Image de la semaine | 26/03/2018
Le lac d'Otjikoto (Namibie) et le lac des Rives (Causse du Larzac, Aveyron), une doline et un poljé inondés
26/03/2018
Résumé
Milieu karstique et retenues d'eau permanentes ou temporaires, naturelles ou aménagées : dolines, poljés et lavognes.
Le lac Otjikoto, situé au Nord du plateau du Waterberg en Namibie (kmz du lac Otjikoto) est l'exemple typique d'une doline inondée. Les dolines sont des dépressions karstiques formées (1) soit par la dissolution des calcaires, dissolution localisée par un aven, un réseau de fractures..., (2) soit par effondrement d'une cavité karstique sous-jacente, (3) soit par une combinaison des deux phénomènes. Le nom "doline" correspond à des dépressions plus ou moins circulaires ou ovoïdes. Une dépression de forme moins régulière et de plus grande taille est nommée "poljé". Le fond des dolines et des poljés est souvent tapissé d'argiles de décalcification, part insoluble des calcaires qui sont rarement purs à 100%, mais toujours légèrement marneux. Ces argiles de décalcification, souvent de couleur rouge, tendent à s'accumuler sur le fond des dépressions, ce qui donne parfois une morphologie assez plate à ces dépressions karstiques. Du fond plat peuvent émerger des pinacles calcaires épargnés par la dissolution. Dolines et poljés peuvent être inondés et former des lacs, comme dans le cas du lac Otjikoto. Ces dépressions sont inondées (1) soit parce que le fond de la doline est plus bas que le toit de la nappe phréatique locale, (2) soit parce que les fissures et autres conduits karstiques permettant usuellement l'évacuation des eaux de pluie et de ruissellement sont colmatés par des argiles. Le lac Otjikoto correspondrait à une doline d'effondrement dont le fond est plus bas que la nappe phréatique locale. Cette même nappe phréatique affleure dans une autre doline inondée située à 21 km plus à l'Ouest, le lac Guinas (kmz du lac Guinas).
Il peut y avoir formation d'un lac temporaire dans une dépression karstique : (1) dans le cas d'une nappe dont la hauteur de la surface piézométrique varie beaucoup en fonction de la saison ou de la pluviométrie, ou (2) dans le cas de fissures et conduits permettant une évacuation d'eau limitée, suffisante en situation normale mais insuffisante en cas de pluviométrie forte et prolongée.
Ce deuxième cas (colmatage partiel) se produit épisodiquement sur la commune des Rives (Hérault). Sur cette commune du plateau du Larzac, s'étend un petit poljé (kmz lac des Rives) creusé dans les dolomies ruiniformes du Bathonien (J2). Cette dépression voit les eaux de ruissellement normalement s'évacuer par des puits et des fissures situés au fond du poljé. En fonction des circonstances météorologiques et de l'intensité du ruissellement, ces puits et fissures peuvent être partiellement ou totalement colmatés par un mélange de sable et d'argiles, localement appelé le « grésou », ou au contraire nettoyées de ce grésou accumulés les mois précédents. En cas de très fort cumul de précipitation et si les puits et fissures d'évacuation sont bouchés, se forme alors un lac temporaire, le lac des Rives. Depuis 60 ans, ce lac s'est formé une dizaine de fois. Je n'ai jamais eu la chance de voir ce lac en eau. Mais d'autres ont eu cette chance, en particulier Ghislain Guenard, photographe professionnel, qui alimente, entre autres, un site de photographie aérienne de la France sur lequel on peut trouver trois images aériennes du lac des Rives en janvier 2008, et les gestionnaires de l'Ancienne Auberge sur le blog de laquelle on trouve des images du lac des Rives en décembre 2014. Merci à eux de nous avoir autorisé à utiliser leurs images.
Source - © 2008 Ghislain Guenard / Survol de France | |
Source - © 2008 Ghislain Guenard / Survol de France | Source - © 2008 Ghislain Guenard / Survol de France |
La dernière fois que le lac des Rives a été en eau, c'était en décembre 2014, comme on le voit sur le blog de l'Ancienne Auberge. Ces images sont mises en relation avec des clichés pris en 1979 et 1982.
Source - © 2014 Antoine Villemin / blog Ancienne Auberge | |
Source - © 2014 Antoine Villemin / blog Ancienne Auberge | Source - © 2014 Antoine Villemin / blog Ancienne Auberge |
Des dolines et autres dépressions karstiques peuvent être inondées et transformées en lacs si les fissures et autres conduits permettant l'évacuation des eaux sont naturellement colmatés. Parfois, ce sont les agriculteurs qui aménagent des dolines (de petites taille) en imperméabilisant le fond de ces dolines par apport d'argile. Ces petites dolines sont alors inondées à chaque pluie, et pour une durée importante si le "bassin versant" alimentant la doline est important. Elles servent alors d'abreuvoir, où viennent boire les bêtes, dont les fameuses brebis du Larzac à la base du fameux Roquefort (cf. Quand la géologie rejoint la gastronomie : site et glissement de terrain de Roquefort (Aveyron)). Pour éviter que le piétinement des brebis amène de la boue dans cet "abreuvoir" et trouble son eau, les abords de la doline sont pavés. Sur les Causses, de telles dolines aménagées sont appelées « lavognes ».
Nous vous montrons ci-dessous deux lavognes situées sur le Causse du Larzac, l'une située à La Couvertoirade et l'autre près du hameau de Brunas, près du rebord du plateau au-dessus de Millau. Promenez-vous sur le Larzac. À défaut de voir le lac des Rives en eaux, des dizaines de dolines et de lavognes vous attendent au détour des chemins.