Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesRapport de 1995 du GIEC sur les changements climatiques et leur évolution

Article | 11/06/2003

Rapport de 1995 du GIEC sur les changements climatiques et leur évolution

11/06/2003

Jean Jouzel

Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement, CEA-CNRS-UVSQ

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Résumé sur les changements climatiques à l'intention des décideurs, établi par le groupe de travail 1 du GIEC.


Le climat a évolué depuis le siècle dernier


En un point donné, les fluctuations inter-annuelles du climat peuvent être considérables, mais l'analyse de données, météorologiques ou autres, sur de large régions et pour des périodes de quelques décennies ou plus, laissent apparaître d'importantes variations systématiques.

  • En moyenne globale, la température de surface a augmenté de 0,3 à 0,6 °C environ depuis la fin du XIXème siècle. Les données recueillies depuis 1990 et les nouvelles analyses effectuées depuis n'ont pas modifié les estimations de cette augmentation de température.
  • Les années récentes ont été parmi les plus chaudes depuis 1860 (début de la période d'instrumentation), et ce malgré l'effet de refroidissement dû à l'éruption volcanique du mont Pinatubo en 1991.
  • Les températures nocturnes ont généralement augmenté davantage que les températures diurnes.
  • Des modifications sont également observés à l'échelle régionale. Par exemple, c'est dans les régions continentales des latitudes moyennes, en hiver et au printemps, que le réchauffement climatique récemment observé a été le plus prononcé, avec un refroidissement dans certaines zones telles que l'Atlantique Nord. La quantité des précipitations s'est accrue sur les continents aux latitudes élevées de l'hémisphère Nord, surtout pendant la saison froide.
  • En moyenne globale, le niveau de la mer s'est élevé de 10 à 25 cm au cours des cent dernières années. Ce phénomène est imputable en grande partie à l'augmentation de la température moyenne du globe.
  • Les données dont on dispose sont insuffisantes pour déterminer si des fluctuations de la variabilité du climat ou des conditions météorologiques extrêmes se sont produites à l'échelle globale au cours du XXème siècle. À l'échelle régionale, il existe des indications claires de l'évolution de certaines conditions extrêmes et de certains indicateurs de la variabilité du climat (par exemple une diminution de la fréquence du gel dans diverses grandes régions et, aux États-Unis, une augmentation de la proportion des chutes de pluie dues à des phénomènes extrêmes). Certains de ces changements semblent indiquer une augmentation de la variabilité du climat, d'autres une diminution.
  • La période chaude et persistante du phénomène El Niño / Oscillation australe – phénomène à l'origine de sécheresses et d'inondations dans de nombreuses régions – observée entre 1990 et la mi-1995 a été inhabituelle par rapport à la situation au cours des 120 dernières années.

On observe une influence perceptible de l'homme sur le climat global

Toute influence de l'homme sur le climat se superpose au "bruit de fond" représenté par sa variabilité naturelle. Celle-ci résulte aussi bien de fluctuations internes que de causes externes telles que de la variabilité de l'activité solaire ou les éruptions volcaniques. Les études de détection et d'attribution s'efforcent d'établir une distinction entre les influences naturelles et celles qui relèvent de l'homme. La « détection » est l'opération consistant à démontrer qu'un changement climatique observé est hautement inhabituel au sens statistique. Cette opération ne vise pas à déterminer les motifs du changement. L'« attribution » est l'opération consistant à établir des relations de cause à effet et notamment à contrôler le bien fondé de différentes hypothèses plausibles.

Depuis la parution du Rapport de 1990 du GIEC, la distinction entre les influences naturelles qui s'exercent sur le climat et celles qui relèvent de l'homme a considérablement progressé. De tels progrès ont été accomplis en tenant compte de l'effet des aérosols soufrés en plus de celui des gaz à effet de serre. Ceci a permis d'aboutir à une évaluation plus réaliste du forçage radiatif dû aux activités humaines. Ces effets ont été intégrés dans des modèles climatiques pour obtenir des simulations plus complètes du signal climatique d'origine anthropique. En outre, des renseignements précieux sur la variabilité naturelle interne du climat, à des échelles de temps allant de la décennie au siècle, ont été obtenus grâce à de nouvelles simulations par des modèles couplés océan-atmosphère. D'autres progrès sensibles ont été réalisés en passant de l'étude des changements en moyenne globale à une comparaison des caractéristiques spatiales et temporelles entre les changements climatiques modélisés et observés.

