Image de la semaine | 01/09/2008
La Fontaine Ardente du Dauphiné (Commune du Gua, Isère) : une source naturelle de méthane
01/09/2008
Résumé
Une torchère naturelle de méthane.
Le prix du baril de pétrole a encore fait parler de lui cette été, puisqu'il a approché les 150 $ le baril (147 $/baril le 11 juillet 2008), puis est redescendu vers 110-112 $/baril mi-août et remonte légèrement depuis (115 à 118 $ le baril fin août 2008). C'est une nouvelle fois, après le passage des 100 $ le baril, l'occasion de montrer une source naturelle d'hydrocarbures sur le sol français, à savoir une source de méthane (CH4). Cette source, connue depuis toujours mais méconnue de la plupart, est appelée « Fontaine Ardente ».
Avant son « anthropisation » (images 2 et 3), le méthane sortait naturellement du sol au niveau de mini-cavités perdues en pleine forêt. Après aménagement (ou devrait-on plutôt dire dégradation du site) le méthane sort maintenant (printemps 2008) par un tuyau métallique entouré d'un tas de cailloux. La flamme peut être éteinte par grand vent. Il suffit alors de la rallumer avec un briquet ou une allumette. Quand il n'est pas enflammé, le gaz a très nettement une odeur d'œuf pourri, indiquant la présence d'H2S mélangé au méthane. Le méthane sort à travers les alluvions tapissant le fond d'une petite vallée creusée dans les marnes du Callovien (J3), sommet du Jurassique Moyen. Le méthane provient du cracking/distillation de la matière organique contenue soit dans le Callovien lui-même, soit dans les terrains sous-jacents du Jurassique moyen et inférieur, terrains riches en marnes noires (donc en matière organique et/ou sulfures).
La "Fontaine Ardente" est connue depuis la plus haute antiquité. Denys de Salvaing de Boissieu la cite en 1656 dans son Septem Miracula Delphinatus (Les sept merveilles du Dauphiné). C'était, avec les 6 autres « merveilles », un site très populaire (voir un site sur les 7 merveilles du Dauphiné, parmi d'autres).
Mes parents m'ont fait découvrir ce site en 1961 (j'avais 9 ans), mais je ne me rappelle plus son état précis de l'époque ; seulement le souvenir de flammes sortant de trous en pleine forêt. J'y suis retourné en 1985. Un panneau le signalait du bord de la route départementale. Un chemin bien aménagé et un petit pont de bois y conduisaient. C'est à ce moment que j'ai pris les photos des images 2 et 3.
J'y suis retourné une nouvelle fois vers l'année 2000. Le panneau avait disparu ; le chemin n'était plus entretenu ; le pont était détruit. Le site avait subi un terrassement, et était recouvert d'une chape de béton ; un tuyau métallique vertical de 60 cm de haut sortait du béton, faisait office de torchère par où brûlait le méthane ; plus aucune source naturelle n'était visible… Une horreur, un massacre écolo-géologique ! Pourquoi une (ou des) autorité(s) (in)compétente(s), et la(les)quelle(s), avai(en)t choisi de dégrader ce site et de lui enlever son caractère naturel ? Qui avait laissé faire ? Déçu, furieux d'un tel non respect du patrimoine géologique, et « honteux d'être en France » (pays si peu respectueux de son patrimoine contrairement à ses voisins comme l'Allemagne ou l'Angleterre), je n'ai pas pris de photo de l'état du site à cette époque.
J'y suis retourné une dernière fois en mars 2008. Le site s'était un peu arrangé. Si aucun panneau n'indiquait plus cette curiosité, si le sentier se dégradait toujours, si le petit pont était toujours détruit, terrassement et dalle de béton étaient alors invisibles car recouverts (naturellement ou non ?) de sable, graviers et débris végétaux. L'horrible tuyau métallique avait été caché par un empilement de cailloux, et le site est de nouveau « présentable », bien que loin de son état « naturel » des années 1985.
Nous avons déploré en janvier 2008 l'état déplorable du Puy de la Poix, autre site naturel français où sortent naturellement des hydrocarbures. Décidément, la France n'est pas capable de protéger ses sites géologiques en général, ses sites naturels d'hydrocarbures en particulier.
Une autre source de méthane, également appelée "Fontaine Ardente", située dans les même terrains du Jurassique moyen, existe à Meylan, commune de la banlieue N-E de Grenoble. Son débit est beaucoup plus faible, mais le site (aux dernières nouvelles) était fléché, sommairement aménagé, et surtout non dégradé.