Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesInteractions du rayonnement solaire avec l'atmosphère - Effet de serre

Article | 21/10/2003

Interactions du rayonnement solaire avec l'atmosphère - Effet de serre

21/10/2003

Vincent Daniel

ENS-Lyon

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Deuxième partie du cours sur le rayonnement thermique, l'effet de serre et le bilan radiatif de la Terre.


Diffusion du rayonnement solaire

L'albédo planétaire qui est de 30% est majoritairement dû à l'atmosphère puisque seuls 4% de l'énergie solaire incidente est réfléchie par la surface terrestre(soit une contribution d'un peu plus de 10% à l'albédo planétaire).


L'énergie réfléchie par l'atmosphère vers l'espace est diffusée par les molécules ou par des particules en suspension (gouttelettes d'eau ou aérosols)

Figure 2. L'énergie réfléchie par l'atmosphère vers l'espace est diffusée par les molécules ou par des particules en suspension (gouttelettes d'eau ou aérosols)

On rappelle que lors de la diffusion, il n'y a pas de changement de longueur d'onde de l'onde diffusée par rapport à l'onde incidente. L'émission de la lumière diffusée se fait dans toutes les directions, mais pas avec la même intensité.


On distingue différents types de diffusion selon la taille relative des cibles par rapport à la longueur d'onde de la radiation incidente. Comme nous le verrons dans la partie suivante, les radiations solaires situées dans l'Ultraviolet sont absorbées dans la haute atmosphère si bien que l'on considère principalement les radiations visibles.

  • La diffusion Rayleigh est la diffusion par les molécules. Taille de la cible : 10 nm (nanomètres, 10-9m). Sa contribution à l'albédo planétaire est de 20 %.
  • La diffusion par les particules les plus grosses (taille très grande devant la longueur d'onde), par exemple les gouttes nuageuses de quelques microns ou les cristaux de glace de quelques dizaines de microns, peut être expliquée par les lois de l'optique géométrique. La diffusion par les particules plus petites dont la taille est de l'ordre de la longueur d'onde est plus délicate à étudier. On parle de diffusion de Mie.

La diffusion Rayleigh

La diffusion Rayleigh désigne la diffusion de la lumière solaire (dans notre cas d'étude) par les atomes ou molécules de l'atmosphère. Étudions un modèle simple constitué par un atome d'hydrogène (1 noyau et un électron) soumis à une radiation électromagnétique de longueur d'onde visible (0,6 μm (micromètre, 10-6m) par exemple). En l'absence de radiation, le nuage électronique est centré sur le noyau. Mais en présente de radiation, le nuage électronique est déformé et son barycentre ne coïncide plus avec le noyau. Dans ces conditions, il y a apparition d'un dipôle électrique qui oscille proportionnellement à la distance noyau - barycentre des charges négatives.

Pour aller plus loin. La taille de l'atome est très faible devant la longueur d'onde de la radiation si bien que les variations spatiales du champ électromagnétique peuvent être négligées à l'échelle du nuage électronique. L'atome est alors soumis à la force magnétique et la force électrique. La première est négligeable devant la seconde. D'autre part, le noyau étant beaucoup plus lourd que l'électron, son déplacement est négligeable devant celui de l'électron. On peut donc dessiner le comportement du nuage électronique soumis à une radiation incidente :

Schématisation des oscillations du nuage électronique soumis à une radiation incidente

Figure 3. Schématisation des oscillations du nuage électronique soumis à une radiation incidente

La distance noyau-barycentre du nuage électronique oscille au cours du temps à la même pulsation que celle de l'onde incidente.


En 1873, John William Strutt Lord Rayleigh (1842-1919) montra qu'un tel dipôle électrique oscillant émet ou plutôt "rayonne" un champ électromagnétique dont la puissance est donnée par la formule simplifiée suivante :

Cette formule nous montre que :

  • La puissance dépend fortement de la longueur d'onde incidente. Ainsi, le bleu est 16 fois plus diffusé que le rouge. On voit aussi que la diffusion de Rayleigh peut être négligée dans l'étude de la diffusion du rayonnement thermique émis par la Terre car ce dernier est situé dans l'infrarouge. La puissance diffusée est donc très faible.
  • La puissance n'est pas émise avec la même puissance dans toutes les directions. Dans la direction du dipôle, la puissance est même nulle.

