Image de la semaine | 07/12/2015
Les reculées du Jura
07/12/2015
Résumé
La reculée (ou bout du monde), une morphologie de vallée en pays calcaire.
Source - © 2012 gatef sur panoramio | Source - © 2010 Robert LE PENNEC sur panoramio |
La reculée de Baume-les Messieurs est la plus belle et la plus caractéristique des reculées du Jura.
Une reculée est une forme morphologique désignant une échancrure prononcée dans un plateau de couches calcaires tabulaires horizontales constituant un type de vallées fréquentes dans le Jura, en Bourgogne, dans les Causses... La reculée s'achève en amont par un cirque entouré de falaises verticales au pied desquelles prend le plus souvent naissance une rivière, qui est souvent l'exutoire d'un système hydrologique karstique souterrain circulant au travers de cavités interconnectées. Au cours des temps géologiques, le fond de la reculée progresse vers l'amont, en partie à cause du gel et des éboulements des falaises dont les blocs sont emportés par la rivière, et aussi par le recul de la sortie de la rivière souterraine qui s'agrandit et qui finit par s'ébouler. Quand un cours d'eau non souterrain arrive de l'amont en coulant à la surface des couches calcaires, il tombe dans la reculée par une cascade. Mais celle-ci doit avoir un débit faible ou intermittent pour ne pas inciser le rebord de la falaise (la vallée serait alors une vallée ordinaire, et non pas une reculée), ou pour le moins l'inciser plus lentement que son recul dû au gel, aux éboulements et à la sape par la rivière souterraine. Souvent, le tracé de ces reculés suit celui d'une faille, en particulier parce que les failles guident souvent le cours des rivières souterraines. Les reculées sont souvent appelées « bout du monde », en particulier en Bourgogne.
Source - © 2015 D'après J.C. Petit, modifié
La reculée dite de Baume-les-Messieurs n'est pas seule se trouvant sur cette commune. Il existe en fait trois reculées d'importance inégale se rejoignant au niveau du village de Baume-les-Messieurs. La rivière ainsi formée, la Seille, quitte les Monts du Jura et rejoint la Saône juste en aval de Tournus. Outre son intérêt géologique, le village de baume-les-Messieurs offre un intérêt historique avec sa magnifique abbaye fondée au Xème siècle et dont l'essentiel des bâtiments datent du XIème.
Le système de reculées de Baume-les-Messieurs n'est pas le seul du Jura. Nous allons en visiter deux autres : une reculée "typique", la reculée des Planches-près-Arbois, et la "quasi-reculée" du Hérisson (commune de Menétrux-en-Joux). Outre leur intérêt géologique, la visite de ces reculées permet de découvrir un grand vignoble (les vins d'Arbois) et de belles cascades (les cascades du Hérisson, cf Visite touristique des chutes et travertins du Hérisson (Jura)).
Source - © 2014 collin pascal sur flickr | |
La rivière nommée le Hérisson est en train de creuser une vallée de morphologie intermédiaire entre une vallée classique en pays calcaire et une reculée. Le Hérisson vient du plateau de Bonlieu (et en partie du lac de même nom) situé vers 750-800 m d'altitude. Elle rejoint par une gorge le fond plat de la vallée aval en partie occupée par le lac du Val, situé à une altitude d'environ 500 m, 300 m plus bas donc. En amont, la vallée ne devient véritablement profonde qu'après la cascade du Grand Saut (60 m de hauteur) où le Hérisson franchit la barre calcaire kimméridgienne (Jurassique supérieur). Encore plus en amont, il franchit quelques petites barres calcaires par de petites cascades. En aval, il y a d'autre petites barres calcaires et petites cascades, ainsi qu'un grande cascade, celle de l'Éventail (65 m de hauteur). Morphologiquement, la vallée du Hérisson ressemble à une reculée, la falaise kimméridgienne fermant le cirque. Mais avec une différence de taille par rapport aux reculées de Baume-les-Messieurs et des Planches. Pour ces deux reculées, seules des rivières souterraines sortent et coulent au fond des cirques. Dans le cas du Hérisson, la falaise terminale de la reculée est franchie par une cascade avec une rivière arrivant de l'amont. La différence n'est en fait pas si importante. Une part importante du Hérisson se perd dans la barre kimméridgienne en amont de la cascade du Grand Saut et ressort par de nombreuses résurgences au fond de la vallée, à la base du Kimméridgien, en aval du Grand Saut. Pendant les périodes d'étiage, la cascade du Grand Saut et à sec, 100% du débit empruntant un parcourt souterrain. Si dans l'avenir les pertes du Hérisson n'augmentent pas, le débit à l'air libre du Hérisson sur le calcaire kimméridgien perdurera, la cascade du grand saut reculera par érosion, et la vallée du Hérisson deviendra une vallée classique. Si, par contre, les pertes amont sont de plus en plus importantes, le cours aérien du Hérisson sur le Kimméridgien va devenir une vallée sèche, et la vallée du Hérisson deviendra une reculée typique.
Les siècles et millénaires à venir nous diront ce que deviendra cette vallée du Hérisson. Et il est tout à fait possible que les reculées de Baume-les-Messieurs et des planches aient eu, il y a quelques milliers d'années, une morphologie et un fonctionnement identiques à ceux du Hérisson actuel. Un article séparé va nous faire "visiter" cette vallée du Hérisson et ses multiples cascades : Visite touristique des chutes et travertins du Hérisson (Jura).