Les résultats les plus importants obtenus en matière de détection et d'attribution sont les suivants.

  • Selon les informations limitées fournies par différents indicateurs climatiques, la température de l'air, en moyenne globale, est au moins aussi élevée au XXème siècle qu'elle ne l'a été à toute autre époque entre la période actuelle et 1400 apr. J.-C. Les données antérieures à 1400 sont trop fragmentaires pour permettre une évaluation fiable de la température moyenne du globe.
  • Pour déterminer la signification statistique de l'évolution de la température moyenne globale au cours du siècle dernier, il a été fait appel à de nouvelles évaluations de la variabilité naturelle du climat, qu'elle soit interne ou forcée par des processus externes. Ces évaluations sont fondées sur des mesures, sur des données paléoclimatiques, sur les résultats obtenus à partir de modèles climatiques simples ou complexes, et sur des modèles statistiques appliqués aux observations. La plupart de ces études ont permis de détecter des changements significatifs démontrant que la tendance au réchauffement observée n'est vraisemblablement pas uniquement d'origine naturelle.
  • Les indications récentes les plus convaincantes de l'influence de l'homme sur le climat viennent de la comparaison des caractéristiques (géographiques, saisonnières et verticales) des changements de températures observés, d'une part, et prédits, en tenant compte de l'effet combiné des gaz à effet de serre et des aérosols soufrés d'origine anthropique, d'autre part. Ces études montrent que la concordance entre ces caractéristiques s'améliore progressivement, comme on peut s'y attendre, à mesure que le signal d'origine anthropique s'intensifie. Il existe, en outre, une très faible probabilité pour qu'une telle concordance se produise par hasard, comme le résultat de la seule variabilité interne et naturelle du climat. De plus, le profil vertical du changement observé ne correspond pas à celui attendu pour les forçages solaire et volcanique.
  • Notre capacité à mesurer l'influence de l'homme sur le climat global reste limitée car le signal attendu est encore difficile à distinguer du bruit de fond lié à la variabilité naturelle, et à cause d'incertitudes sur divers facteurs importants. Ces incertitudes ont trait à l'ampleur et aux caractéristiques de la variabilité naturelle à long terme, de l'évolution temporelle du forçage lié aux gaz à effet de serre, aux aérosols et aux changements à la surface des continents, et de la réponse à ce forçage. Malgré ces incertitudes, le faisceau d'éléments disponibles suggère qu'il y a une influence perceptible de l'homme sur le climat global .

La concentration de gaz à effet de serre continue d'augmenter

L'augmentation de la concentration de gaz à effet de serre depuis l'époque préindustrielle (c'est-à-dire depuis 1750 environ) a conduit à « un forçage radiatif positif du climat » (perturbation, en Wm-2, du bilan énergétique du système sol-atmosphère) qui tend à réchauffer la surface du globe et à produire d'autres changements climatiques.

Augmentation de la concentration en CO2 dans l'atmosphère depuis l'an 800 (en ppmv)

Figure 3. Augmentation de la concentration en CO2 dans l'atmosphère depuis l'an 800 (en ppmv)

Source : Jean Marc Barnola, Laboratoire de Glaciologie, Université Joseph Fourier



Augmentation de la concentration en CO2 dans l'atmosphère depuis 1960 (en ppmv)