La figure suivante donne la répartition angulaire de la puissance rayonnée par un dipôle pour 2 longueurs d'onde : le bleu et le rouge. La figure présente une symétrie de révolution par rapport à la direction du dipôle, si bien que la diffusion est de même intensité dans tout le plan perpendiculaire au dipôle.


Application : le bleu du ciel - le rouge du coucher de soleil

La diffusion de Mie

La diffusion de Mie désigne la diffusion par des particules dont la rayon oscille entre 0.1 et 10 fois la longueur d'onde. Cette théorie est complexe et des résultats quantitatifs ne sont obtenus qu'avec des particules sphériques. On note que la puissance diffusée est maximale lorsque la longueur d'onde est proche du rayon de la particule. Enfin, contrairement à la théorie de Rayleigh, la puissance rétro-diffusée est plus grande que la puissance diffusée dans la direction de l'onde incidente.

Vous pouvez vous rendre sur la page du Dr. Bernhard Michel (en Anglais et Allemand) pour calculer vous même la distribution angulaire de la puissance émise.

La diffusion selon l'optique géométrique

Lorsque la taille des particules cibles est très grande devant la longueur d'onde, les lois de l'optique géométrique sont applicables. On étudie par exemple la diffusion à travers une goutte d'eau précipitant (menant par exemple à un arc en ciel) en appliquant les lois de Snells-Descartes au passage de dioptres sphériques séparant l'air et l'eau, deux milieux d'indices différents.

Absorption du rayonnement par les molécules atmosphériques

Absorption moléculaire

Au cours de leur pénétration dans l'atmosphère, les photons solaires entrent en collision avec les molécules atmosphériques et sont progressivement absorbées. L'absorption du rayonnement par les molécules atmosphériques est intimement liée à leurs caractéristiques énergétiques. Une molécule possède des niveaux énergétiques discrets ou quantifiés associés à des états de rotation, de vibration ou de configuration électronique. Un photon peut être absorbé lorsque son énergie correspond à une transition entre le niveau fondamental et un de ces états excités. D'autre part, une molécule peut être dissociée par des photons dépassant l'énergie d'ionisation de la molécule. Il y a alors un continuum énergétique d'absorption au delà de l'énergie d'ionisation.

Ainsi, on peut distinguer 4 types d'absorption suivant l'énergie du photon incident :

  • Ultraviolet : les molécules sont dissociées. L'absorption n'est pas quantifiée.
  • Visible : les molécules changent de configuration électronique. L'absorption est quantifiée.
  • Infrarouge : les molécules vibrent. L'absorption est quantifiée.
  • Micro-ondes : les molécules tournent. L'absorption est quantifiée.

L'atmosphère étant transparente au rayonnement visible, l'absorption dans le visible n'est pas représentée sur l'animation.

Absorption dans l'ultra-violet (UV)

L'absorption photonique suivie de la dissociation de la molécule se caractérise généralement par un spectre continu au-dessus d'une certaine énergie (ou en dessous d'une certaine longueur d'onde). Celle-ci correspond au seuil minimal pour dissocier la molécule. Si un photon plus énergétique est absorbé, l'excédent énergétique est transformé en énergie cinétique de l'un des produits de la réaction photochimique. Les niveaux seuils de dissociation se situent dans l'Ultra-Violet pour les molécules atmosphériques.

Les réactions photochimiques mettant en jeu l'absorption dans l'UV se manifestent par une action thermique sur le milieu atmosphérique. En effet, les photo-dissociations sont en général suivies de réactions chimiques de recombinaison qui libèrent de l'énergie sous forme de chaleur. Ce processus est capital dans la stratosphère qui est chauffée par les réactions de recombinaison de l'ozone et de l'oxygène moléculaire.

Les radiations solaires dans le domaine de l'UV sont totalement absorbées :

  • Dans la mésosphère pour les radiations UV les plus énergétiques (longueur d'onde inférieure à 170 nm) par N20 et l'oxygène moléculaire.
  • Dans la stratosphère pour les radiations UV les moins énergétiques par l'oxygène moléculaire et l'ozone.

