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Article | 08/02/2000

La Terre change-t-elle de rayon moyen ?

08/02/2000

Benoît Urgelli

ENS-Lyon

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Réflexion sur les causes possibles de variation du rayon terrestre.


Question

Objet : Bonjour monsieur T. Date : Ven, 08 Jan 1999 00:00:19 De : a.lefranc.

« Classiquement, il est écrit dans les bouquins que la Terre ne change pas de diamètre. Or, 1/ elle s'est refroidie depuis son origine... 2/ la masse des gaz perdus par les roches depuis son origine n'est-elle peut être pas négligeable ? Par ailleurs, d'aucuns disent que la Terre gonfle en ce moment de son histoire ? Merci de votre aimable sollicitude. »

Réponse

D'après des entretiens avec Pierre Thomas et Frédéric Chambat de l'École normale supérieure de Lyon.

Résumé

On ne sait pas à l'heure actuelle si la Terre a changé de rayon depuis le début de son histoire. Pourtant, plusieurs causes de changements du rayon moyen sont avancées. Des calculs physiques approchés mais raisonnables indiquent des variations qui n'excéderaient pas quelques centièmes de millimètres par an (soit une centaine de kilomètres depuis la début de l'histoire de la Terre). Ainsi, même si le changement de rayon est probable, il est trop petit pour être mesuré.

Les causes possibles de variations du diamètre terrestre

Les causes qui pourraient expliquer les variations du rayon terrestre sont variées.

  • Le changement de température de la Terre qui s'accompagne de variations des masses volumiques des matériaux.
  • Les changements de phase, surtout la cristallisation de la graine, qui modifie les masses volumiques.
  • Le ralentissement de la rotation terrestre lié aux marées : il y a alors diminution du rayon équatorial et augmentation du rayon polaire de la Terre.

Estimations quantitatives des variations de diamètre de la Terre

De manière simplifiée, voici les grandes lignes du raisonnement qui conduit à estimer le changement de diamètre associé au refroidissement de la Terre : Il faut d'abord évaluer l'ordre de grandeur du refroidissement depuis l'origine de la Terre (4,55 Ga). Les mesures du flux de chaleur en surface permettent d'estimer que la Terre évacue aujourd'hui 4,2.1013 W (ou J/s). Cette chaleur évacuée provient de trois sources :

  • production de chaleur par radioactivité des éléments U, Th et K du manteau,
  • libération de chaleur latente par cristallisation de la graine,
  • chaleur accumulée lors de l'accrétion planétaire.

En supposant que la Terre dans sa globalité peut être modélisée par les météorites chondritiques, on estime que la quantité de chaleur libérée par radioactivité sur Terre correspond à 50 à 75 % de la chaleur totale produite.

Connaissant la capacité calorifique massique des matériaux terrestres (de l'ordre de 1 000 J/K.kg), la quantité de chaleur produite par refroidissement (25 à 50 % de 4,2.1013 J/s) et la masse de la Terre (6.1024 kg), on peut estimer que la Terre se refroidit à la vitesse de 50 à 100 K/Ga, soit un refroidissement de 250 à 500 K depuis le début de l'histoire de la Terre.

Le refroidissement de la Terre depuis son l'origine est donc de l'ordre de 200 à 500 K.

Le coefficient de dilatation thermique des roches étant de 2.10-5/ K environ, la contraction volumétrique qui résulte de ce refroidissement est de l'ordre de : 2.10-5x 200 à 500 K soit 4.10-3 à 10-2. Cela correspond à une réduction de rayon de 10 à 20 km environ depuis le début de l'histoire de la Terre par contraction des matériaux se refroidissant.

Cette réduction de 10 à 20 km du rayon RT de la Terre correspond à une réduction de circonférence du globe de 60 à 120 km. Une telle variation de circonférence peut paraître considérable et on pourrait penser la détecter en surface par des figures de raccourcissement, mais c'est illusoire face à l'amplitude des mouvements horizontaux des plaques (à la vitesse moyenne de 10 cm/an, 3 millions d'années de subduction suffisent à faire disparaître 300 km de lithosphère).

Les calculs des changements de rayon pour les différentes causes possibles conduisent à des résultats du même ordre de grandeur, de 0,003 à 0,02 mm/an soit 40 à 300 km depuis le début de l'histoire de la Terre... C'est tout aussi négligeable et donc difficilement détectable.

Le rôle du dégazage terrestre

Les gaz perdus par les roches se retrouvent sous la forme de vapeur d'eau et de CO2. Une partie est stockée sous forme de roches carbonatées et d'océans (principaux réservoirs à CO2 et H2O), l'autre partie a été perdue.

 

Roches carbonatées

Matière organique dispersée dans les sédiments

Océan

Roches carbonées (combustibles fossiles)

Biosphère

Atmosphère

Réserves carbone

3.1019 kg

1.1019 kg

3,6.1016 kg

7.1015 kg

3.1015 kg

7,5.1014 kg

 

Croûtes

Océan

Cryosphère (glaciers, calottes polaires)

Eau du sols

Atmosphère

Biosphère

Réserves d'eau

2,97.1022 kg

1,4.1021 kg

4,3.1019 kg

1,53.1019 kg

5,1.1018 kg

1.1015 kg

La masse des océans étant actuellement de 1,4.1021 kg et celle des roches carbonatées de 1019 kg, ces masses sont faibles par rapport à la masse de la Terre (6.1024 kg), soit moins de 1 pour 1 000.

Par ailleurs, on peut estimer la quantité de gaz perdus à l'aide de modèles de dégazage et de données indirectes, comme par exemple le rapport H/D. En effet, un dégazage important fractionne les isotopes de l'hydrogène. Or si l'on compare le rapport H/D d'une chondrite (modèle de Terre globale) et celui de l'océan, on constate qu'ils sont relativement voisins. Ceci indique que la fuite de masse par dégazage est faible au début de l'histoire de la Terre. De plus, on s'aperçoit que ce dégazage est extrêmement faible à l'heure actuelle, comme le montre les enregistrements satellitaires des quantités de gaz quittant la Terre. Le rôle du dégazage dans la variation de diamètre de la Terre est donc insignifiant.

À propos de « d'aucuns disent que la Terre gonfle en ce moment de son histoire... »

En théorie, ce n'est pas impossible... Par exemple si la chaleur créée par la radioactivité était plus grande que prévue et qu'une partie s'accumulait à l'intérieur du globe ; dans ce cas, la Terre pourrait s'échauffer et se dilater mais d'un ordre de grandeur comparable à la contraction calculée plus haut... Mais ils nous faut des arguments et des données allant dans ce sens ! Or l'ensemble des données dont nous disposons actuellement (notamment la diminution du degré de fusion partielle du manteau au cours de l'histoire de la Terre) montre que notre planète se refroidit.