  • Un accroissement notable de la teneur atmosphérique des gaz à effet de serre a été observé, notamment du gaz carbonique (CO2 : accroissement de 30% environ), du méthane (CH4 : 14% environ) et du protoxyde d'azote (N2O : 15% environ) (chiffres de 1992). Cette évolution est largement imputable aux activités humaines et, pour l'essentiel, à l'utilisation de combustibles fossiles, à la modification de l'utilisation des sols, et à l'agriculture.
  • L'accroissement des concentrations de CO2, de CH4 et de N2O s'est ralenti au début des années 90. Cette variation apparemment naturelle n'est, à ce jour, pas complètement expliquée mais des données récentes indiquent que le rythme d'accroissement actuel est comparable à celui observé en moyenne pendant les années 80.
  • Le forçage radiatif direct imputable aux gaz à effet de serre à durée de vie longue est de 2,45 W.m-2. Il est dû essentiellement à l'accroissement de la concentration de CO2 (1,56 W.m-2), de CH4 (0,47 W.m-2), et de N2O (0,14 W.m-2) (chiffres de 1992).
  • De nombreux gaz à effet de serre restent très longtemps dans l'atmosphère (de plusieurs dizaines d'années à plusieurs siècles pour le CO2 et le N2O) ; ils influent sur le forçage radiatif sur des échelles de temps longues.
  • Le forçage radiatif direct lié à l'action combinée des CFC et des HCFC totalise 0,25 W.m-2. Le forçage radiatif net qui leur est imputable est, cependant, réduit de 0,1 Wm-2 environ, car ces gaz produisent une diminution de l'ozone stratosphérique qui induit un forçage radiatif négatif (refroidissement de la surface).

Tableau 1. Quelques gaz à effet de serre d'origine anthropique

 

CO2

CH4

N2O

CFCs

Unités

ppmv (partie par 106 en volume)

ppmv (partie par 106 en volume)

ppbv (partie par 109 en volume)

pptv (partie par 1012 en volume)

Avant la période industrielle (1850)

280

0,8

288

0

Actuellement

365

1,7

310

800

Accroissement annuel de la concentration

0,5%

0,5%

0,25%

4% jusqu'en 1990, 0% actuellement

Durée de séjour dans l'atmosphère

50-200 ans

10 ans

150 ans

60 à 120 ans

Concentration estimée en 2030

400 à 450

2,2 à 2,5

330 à 350

700


Prévision de l'évolution des concentrations en gaz à effet de serre

  • L'accroissement de la concentration de CFC s'est ralenti et est pratiquement nul. Ceci n'est pas le cas des HCFC. On s'attend à ce que les concentrations de CFC et de HCFC – ainsi que la diminution d'ozone que ces gaz occasionnent – diminuent sensiblement d'ici 2050 grâce à l'application du Protocole de Montréal et aux amendements et ajustements qui lui ont été apportés.
  • Jusqu'à présent, certains gaz à effet de serre à durée de vie longue (particulièrement les HFC (gaz de remplacement des CFC), les PFC et le SF6) contribuent peu au forçage radiatif. Cependant, l'accroissement de leur concentration pourrait conduire à une augmentation du forçage radiatif de quelques pour-cents au cours du XXIème siècle.
  • « Si les émissions de gaz carbonique se maintenaient approximativement à leur niveau actuel (1994), la concentration de CO2 dans l'atmosphère s'élèverait de façon pratiquement constante pendant au moins 200 ans. Elle atteindrait 500 ppmv environ à la fin du XXIe siècle, soit près du double de la concentration de 280 ppmv observée avant l'ère industrielle. »
  • Les modèles du cycle du carbone indiquent que la teneur de l'atmosphère en CO2 ne pourrait se stabiliser - autour de 450, 650 ou 1.000 ppmv - que si les émissions de CO2 d'origine humaine revenaient au niveau de 1990 d'ici respectivement 40, 110 ou 240 ans, et si elles diminuaient nettement au-dessous de ce niveau par la suite.
  • La stabilisation des concentrations dépendra davantage des émissions cumulées de CO2 d'origine humaine au moment de la stabilisation que de l'évolution de ces émissions d'ici que celle-ci soit atteinte. Ceci implique que, si les émissions restent plus élevées dans un premier temps, il faudra, pour obtenir la stabilisation des concentrations à un certain niveau, les réduire davantage ultérieurement. Selon certains des scénarios envisagés, les émissions anthropiques cumulées de 1991 à 2100 devront s'établir à 630, 1 080 ou 1.410 GtC pour que les concentrations se stabilisent à 450, 650 ou 1.000 ppmv respectivement (à plus ou moins 15% dans chaque cas). À titre de comparaison les émissions cumulées correspondantes variaient de 770 à 2.190 GtC dans les scénarios IS92 du GIEC.
  • La stabilisation des concentrations de CH4 et de N2O aux niveaux actuels exigerait une réduction des émissions anthropiques de 8 et 50% respectivement.
  • Il apparaît que, dans l'hémisphère Nord, la concentration d'ozone troposphérique due aux activités humaines s'est accrue depuis l'ère préindustrielle entraînant un forçage radiatif positif. Ce forçage, encore mal caractérisé, est évalué à environ 0,4 W.m-2 (soit 15% de celui imputable aux gaz à effet de serre à durée de vie longue). Cependant, les observations effectuées au cours des dix dernières années indiquent que cet accroissement s'est nettement ralenti ou, même, qu'il s'est arrêté.

