfoncer des blocs de sial. Mais quand on enfonce un radeau qui flotte dans un substrat déformable, il remonte quand cesse la force d'enfoncement. En plus de trouver un processus géologique « enfonceur », il faudrait en trouver un autre qui empêche la remontée... ce que personne ne proposait à cette époque.

Modèle fixiste 3. Dans cette troisième variante, les différences d'altitude sont dues à des différences d'épaisseur du sial, sans que cela fasse varier la gravité en surface (modèle d'Airy). Mais la bimodalité des altitudes impose de trouver un processus géologique entraînant une bimodalité des épaisseurs du sial au lieu d'une variation « aléatoire » de cette épaisseur.


Modèle mobiliste de Wegener pour expliquer la dérive des continents

Figure 5. Modèle mobiliste de Wegener pour expliquer la dérive des continents

Pour Wegener, la couche de sial est d'épaisseur constante (aux montagnes près). Mais le sial ne recouvre pas toute la Terre, et le sima affleure au fond des océans. Le sial peut se rompre, et ces morceaux dériver sur le sima à la manière de panneaux de banquise ou d'icebergs tabulaires dérivant sur l'océan. Ce modèle explique la bimodalité des altitudes et la quasi-constance de la gravité.


Malheureusement, aucun moteur physiquement réaliste n'est proposé par Wegener pour expliquer la dynamique de la dérive des "continents-icebergs" sur le "sima-eau". Les scientifiques de l'époque réfutèrent donc les propositions de Wegener (observations expliquées par un modèle dynamique simple, mais absence d'explication réaliste pour expliquer ce dynamisme) et continuèrent à défendre le modèle de contraction thermique (modèle dynamique simple... mais n'expliquant pas les observations).

La révélation d'une distribution bimodale des altitudes sur Terre n'a pas suffit à convaincre les fixistes, mais elle reste un argument majeur mettant au même niveau les thèses fixistes et mobilistes. En effet, mobilisme et fixisme deviennent alors deux modèles également incomplets, le mobilisme peinant à trouver un moteur aux mouvements même si la physique statique explique les observations, alors que le fixisme propose un moteur simple mais qui n'explique pas les observations topographiques et gravimétriques.

Distribution de la profondeur du plancher océanique et tectonique des plaques

L'étude des profondeurs océaniques a encore joué un rôle dans le développement et l'acceptation du modèle d'accrétion océanique. En effet, des études topographiques le long de coupes dorsale - fosse océanique couplées à des datations magnétiques et paléontologiques le long de ces transects ont montré une évolution régulière de la profondeur du plancher océanique depuis la dorsale à lithosphère "jeune", peu profonde, mince et peu dense jusqu'à la fosse océanique à lithosphère "vieille", profonde, et dense. Cette évolution s'explique par l'épaississement de la lithosphère océanique, par refroidissement de l'asthénosphère sous-jacente, depuis son lieu de "production", au cours du temps, jusqu'à sa possible entrée en subduction.

Si une distribution des altitudes fut un argument fort de la tectonique des plaques, c'est celle du plancher océanique, et c'est dans les années 1970... 40 ans après la mort de Wegener.

Différence entre la dérive des continents de Wegener et la tectonique des plaques

Dans la théorie de la dérive des continents, les icebergs-continents-sial dérivent en glissant sur l'eau-sima, qui ne participe pas au mouvement mais est simplement là comme « fluide porteur » qui accommode les déplacements. Ceci diffère de la tectonique des plaques, dans laquelle les icebergs-continents-sial sont pris dans une banquise rigide (lithosphère). C'est la lithosphère dans son ensemble qui se déplace, et les icebergs-continents suivent passivement le mouvement de la banquise-lithosphère qui les entraîne.

Illustration de distributions plurimodales

Comme Wegener, gardons le modèle icebergs flottant sur l'eau pour illustrer, ici, la distribution d'altitudes.

Commençons par quelques magnifiques images de France... au sens le plus large possible, puisqu'elles proviennent de Terre- Adélie (Antarctique).

Vue aérienne des abords de la Terre Adélie (Antarctique) en été

Figure 6. Vue aérienne des abords de la Terre Adélie (Antarctique) en été

Un glacier s'avance sur la mer, dégelée en été. Il dépasse de 40 m, c'est-à-dire qu'il mesure 400 m d'épaisseur, 40 m dépassant de la mer, et 360 m constituant la racine de l'iceberg. On a là une analogie de sial-icebergs flottant sur le sima-eau de mer.


