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Article | 20/02/2001

Tempêtes et réchauffement climatique

20/02/2001

Jean jouzel

Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement, CEA-CNRS

Emmanuel Monnier

Journaliste

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Relation entre catastrophes naturelles et réchauffement climatique.


Interview de Jean Jouzel par Emmanuel Monnier.

Ces deux dernières années ont vu s'abattre en Europe une série d'accidents climatiques majeurs. Doit-on y voir les premiers effets perceptibles du réchauffement climatique ?

Est-ce que le climat change ? La question est indépendante du réchauffement climatique, car on peut très bien imaginer que le climat change sans que la température augmente.

Ceci dit, les modèles climatiques prévoient, dans le cas d'un réchauffement global, une augmentation des précipitations en hiver aux latitudes moyennes et hautes. Et une plus grande variabilité de ces précipitations, avec plus de périodes de fortes pluies et plus de périodes de sécheresse.

Il faut reconnaître que c'est un peu ce qu'on observe actuellement. Les changements de précipitation que l'on vit actuellement correspondent aux changements auxquels on s'attend dans le cadre d'un réchauffement climatique. Mais avant de prendre ça comme un indice en soi, il faut être prudent. Disons que ce qu'on observe est compatible avec l'idée qu'on se fait d'un climat plus variable.

Qu'en est-il des violentes tempêtes que nous avons connues ?

Là aussi, restons prudents. À l'échelle du globe, il n'y a pas ce sentiment qu'il y a aujourd'hui plus de grandes tempêtes qu'il n'y en avait avant. Mais les statistiques qui concernent les grandes tempêtes, comme celles qu'on a vécues il y a un an, ou les grands cyclones tropicaux, sur l'ensemble de la planète, remontent au mieux à 40 ans. Ce sont des statistiques souvent visuelles, dont le caractère descriptif a pu changer d'un individu à l'autre.

En Europe, on a des archives plus longues. Mais, pour les historiens, ces dernières tempêtes ont beau avoir été spectaculaires, elles ne sont pas uniques. Ils en retrouvent une environ tous les cent ans.

Doit-on s'attendre à voir de telles tempêtes revenir plus fréquemment ?

Si on se projette dans le futur, dans les prochaines décennies, les modèles climatiques dont on dispose actuellement ne sont pas encore complètement adaptés à la prédiction des tempêtes.

L'idée, c'est que si le climat se réchauffe, il devrait y avoir plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère. Or toute l'énergie dans l'atmosphère est majoritairement transmise par le cycle de l'eau : il faut beaucoup de calories pour qu'elle s'évapore, mais lorsqu'elle se condense, elle en rend beaucoup.

Plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère peut donc se traduire par un temps plus instable. Mais il faut regarder un deuxième point : une tempête est aussi gouvernée par la différence de température qui existe entre les tropiques et nos régions. Plus cette différence est importante, plus il y a de tempêtes. Or en cas de réchauffement climatique, les modèles prédisent un réchauffement plus important aux hautes latitudes. Donc la différence entre tropiques et moyennes latitudes pourrait diminuer. Ce qui pourrait contrecarrer l'augmentation de la vapeur d'eau.

Si on regarde dans le passé, on a le témoignage d'énormes tempêtes dans les glaces polaires lors du dernier épisode glaciaire, il y a 20.000 ans. On voit dans ces glaces, au Groenland, vingt fois plus d'aérosols -de poussières- que maintenant. Deux phénomènes ont pu y contribuer : plus de déserts (dans le cas du Groenland, le désert de Gobi dans la Chine actuelle), mais aussi une circulation atmosphérique plus intense. On avait un climat plus froid, mais la différence de température entre les moyennes latitudes et les tropiques était de 10 à 15°C plus importante. Car les tropiques n'avaient pas changé de température alors que nos régions étaient de 10 à 15°C plus froides. On ne peut donc pas dire : climat plus chaud, plus de tempêtes. Tout dépendra de la différence de température qu'il régnera entre les tropiques et nos régions.