Les aérosols d'origine humaine ont tendance à produire un forçage radiatif négatif

  • Les aérosols (particules microscopiques en suspension dans l'air) troposphériques provenant de la combustion des combustibles fossiles, de la biomasse, et de d'autres sources, ont entraîné un forçage négatif direct d'environ 0,5 W.m-2 en moyenne globale, et, probablement, un forçage négatif indirect d'une valeur comparable. Bien que ce forçage négatif soit concentré dans certaines régions et zones subcontinentales, il se pourrait qu'il ait des incidences climatiques aux échelles continentale à hémisphérique.
  • À l'échelle locale, le forçage négatif imputable aux aérosols est parfois supérieur au forçage positif dû aux gaz à effet de serre.
  • Contrairement aux gaz à effet de serre à durée de vie longue, les aérosols d'origine humaine ont une durée de vie très courte dans l'atmosphère. C'est pourquoi le forçage radiatif qui leur est imputable suit rapidement l'augmentation ou la diminution des émissions.

On s'attend à ce que le climat continue d'évoluer

Le GIEC a élaboré une série de scénarios, concernant l'évolution future des émissions de gaz à effet de serre et d'aérosols (IS92a à f). Ces scénarios reposent sur certaines hypothèses concernant la croissance démographique et économique, l'exploitation des sols, les progrès technologiques et l'approvisionnement énergétique, ainsi que de la façon dont les différentes sources d'énergie contribueront à cet approvisionnement entre 1990 et 2100. À partir de la connaissance du cycle global du carbone et la chimie de l'atmosphère, ces émissions peuvent être prises en compte pour prévoir la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre et des aérosols ainsi que la perturbation induite par rapport au forçage radiatif naturel. Les modèles climatiques peuvent être alors utilisés pour prédire l'évolution future du climat.

Les simulations de plus en plus réalistes des climats, passé et actuel, obtenues à partir de modèles climatiques dans lesquels l'atmosphère et l'océan sont couplés donnent davantage confiance dans leur capacité à prédire l'évolution future du climat. Il reste de grandes incertitudes mais celles-ci ont été prises en compte dans l'ensemble des projections de la température moyenne globale et du niveau de la mer.

Évolution prévisible de la température moyenne globale à la surface

Dans l'hypothèse du scénario moyen du GIEC (IS92a), avec la « valeur la plus probable » de la sensibilité du climat (à un doublement de la concentration atmosphérique de CO2) et la prise en compte de l'incidence de l'augmentation prévue de la concentration d'aérosols, l'augmentation prédite de la température moyenne globale à la surface est d'environ 2°C entre 1990 et 2100. Cette valeur est d'un tiers inférieure environ à la « valeur la plus probable » déterminée en 1990. Une telle différence est due essentiellement au plus faible niveau d'émissions prévu par le scénario (en particulier pour le CO2 et les CFC), à l'incorporation du refroidissement par les aérosols soufrés et à l'amélioration du traitement du cycle du carbone.

