Image de la semaine | 11/09/2017
Les filons de barytine (BaSO4) du Beaujolais (Rhône)
11/09/2017
Résumé
Traces d'exploitation minière à Lantignié (Beaujolais) et filons de barytine (BaSO4).
Le Beaujolais est mondialement connu pour son vin ; il mériterait aussi de l'être pour sa géologie qui va du socle hercynien aux plaines alluviales de la Saône, en passant par du Jurassique sédimentaire. Toutes ces curiosités sont en train d'être valorisées par la mise en place d'un Géopark (demande de labélisation par l'Unesco en cours). Après les filons de fluorine (CaF2) de la semiane dernière (cf. Les mines de fluorine (CaF2) du Beaujolais (Rhône)) nous vous montrons ici un autre exemple des richesses minières du Beaujolais hercynien non encore détruites par les outrages du temps (et des "aménageurs") : une tranchée et galerie de mine ayant exploité un filon de barytine (également appelée baryte, BaSO4) sur la commune de Lantignié près de Beaujeu (Rhône).
L'histoire hercynienne du Beaujolais peut être résumée de la façon suivante. Au Dévonien supérieur / Carbonifère inférieur, pendant la fin de la subduction et la majeure partie de la collision hercyniennes, se déposent et sont tectono-métamorphisées de puissantes séries volcano-sédimentaires. Au milieu du Carbonifère, lors de la fin des déformations majeures, ces séries sont intrudées de granites. Au Carbonifère supérieur et au Permien, la région est fracturée. Des fluides hydrothermaux circulent dans ces fractures, et y déposent diverses substances (sulfures, et surtout sulfates, fluorures, silice…). Tout ce qui correspond actuellement à la bordure Est du Massif Central (du Lyonnais au Morvan) est ainsi parcouru de nombreux filons, qui ont donné lieu à des exploitations artisanales, semi-industrielles voire industrielles. La notice de la carte géologique de Beaujeu au 1/50 000 décrit ainsi ces filons.
Filons baryto-fluorés, non ou peu sulfurés.
Il s'agit essentiellement de filons métriques orientés W.NW-E.SE de 200 à 500 mètres d'allongement mais à minéralisation lenticulaire généralement plus fluorée que barytique et dans lesquels les sulfures restent tout à fait accessoires. Les 4 filons des Monterniers (8.4004), commune de Lantignié [d'où proviennent les photos de cet article], ont produit jusqu'en 1960 quelques dizaines de milliers de tonnes de fluorine. Le filon de Chappe, dans la même commune, plus franchement est-ouest a montré des ouvertures de caisse allant jusqu'à 3 mètres. Le filon des Laines, commune de Beaujeu, puissant de 5 à 60 centimètres seulement, a été l'objet d'une petite exploitation. À Bouille (8.4007), commune de Beaujeu, l'exploitation a porté sur un filon essentiellement barytique. Le filon des Écharmettes, commune des Ardillats, est par contre un filon de fluorine. Plusieurs filons isolés, de directions variées, ont des paragenèses simples permettant de les rapprocher du groupe Monterniers : petit filon quartzobarytique NW-SE d'Avenas, filon de Vauxrenard (4.4001), à fluorine et barytine localement remplacées par de la calcite, filon de la Thuillière (4.4002), commune de Jullié, filon du Pierreux à Odenas, de Villié-Morgon (8.4005), du Souzy, commune de Quincié-en-Beaujolais.
À Lantignié, c'était surtout la fluorine qui était recherchée et exploitée. La barytine n'était qu'un sous-produit, et les filons principalement barytés étaient souvent délaissés.
Rappelons que la barytine (BaSO4) est exploitée comme minerai de baryum ; mais ce métal a peu d'usage (colorant), le tonnage de barytine utilisé par l'industrie chimique est marginal. La barytine est aussi exploitée comme "charge minérale" pour donner du brillant à certains papiers (papier photographique, carton type carte de visite…), vernis… Elle est surtout exploitée pour sa densité élevée (d=4,5). C'est le minéral usuel le plus dense. Mélangé à l'eau, elle sert à densifier les boues des forages pétroliers pour contrebalancer l'éventuelle surpression existant dans les gisements de pétrole et éviter ainsi les jaillissements intempestifs. Mélangée à de la "bouillie", et comme elle est opaque aux rayons X, elle sert à faire des radiographies du tube digestif. Remplaçant les sables et graviers normaux, elle sert à faire des bétons absorbant la radioactivité…
Depuis l'arrêt de leur exploitation dans les années 1960, les mines de Lantignié sont encore bien sûr connues des minéralogistes pour leur fluorine (CaF2, cf. Les mines de fluorine (CaF2) du Beaujolais (Rhône)), leur barytine et aussi leurs minéraux accessoires, comme la wulfénite (PbMoO4).