La destruction de l'ozone stratosphérique diminue d'autant l'absorption des photons de longueur d'onde comprise entre 200 et 300 nm. Ces photons susceptibles d'arriver jusqu'à la surface terrestre représentent un danger pour la santé humaine.

Absorption dans l'infra-rouge (IR)

Les photons du domaine du visible ne sont pas absorbés par l'atmosphère (ou très légèrement par l'ozone) et sont donc uniquement diffusés (voir partie précédente). Dans le domaine de l'infra-rouge, les photons émis par le Soleil deviennent moins nombreux que ceux émis par la Terre. Dans ce domaine l'absorption des photons est due à la transition depuis l'état fondamental vers un niveau de vibration de la molécule. Ces niveaux dépendent de la molécule considérée et sont discrets. Une même molécule peut donc avoir plusieurs bandes d'absorption correspondant à différents niveaux de vibration.

Exemple de la molécule de CO2.

La molécule de CO2 possède 3 modes de vibrations différents.

Pour avoir déjà manipulé un ressort, on sent bien qu'il est moins coûteux en énergie de tordre la molécule que de l'étirer. C'est pourquoi la longueur d'onde des photons réalisant la transition entre l'état fondamental et l'état excité sera plus faible pour les modes d'étirement que de flexion. Cependant, le mode symétrique d'étirement n'induit pas de moment dipolaire électrique au sein de la molécule. En effet, les atomes d'oxygène (rouge) portent une légère charge négative alors que l'atome de carbone (bleu) porte une légère charge positive. Dans le mode symétrique, le barycentre des charges reste fixe, alors que dans les 2 autres modes, le barycentre oscille. L'oscillation de ce moment dipolaire est une condition nécessaire à l'absorption d'un photon. Finalement, parmi les 3 modes de vibration, seuls les modes d'étirement asymétrique et de flexion sont associés à des bandes d'absorption. Sur un diagramme énergétique, on devrait trouver une bande d'absorption associée au mode d'étirement asymétrique et à une longueur d'onde plus élevée, une bande associée au mode dégénéré de flexion.

Le spectre d'absorption du CO2

Figure 7. Le spectre d'absorption du CO2

Le spectre d'absorption du CO2 a été réalisé par Jacques Gentili du Laboratoire de Sciences de la Matière de l'École Normale Supérieure de Lyon. On retrouve bien les 2 bandes d'absorption théoriques à 4,2 μm (étirement asymétrique) et 15,0 μm (flexion). Pour interpréter le spectre, on retiendra que la transmittance est le complément à 100 % de l'absorption.


De nombreux autres gaz absorbent dans le domaine de l'IR. Il s'agit principalement de CO2, H2O (bandes à 2,5 et 6,5 μm), du méthane (CH4), des CFC, de N2O... Ces molécules sont appelées communément gaz à effet de serre car elles absorbent dans le domaine d'émission thermique de la Terre puis réémettent en se désexcitant un photon à la même longueur d'onde mais dont 1 sur 2 est dirigé vers la Terre et la réchauffe.. Les molécules diatomiques majoritaires telles que l'azote et l'oxygène moléculaires ne possèdent pas de moment dipolaire oscillant responsable de l'absorption dans l'IR. Elles ne sont pas des gaz à effet de serre.

Suivez ce lien vers une page une page sur les propriétés communes des gaz à effet de serre pour voir les bandes d'absorption des différents constituants de l'atmosphère.

Absorption du rayonnement infrarouge émis par la Terre

Spectre en longueurs d'onde de la lumière émise par le système Terre-atmosphère vers l'espace

Figure 8. Spectre en longueurs d'onde de la lumière émise par le système Terre-atmosphère vers l'espace

En points-tillés sont représentées les courbes d'émission des Corps Noirs à différentes températures.


Le spectre n'est pas partout celui du Corps Noir à la température de la surface terrestre (entre 280K et 295K). On note en effet des baisse d'émission autour de longueurs d'ondes caractéristiques des bandes d'absorption-émission des principales molécules absorbantes de l'atmosphère :

  • Vapeur d'eau : bande centrée à 6,25 μm.
  • Ozone : 3 bandes : 9,0, 9,6 and 14,3 μm.
  • Gaz carbonique : 4,3 et 15 μm.