Le scénario le plus bas du GIEC (IS92c), avec une « faible » valeur de la sensibilité du climat et la prise en compte de l'incidence de la progression prévue de la concentration d'aérosols, conduit à prédire un réchauffement d'environ 1°C en 2100. Le scénario le plus élevé du GIEC (IS92e) et une valeur « élevée » de la sensibilité du climat, conduisent à prédire un réchauffement de 3,5°C environ. Dans tous les cas de figure, la rapidité du réchauffement serait probablement plus élevée qu'il ne l'a été à toute autre période depuis 10.000 ans ; cependant , à l'échelle de 1 à 10 ans, l'évolution du climat serait marquée par une variabilité naturelle importante. Les fluctuations régionales des températures pourraient être sensiblement différentes de la moyenne globale. En raison de l'inertie thermique des océans, la température n'aurait, en 2100, progressé vers son point d'équilibre que de 50 à 90% ; elle continuerait d'augmenter au-delà de cette date, même si la concentration de gaz à effet de serre s'était alors stabilisée.

Évolution prévisible de l'élévation du niveau moyen de la mer

Une élévation du niveau moyen de la mer est prévue en raison du réchauffement des océans et de la fonte des glaciers de montagne et des calottes glaciaires. Dans l'hypothèse du scénario moyen du GIEC (IS92a), avec les « valeurs les plus probables » de la sensibilité du climat et de la fonte des glaces au réchauffement, et la prise en compte de l'incidence de la progression prévue des aérosols, une élévation du niveau de la mer d'environ 50 cm est prédite entre aujourd'hui et 2100. Cette valeur est inférieure de 25% environ à la « valeur la plus probable » déterminée en 1990, en raison d'une augmentation de température prédite plus faible, mais aussi de l'amélioration des modèles climatiques et cryosphériques. Dans l'hypothèse du scénario le plus bas du GIEC (IS92c), avec des « faibles » valeurs de la sensibilité du climat et de la fonte des glaces au réchauffement et la prise en compte de l'incidence des aérosols, la prédiction d'élévation du niveau de la mer est de 15 cm environ entre aujourd'hui et 2100. Dans l'hypothèse du scénario le plus élevé du GIEC (IS92e), avec des valeurs « élevées » de la sensibilité du climat et de la fonte des glaces, on aboutit à une élévation du niveau de la mer de 95 cm environ entre aujourd'hui et 2100. Le niveau de la mer continuerait de s'élever à une allure semblable au-delà de cette date, même si la concentration de gaz à effet de serre s'était alors stabilisée. Il continuerait de s'élever après que la température moyenne globale se soit stabilisée. À l'échelle régionale, les fluctuations du niveau de la mer pourraient être différentes de la moyenne globale en raison de mouvements de terrain et de changements dans les courants océaniques.

