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Article | 12/12/2002

Fractionnement chimique des éléments Rb et Sr lors de la cristallisation d'un magma et conséquence isotopique

12/12/2002

Danielle Briot

Département des Sciences de la Terre, Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Comportement chimique du rubidium et du strontium au cours de la cristallisation fractionnée d'un magma, et évolution des rapports isotopiques.


Table des matières

Question

« Dans l'une de vos pages sur la datation Rb-Sr, vous dites que « 2 échantillons issus d'un même magma auront le même rapport (87Sr/86Sr)0 mais des rapports (87Sr/86Sr) et (87Rb/86Sr) différents ». Pourquoi, ces deux derniers rapports sont-ils différents, les échantillons étant prélevés dans la même roche ? »

Question posée par Daniel Wahl le 30 novembre 2002, par courrier électronique.

Réponse

Lors de la cristallisation des magmas, les éléments chimiques se répartissent entre les minéraux qui se forment et le liquide . Ils suivent pour cela les règles chimiques basées sur leurs propriétés chimiques (telles qu'elles peuvent apparaître par exemple dans la classification périodique des éléments), en particulier leur rayon ionique et leur charge. On dit qu'ils sont plus ou moins compatibles avec les réseaux cristallins. Pour modéliser cela, les géochimistes utilisent les notions de coefficient de partage minéral/liquide et d'élément incompatible (sous-entendu, avec la structure d'un réseau cristallin). Un élément incompatible reste dans le liquide lors de la cristallisation des minéraux, son coefficient de partage pour la plupart des minéraux classiques est voisin de zéro, c'est le cas du Th par exemple. Au contraire un élément compatible intégrera un minéral (ou plusieurs selon leur chimisme).C'est par exemple le nickel qui suit le magnésium et le fer dans la formation des olivines : son coefficient de partage pour l'olivine sera élevé (DNi = 5 par exemple).

D'une manière générale, lors de la cristallisation d'un magma :

  • Les éléments chimiques les plus lourds et les plus petits (Fer, Mg) participent les premiers à la formation des minéraux, tels que l'olivine, les pyroxènes magnésiens et ferriques (on les appellent les ferromagnésiens).
  • Puis c'est au tour des alcalino-terreux (Ca notamment) dans les pyroxènes calciques et les plagioclases calciques, puis des amphiboles et des micas.
  • En fin de cristallisation, les éléments les plus gros et les plus légers (Na, K, les alcalins donc) participent à la formation des feldspaths dits alcalins (orthose notamment).

Le strontium appartient au groupe des alcalino-terreux tout comme le calcium. Ils ont le même comportement et le Sr intégrera les minéraux calciques tels que les plagioclases de type anorthite ou les pyroxènes calciques par exemple.

Le rubidium, lui, appartient à la colonne 1 de la classification périodique avec tous les autres alcalins comme par exemple le potassium. Lors de la répartition entre minéraux et liquide, le Rb aura donc le même comportement que le K et se joindra à lui lors de la formation des minéraux tels que les feldspaths potassiques et les micas.

Au cours d'un processus de cristallisation fractionnée (donnant un granite par exemple), on va donc avoir des variations de la concentration en Sr et Rb. Dans les derniers liquides et donc dans les minéraux qui se formeront à partir de ces liquides, la concentration en Sr va diminuer et la concentration en Rb va augmenter. Cela fera varier le rapport Rb/Sr et donc le rapport 87Rb/86Sr.

Par contre, au temps t=0, date de la formation du granite, le rapport 87Sr/86Sr sera le même dans tous les minéraux formés car il s'agit du rapport de deux isotopes d'un même élément chimique qui se répartit entre minéral et liquide en fonction de ses propriétés chimiques et non de ses propriétés nucléaires (les isotopes d'un élément chimique ont des nombres de neutrons différents dans le noyau atomique, mais ils ont les même propriétés chimiques).

Tout le problème de l'obtention d'une isochrone Rb-Sr pour dater un granite est justement de trouver des échantillons qui ont des rapports 87Rb/86Sr suffisamment distincts les uns des autres pour obtenir un « étalement » sur l'axe des abscisses. Ainsi certains massifs de granite du Limousin n'ont pas pu être datés car les dizaines d'échantillons récoltés avaient des rapports 87Rb/86Sr trop proches les uns des autres.