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Article | 13/11/2000

Les chlorofluorocarbures (CFC) dans l'atmosphère : dispersion et mode d'action sur l'ozone

13/11/2000

Gérard Mégie

Service d'Aéronomie, CNRS, Univ. Pierre et Marie Curie, Jussieu

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Dispersion des CFC dans l'atmosphère, mécanisme de destruction de l'ozone stratosphérique dans les régions polaires.


Dispersion des CFC dans la troposphère

Dans la troposphère, le contraste de température entre les régions équatoriales, toujours plus chaudes, et les régions polaires froides, induit, de l'équateur vers les pôles, un transport méridien que la rotation de la terre, en le déviant, transforme en circulation zonale des masses d'air, le long des parallèles. Cette circulation zonale correspond à une circulation d'Est aux basses et hautes latitudes et à une circulation d'Ouest aux latitudes moyennes, un tour complet de la Terre s'effectuant en moyenne en 2 à 3 semaines.

Les échanges entre les deux hémisphères sont limités par la "Zone de Convergence Intertropicale", dont la position est variable selon les saisons et la répartition géographique des continents. Celle-ci ne constitue cependant pas une barrière infranchissable pour les masses d'air, et le temps moyen de transfert entre l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud au sein de la ceinture tropicale est de l'ordre de l'année. On estime à 2 à 3 ans le temps nécessaire pour homogénéiser, à l'échelle du globe, un constituant émis dans une région donnée de la planète. Les CFC émis principalement dans l'hémisphère Nord et dont la durée de vie dans la basse atmosphère dépasse en moyenne 50 ans sont ainsi mélangés en 2 à 3 ans dans la basse atmosphère. Ce mélange est bien mis en évidence par les mesures effectuées au niveau de la surface qui montrent que les concentrations mesurées sont analogues du pôle Sud au pôle Nord, à quelques millièmes près.

Dispersion des CFC dans la stratosphère

Par ailleurs, et bien que les molécules de CFC soient plusieurs fois plus lourdes que l'air, les résultats des centaines de mesures faites par ballons, avions ou satellites montrent que les CFC sont réellement présents dans la stratosphère. En effet, l'atmosphère n'est pas stagnante. Les vents la brassent à des altitudes bien plus élevées que la stratosphère, à une vitesse si rapide que les molécules, en fonction de leur masse, ne peuvent se stabiliser. Les gaz tels que les CFC, insolubles dans l'eau et relativement peu actifs dans la basse atmosphère (en dessous de 10 km d'altitude) sont rapidement mélangés et atteignent ainsi la stratosphère, indépendamment de leur masse.

Les variations observées avec l'altitude des concentrations d'autres constituants confirment ce comportement général. Ainsi, le tétrafluorure de carbone (CF4, résultat principal d'un sous-produit de la fabrication de l'aluminium) est également plus lourd que l'air. Il est totalement inerte chimiquement dans la basse atmosphère, et les mesures montrent qu'il est distribué uniformément jusqu'au-delà de 50 km d'altitude. De même, les distributions verticales de plusieurs autres gaz également inertes comme les gaz rares, l'un plus léger que l'air (le néon) et d'autres plus lourds (l'argon, le krypton), ont été mesurés. Ces observations confirment à nouveau que ces gaz se mélangent de façon uniforme lors de leur ascension dans la stratosphère indépendamment de leur masse.

La destruction de l'ozone dans les régions polaires

Une diminution spectaculaire des concentrations d'ozone dans la basse stratosphère a été observée pour la première fois au début des années 1980 en Antarctique, lors du printemps austral. Ce phénomène, connu sous le nom de « trou d'ozone », est observé régulièrement depuis 1984. Son intensité s'est accrue de façon significative, si bien qu'aujourd'hui la totalité de l'ozone contenu entre 13 et 18 km d'altitude disparaît durant une période d'environ six semaines au cours des mois de septembre et d'octobre.

Ce phénomène ne peut être expliqué par les mécanismes photochimiques identifiés dans les années 1970, et responsables de l'équilibre de l'ozone stratosphérique à l'échelle globale. Il est aujourd'hui scientifiquement admis que la formation des « trous d'ozone » est liée aux caractéristiques spécifiques de la météorologie et de la dynamique des régions polaires, ainsi qu'à des processus chimiques nouveaux, qui mettent en jeu les particules présentes dans la stratosphère polaire.