Estimation des conséquences du réchauffement global

  • Les projections obtenues avec des modèles couplés océan-atmosphère sont plus fiables aux échelles hémisphérique ou continentale qu'à l'échelle régionale. On se fie davantage aux prévisions concernant la température qu'à celles concernant le cycle hydrologique.
  • Toutes les simulations climatiques, qu'elles tiennent compte du forçage dû à l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre et des aérosols ou uniquement du forçage dû à l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre, ont les caractéristiques suivantes : augmentation de la température de surface plus importante sur terre que sur mer en hiver ; augmentation de la température de surface maximale dans les latitudes élevées de l'hémisphère Nord en hiver ; faible augmentation de la température de surface dans l'Arctique en été ; intensification du cycle hydrologique en moyenne globale et accroissement de la quantité des précipitations et de l'humidité du sol dans les latitudes élevées en hiver. Toutes ces fluctuations s'expliquent par des mécanismes physiques identifiables.
  • En outre, la plupart des simulations, indiquent un affaiblissement de la circulation thermohaline dans l'Atlantique Nord et une réduction largement répandue de l'amplitude thermique diurne. Ces caractéristiques s'expliquent également par des mécanismes physiques identifiables.
  • Les effets directs et indirects des aérosols anthropiques ont des incidences sensibles sur les prévisions. En général, celles-ci indiquent des fluctuations de température et de précipitations de plus faible amplitude si l'on tient compte des effets des aérosols, en particulier dans les latitudes moyennes de l'hémisphère Nord. On notera que l'effet de refroidissement dû aux aérosols, loin de compenser simplement le réchauffement dû aux gaz à effet de serre, a d'importantes répercussions sur certaines caractéristiques des changements climatiques à l'échelle continentale, particulièrement apparentes dans l'hémisphère d'été. Par exemple, les prévisions obtenues à partir de modèles tenant uniquement compte des effets des gaz à effet de serre indiquent un accroissement de la hauteur des précipitations et de l'humidité du sol dans la région de la mousson d'été asiatique, alors que celles obtenues à partir de modèles tenant également compte des effets des aérosols indiquent une possibilité de diminution des pluies de mousson. La répartition spatiale et temporelle des aérosols influe largement sur les projections à l'échelle régionale, ce qui continue à augmenter les incertitudes liées à ces projections.
  • Un réchauffement global devrait conduire à une augmentation du nombre de journées très chaudes et à une diminution du nombre de journées très froides.
  • L'élévation des températures entraînera le renforcement du cycle hydrologique, d'où un risque d'aggravation des sécheresses et/ou des inondations à certains endroits et une possibilité de diminution de l'ampleur de ces phénomènes à d'autres endroits. Plusieurs modèles prévoient une augmentation de l'intensité des précipitations, ce qui pourrait conduire à une recrudescence de chutes extrêmes de pluie. Nos connaissances sont insuffisantes à ce jour pour que l'on puisse prévoir si le nombre ou la répartition géographique de fortes tempêtes telles que les cyclones tropicaux vont se modifier.
  • Une évolution rapide et soutenue du climat pourrait modifier l'équilibre de la concurrence entre espèces et même entraîner un dépérissement des forêts, d'où une altération de la quantité de carbone absorbée et dégagée par les biomes terrestres. L'importance de cette altération est incertaine, mais elle pourrait, selon le rythme d'évolution du climat, se situer entre 0 et 200 GtC au cours des 100 ou 200 prochaines années.

Les incertitudes restent nombreuses

Actuellement, de nombreux facteurs limitent notre capacité à prévoir et à détecter les changements climatiques à venir. Pour réduire les incertitudes, il convient d'approfondir les connaissances dans les domaines prioritaires suivants :

  • évaluation des futures émissions et des cycles biogéochimiques, des gaz à effet de serre (y compris les sources et les puits), des aérosols et des précurseurs d'aérosols ; de leur concentration future et de leurs propriétés radiatives ;
  • prise en compte des processus climatiques dans les modèles, et notamment des rétroactions liées aux nuages, aux océans, à la glace de mer et à la végétation, afin d'affiner les projections concernant la rapidité et les caractéristiques régionales des changements climatiques ;
  • collecte à long terme et systématique d'observations directes et reconstitution, à partir d'indicateurs indirects de leurs variations dans le passé, de certains paramètres du système climatique (énergie solaire, éléments du bilan énergétique de l'atmosphère, cycle hydrologique, caractéristiques des océans et changements des écosystèmes, etc.) afin de vérifier la validité des modèles, d'évaluer la variabilité de ces paramètres dans le temps et à l'échelle régionale, et de les utiliser dans le cadre d'études de détection et d'attribution.

Des fluctuations inattendues, rapides et de grande ampleur du système climatique (comme il s'en est produit par le passé) sont difficiles à prévoir de par leur nature même. La future évolution du climat risque donc de nous réserver des « surprises », dues notamment au caractère non linéaire du système climatique. En cas de forçage rapide, les systèmes non linéaires sont particulièrement susceptibles de comportements inattendus. Il est possible de réaliser des progrès en étudiant les processus et les composantes non linéaires du système climatique. On peut citer, parmi ces phénomènes non linéaires, les fluctuations rapides de la circulation dans l'Atlantique Nord et les rétroactions liées aux modifications des écosystèmes terrestres.