Image de la semaine | 29/01/2018
Le Désert de Platé (Haute Savoie), un lapiaz face au Mont Blanc et riche en fossiles
29/01/2018
Résumé
Un lapiaz jeune sur un karst mature : dissolution, aven, calcaires à oursins et discocyclines.
Le lapiaz du Désert de Platé se trouve au cœur de l'un des synclinaux perchés décrit la semaine dernière dans Synclinaux perchés simples et complexes dans les massifs subalpins (Savoie et Haute Savoie). La surface de ce lapiaz, qui est une surface structurale, est constituée de calcaires de l'Éocène supérieur qui, avec le Crétacé supérieur, surmontent la célèbre barre urgonienne. En pays calcaire, les morphologies superficielles les plus spectaculaires des karsts sont souvent des lapiaz (aussi appelés lapiés, lapiez, lapiès ou karren). Il s'agit de surfaces calcaires parcourues de "rigoles de dissolution" et parsemées de mini dépressions fermées plus ou moins marquées de taille décimétrique à métrique. Les rigoles apparaissent soit à partir des diaclases initialement présentes dans la roche, progressivement élargies par l'action des eaux de ruissellement chargées de CO2, soit le long de la ligne de plus grande pente par simple dissolution, sans qu'il y ait besoin de fissure initiale. Une simple micro-dépression peut s'approfondir par la dissolution et former des "cupules" à la surface du calcaire. Le dioxyde de carbone dissout dans ces eaux de ruissellement (eaux de pluie ou de fonte des neiges) provient du CO2 atmosphérique. Mais comme souvent les fractures, rigoles et dépressions sont tapissées de voiles bactériens, de concentrations de cyanobactéries…, c'est surtout la respiration de ces êtres vivants (bactéries…) qui produit le CO2, CO2 que ces organismes ont eux-mêmes directement ou indirectement extrait de l'atmosphère par la photosynthèse. Ces fissures peuvent être suffisamment profondes (aven) pour communiquer avec un réseau de galeries souterraines, qui alimenteront éventuellement des exsurgences.
La dissolution des carbonates par les eaux chargée de CO2 peut s'écrire : CO2 + H2O + CaCO3 → 2 HCO3- + Ca2+. C'est la réaction inverse de ce qu'il se passe dans les grottes riches en stalactites, stalagmites et autres concrétions, lors de la précipitation des calcaires chimiques et biochimiques.
Le karst du Désert de Platé fonctionne sans doute depuis longtemps (karst mature), mais la morphologie superficielle du lapiaz est jeune, car la région a été recouverte par les glaciations quaternaires. Ces glaciers ont sans doute poli la surface des calcaires. La morphologie actuelle avec ses "rigoles" et dépressions de toutes tailles a sans doute moins de 15 000 ans.
Planet-Terre vous a déjà montré d'autres beaux lapiaz européens à divers degrés de maturité, par exemple dans le Jura avec Un exemple de petit lapiaz : le lapiaz de Loulle (Jura), les Pyrénées avec Le lapiaz de la Pierre Saint Martin (Pyrénées Atlantiques), l'un des plus grands lapiaz de France, l'Ardèche et les Grands Causses avec Le bois de Païolive (Ardèche), un exemple de méga-lapiaz dolomitique, en Irlande avec Le karst des Burren (Irlande)… Et nous vous montrerons la semaine prochaine à quoi ressemble un lapiaz en pays tropical, en l'occurrence à Madagascar.
En attendant Madagascar, nous vous montrons 21 figures illustrant divers aspect morphologique du Désert de Platé, ainsi que certains des fossiles que l'on peut y observer.
Source - © 2014 Damien Mollex / Lithothèque ENS de Lyon |