Au cours de la nuit polaire, la stratosphère se refroidit du fait de l'émission du rayonnement infrarouge, que ne vient plus compenser l'échauffement dû à l'absorption du rayonnement solaire par l'ozone. Le contraste de température entre les régions polaires, où la température peut atteindre -90°C à -100°C, et les latitudes moyennes, où elle est de l'ordre de -60°C, entraîne la formation d'un courant jet zonal d'Ouest extrêmement rapide (plus de 200 km/h) appelé jet polaire, qui tourne autour d'une dépression centrée sur le pôle : le vortex.

Le jet dessine ainsi une frontière pratiquement infranchissable entre le milieu extérieur et le vortex, qui a pour effet de confiner l'air polaire pendant plusieurs mois à l'intérieur du vortex, évitant ainsi tout réchauffement par mélange avec l'air extérieur. Au retour du printemps, lorsque les latitudes moyennes se réchauffent en présence du rayonnement solaire, pour atteindre des températures de -50°C à -45°C, le gradient de température se creuse encore plus, le jet s'accélère et la circulation devient instable. On assiste alors à un renversement brutal de la circulation (appelé réchauffement brusque) où l'air froid du vortex polaire est remplacé en quelques jours par l'air chaud des latitudes moyennes. Le vortex est expulsé vers les latitudes moyennes, où il se dissout rapidement. En région polaire, la circulation d'Ouest est remplacée par une circulation d'Est, caractéristique de la période d'été.

La destruction de l'ozone en région polaire est alors le résultat d'une succession d'événements, qui se déroulent principalement en deux phases.

Une première phase, dite de "pré-conditionnement", se déroule en hiver, durant la nuit polaire. Elle correspond à des réactions chimiques à la surface des cristaux des nuages stratosphériques polaires, qui se forment dans la stratosphère. Elle a deux conséquences principales. D'une part, la transformation des réservoirs de chlore passifs, acide chlorhydrique, HCl, et nitrate de chlore, ClONO2, en chlore moléculaire Cl2 chimiquement actif, mécanisme appelé "activation des composés chlorés". D'autre part la transformation des oxydes d'azote chimiquement actifs en acide nitrique passif.

La deuxième phase se déroule au printemps, lorsque le rayonnement solaire est à nouveau présent dans la stratosphère polaire. La photo-dissociation des composés chlorés chimiquement actifs entraîne alors le déclenchement d'un cycle photochimique rapide qui détruit l'ozone, et qui ne s'interrompra que lors du réchauffement final de la stratosphère.

La différence entre les deux hémisphères

En Antarctique, le phénomène connu sous le nom de réchauffement stratosphérique final se produit en moyenne vers la fin du mois de novembre, c'est-à-dire deux mois après l'équinoxe de printemps. La stabilité du vortex de juin à novembre entraîne alors des destructions importantes d'ozone qui peuvent atteindre 70% au-dessus du continent antarctique à la fin du mois d'octobre.

Dans l'hémisphère nord, où du fait de la disposition des continents et des océans, la circulation d'Ouest autour du pôle se distord, le vortex se déplace souvent vers les plus basses latitudes et se brise même parfois à l'occasion de réchauffements dits "explosifs", qui ont pour effet de le réchauffer par mélange avec le milieu extérieur.

Contrairement à ce que l'on observe en Antarctique, plusieurs réchauffements peuvent alors se succéder au cours d'un même hiver. Le réchauffement final intervient en moyenne au mois de février, donc un mois avant l'équinoxe de printemps, et par conséquent plus de trois mois avant l'occurrence, à saison équivalente, du réchauffement final en Antarctique. Il en résulte une température de la stratosphère hivernale arctique supérieure de 12°C en moyenne à celle de l'Antarctique, et surtout une durée de l'hiver plus brève de 3 mois dans l'hémisphère Nord, où il n'est pas rare d'observer le réchauffement printanier final avant le retour du rayonnement solaire dans les régions polaires.

De ce fait les destructions d'ozone dans les régions polaires de l'hémisphère Nord sont en moyenne plus faibles que dans l'hémisphère Sud. Toutefois, depuis le début des années 1990, du fait d'hivers stratosphériques de plus en plus froids, la destruction d'ozone peut atteindre 25 à 30% sur une surface équivalente à celle du continent antarctique à la fin du mois de mars.