Vue printannière de la côte de la Terre Adélie (Antarctique)

Figure 7. Vue printannière de la côte de la Terre Adélie (Antarctique)

On peut marcher sur la mer qui est encore gelée en ce début de printemps, et recouverte d'une banquise de 8 m d'épaisseur, donc dont le sommet est à 80 cm au-dessus du niveau de la mer. Le fond du paysage est occupé par un iceberg détaché d'un glacier (cf. image précédente) l'été d'avant, iceberg de 400 m d' épaisseur et dépassant de la surface de la mer de 40 m. On a là une analogie de sial-icebergs-banquise présentant 2 épaisseurs flottant sur le sima-eau de mer : un iceberg-sial épais dépassant de 40 m et une banquise-sial mince (8 m) ne dépassant que de 80 cm par rapport à l'eau de mer-sima. Dans ce cas un mécanisme simple explique la différence d'épaisseur des deux couches de glace-sial : glace de calotte glaciaire continentale, d'une part, glace de mer, d'autre part.


Fracture sur la banquise, au printemps, en Terre Adélie (Antarctique)

Figure 8. Fracture sur la banquise, au printemps, en Terre Adélie (Antarctique)

La mer est recouverte d'une banquise d'environ 8 m d'épaisseur (le personnage au fond donne l'échelle), et dont la surface est donc à 80 cm d'altitude. Des vents ou des courants d'eau sous-jacents déplacent cette banquise et peuvent la fracturer. La banquise-sial s'ouvre et laisse apparaître au fond de la fissure l'eau de mer-sima, eau de mer qui est d'ailleurs en train de regeler. On a là une analogie entre deux continents-sial se séparant et dérivant, l'espace entre les deux étant occupé par de l'eau libre-sima.

En plus de cette ouverture "droite-gauche", ce fragment de banquise a subi une compression "avant-arrière", avec chevauchements de radeaux de banquises les uns sur les autres. Ces chevauchements ont sur-épaissi la banquise. Plus épaisse, elle dépasse plus au-dessus du niveau de la mer que la banquise « normale », ce qu'on voit bien à l'arrière plan de l'image. On a là une analogie de la différence entre une croute-sial d'épaisseur normale et une croûte-sial épaissie qui génère une montagne.


On peut rechercher sur internet d'autres images de banquises et d'icebergs (en se limitant ici à celles dont les droits d'utilisation sont clairement indiqués).

La plate-forme de glace Larsen, péninsule antarctique

Figure 9. La plate-forme de glace Larsen, péninsule antarctique

Les glaciers antarctiques débouchent dans l'océan et forment des plates-formes de glace (glace de terre flottant en mer). Ces plates-formes peuvent se disloquer et former des icebergs.

On a bien, ici, une distribution bimodale des altitudes avec deux pics, l'un correspondant à l'altitude de l'océan (aux vaguelettes près), l'autre à la surface quasi-plane des icebergs (aux ondulations de surface près).


Figure 10. Icebergs issus de la plate-forme de glace Wilkins, 2008

Cette image satellite d'icebergs de la plate-forme de glace Wilkins montrent ce que Wegener envisageait pour les continents : des icebergs de sial dérivant sur un océan de sima.

On a bien, ici, une distribution bimodale des altitudes avec deux pics, l'un correspondant à l'altitude de l'océan (aux vaguelettes et débris de glace près), l'autre à la surface quasi-plane des icebergs (aux ondulations de surface près).


En faisant le tour de l'Antarctique avec Google Earth ou sur le site du Nasa Earth Observatory, on trouve de belles images montrant des distributions bi- mais aussi tri-modales. Les 3 niveaux sont : l'océan, la banquise (glace de mer gelée) et des plates-formes de glace (glace de terre débouchant dans l'océan).

Icebergs pris dans la banquise, côte de la Princesse Ragnhild, Antarctique

Figure 11. Icebergs pris dans la banquise, côte de la Princesse Ragnhild, Antarctique

Cette image (décembre 2010) montre des morceaux de plate-forme de glace pris dans la banquise. La différence d'altitude est bien visible grâce aux ombres.

La distribution des altitudes sur cette image est bimodale : surface de la banquise / surface des icebergs.


Icebergs pris dans la banquise en bordure de l'océan, côte de la Princesse Ragnhild, Antarctique

Figure 12. Icebergs pris dans la banquise en bordure de l'océan, côte de la Princesse Ragnhild, Antarctique

Cette image (décembre 2010) montre des morceaux de plate-forme de glace pris dans la banquise elle-même en débâcle. La différence d'altitude entre les deux glaces est bien visible grâce aux ombres.

La distribution des altitudes sur cette image est trimodale : surface de l'océan / surface de la banquise / surface des icebergs.


Vous trouverez de vous-même d'autres images en faisant le tour virtuel de l'Antarctique. Quelques coordonnées (avec lien éventuel vers NASA Earth Observatory) en exemples : 69°11'S-157°27'E, 65°19'S-61°53W, 69°19'S-69°58W, 74°40S-109°35W, 66°05'S-86°25'E, 69°37'S-74°57'E, 66°42'S-146°22'E, 65°30'S-126°11'E...