Émission infrarouge par les molécules atmosphériques

Effet de serre

L'émission suivant l'absorption des radiations terrestres par les molécules des gaz à effet de serre se fait dans toutes les directions. Une partie du flux lumineux émis est donc dirigé vers la Terre au lieu de s'échapper vers l'espace. Ce flux descendant s'ajoute au flux solaire incident et permet à la température terrestre d'atteindre 15°C contre -18°C en absence d'atmosphère absorbante.

Effet de serre et réchauffement climatique

Le gaz carbonique est l'un des principaux gaz à effet de serre et l'évolution de sa concentration influe sur la température de la surface terrestre.

Corrélation entre température et concentration atmosphérique en gaz carbonique

Figure 9. Corrélation entre température et concentration atmosphérique en gaz carbonique

Ces données sont obtenues par analyse des carottes de glace de Vostok, Antarctique.


Pour en savoir plus, voir le TD sur les conditions climatiques au Quaternaire.

Évolution millénaire de la concentration atmosphérique en CO2

Figure 10. Évolution millénaire de la concentration atmosphérique en CO2

Ces données sont obtenues par analyse des carottes de glace de Law Dome, Antarctique.


Observation depuis l'espace

Les molécules absorbantes émettent à leur tour un rayonnement électromagnétique à cette longueur d'onde dont l'amplitude est fixée par la courbe de Planck du Corps Noir à la température locale. Deux cas différents sont alors à distinguer suivant l'altitude des molécules :

  • L'altitude est supérieure à 30 km : une couche n'est pas influencée par l'émission des couches supérieures ou inférieures. En première approximation, l'énergie émise est directement rayonnée vers l'espace. Ainsi l'émission stratosphérique du CO2 et de l'ozone est maximale là où la température est maximale soit à la stratopause. La stratosphère se refroidit donc au même endroit qu'elle se réchauffe.
  • l'altitude est inférieure à 30 km : les couches supérieures absorbent les radiations montantes émises par les couches inférieures. L'émission vers l'espace est effectuée par les molécule les plus élevées.

Ce dernier point est particulièrement observable avec la vapeur d'eau : si la haute troposphère est sèche, l'émission vers l'espace à 6,25 µm est effectuée par les molécules de vapeur des basses couches. Ces basses couches étant chaudes, l'émission sera forte. Au contraire, si la haute troposphère est humide, l'émission vers l'espace à 6,25 µm provient des couches froides et elle sera faible.

Application : imagerie satellitale dans le canal IR vapeur d'eau

L'émission à 6,25 µm par les couches humides les plus hautes est exploitée par l'imagerie satellitale sur le canal vapeur d'eau. Ce canal est centré cette bande d'absorption. Le radiomètre du satellite est sensible au flux lumineux émis à cette longueur d'onde. L'électronique du satellite convertit ensuite les flux élevés en pixels sombres et les flux faibles en pixels clairs. On en déduit la classification suivante.

  • Pixel clair ⇔ Température d'émission faible ⇔ Couche émettrice vers l'espace à haute altitude ⇔ Haute troposphère humide.
  • Pixel sombre ⇔ Température d'émission élevée ⇔ Couche émettrice vers l'espace à basse altitude ⇔ Haute troposphère sèche.

L'humidité de la haute troposphère est induite par les mouvements atmosphériques verticaux.

  • Pixel clair ⇔ Haute troposphère humide ⇔ ascendances (convection).
  • Pixel sombre ⇔ Haute troposphère sèche ⇔ subsidences.

Ainsi une image satellitale canal vapeur d'eau permet de visualiser les mouvements verticaux atmosphériques.

Image METEOSAT, canal vapeur d'eau

Figure 11. Image METEOSAT, canal vapeur d'eau

On voit nettement les zones d'ascendance (convection intense) au voisinage de l'Équateur (paquets blancs), les zones de subsidence vers 30 degrés de latitude (en noir) associés à la branche descendante de la cellule de Hadley. Enfin, aux et latitudes moyennes, ascendances et subsidences se succèdent dans les trains de perturbations.


Vers la première partie du cours : Le rayonnement thermique et la loi du Corps Noir

Vers la suite et la fin du cours : Bilan radiatif de la Terre