Tous ces minéraux peuvent être trouvés dans les déblais extérieurs, ou peuvent être récoltés simplement en ramassant les morceaux qui "trainent" par terre dans les galeries et tranchées, et laissés là par les mineurs. Ce type d'échantillonnage ne fait de mal à personne (et même il permet de sauver de l'altération et/ou de la re-végétalisation des minéraux qui sans cela auraient été perdus), sauf s'il s'agit de "hordes" de gens à visées mercantiles cherchant des minéraux en très grand nombre et à des fins d'échanges ou de commerce. Tous les échantillons présentés à partir de la figure 6 ont été ramassés ainsi, sans donner un coup de marteau dans les tranchées ou à l'intérieur de la mine. Ces minéraux peuvent aussi être récoltés par certains "au marteau" en prélevant ce que les mineurs avaient laissé ici ou là au niveau des épontes. Ce n'est pas très prudent, et surtout cela détruit irrémédiablement ce qu'il reste in situ du patrimoine minéralogique. Ces minéraux peuvent enfin être extraits des piliers horizontaux laissés en place pour les mineurs. Outre le danger pour le minéralogiste lui-même, cette méthode d'échantillonnage est d'un égoïsme forcené, car elle met en danger l'existence même de la mine qui risque de s'écrouler faute de piliers assez résistants. Ces "pilleurs de mines" mettent donc en danger et leur vie (mais à la limite, c'est leur problème), et l'existence de ce patrimoine à la fois géologique et historique, ce qui est le problème de la collectivité.
Il y a encore pire comme attitude que celle des "pilleurs de mines", et c'est hélas celle de beaucoup de collectivités locales et d'organismes officiels : être des destructeurs de mines. Pour éviter d'éventuels problèmes judiciaires (un minéralogiste de moins de 18 ans qui se casserait une jambe et dont les parents porteraient plainte par exemple), ces collectivités et organismes (in)compétents traitent le problème par l'absurde en détruisant irréversiblement ces mines et le patrimoine qu'elles constituent. Pour être politiquement correct (c'est-à-dire parfaitement hypocrite), ces destructions sont appelées « mise en sécurité », comme quoi ces collectivités et organismes (in)compétents ne sont pas parfaitement à l'aise dans leur œuvre de destruction puisqu'ils n'osent pas l'appeler par son nom. Il est vrai que ces mines présentent un danger potentiel, comme toutes les cavités, et on ne peut les visiter qu'avec les précautions qui s'imposent. Mais viendrait-il à l'idée de collectivités locales et d'organismes officiels des pays calcaires de dynamiter toutes les grottes et autres gouffres naturels des régions karstiques sous prétexte qu'il peut y avoir (et qu'il y a parfois, hélas) des accidents de spéléologie ? Imagine-t-on le maire de Paris raser Notre-Dame sous prétexte que des gargouilles peuvent s'ébouler et écraser un touriste ? Imagine-t-on le maire de Chamonix araser le Mont-Blanc pour empêcher les avalanches et accidents de montagnes régulièrement meurtriers ? Il serait temps que la course à la "bêtise égoïste" entre pilleurs de mines et autorités (in)compétentes cesse !
Nous vous montrons dans la suite encore 3 photographies de détail prises dans la tranchée des deux figures précédentes, telle qu'elle était en 2011. Nous vous montrons ensuite 10 photographies d'échantillons provenant des mines de Lantignié ou d'autres mines voisines de l'Est du Massif Central.
Des compléments sur d'autres gisements de barytine français peuvent être trouvé sur Planet-Terre à propos de barytine en filon (Filon de barytine, minéralisation et extension tardi-hercyniennes, carrière de Loiras, Le Bosc, Hérault, de barytine stratoïde (Barytine stratoïde dans le Jurassique basal des Causses, région de Millau, Aveyron ou de barytine et carbonates de cuivre (Les anciennes mines de cuivre, argent et barytine du secteur Padern-Montgaillard (Aude)).
Parfois, les dépôts de barytine croissant à partir des deux épontes (bords) du filon ne se sont pas totalement rejoints, et il reste des cavités (des géodes) au centre du filon. C'est dans ces sites qu'on peut voir les cristaux lamellaires automorphes de barytine. Ce type de barytine est appelé "barytine crêtée", que certains confondent avec des roses des sables (cf. Comment se forment les roses des sables ?).
Souvent aussi, la composition du fluide (eau chaude, voire supercritique la plupart du temps) change au cours du temps, et, en plus de la barytine se déposent aussi de la fluorine, de la silice… Dans les échantillons suivant, nous vous présentons de la barytine crêtée seule, des crêtes de barytine recouvertes de quartz, des crêtes de barytine englobées dans de la fluorine…