Image de la semaine | 02/12/2013
La faille bordière d'un bloc basculé dans les Alpes : la faille du col d'Ornon, La Chalp, commune de Chantelouve (Isère)
02/12/2013
Résumé
Traces de l'histoire extensive des Alpes : faille normale, demi-graben, olistolithes et sédimentation en eau profonde.
La présence de grandes failles normales dans les Alpes est le témoignage de l'extension qui a affecté la bordure du continent européen avant et pendant l'initiation de l'ouverture de l'océan alpin au Jurassique. Ces failles normales ont ensuite plus ou moins été reprises et affectées par les phénomènes de convergence qui ont engendré les Alpes. Assez souvent les "petites" failles normales sont conservées (comme nous le verrons la semaine prochaine). Mais les grandes failles normales à jeu pluri-kilométrique, celles qui ont engendré des demi-grabens et des blocs basculés, assez similaires à ceux que révèle la sismique réflexion dans les marges actuelles, sont difficiles à voir ou même à appréhender. La faille du col d'Ornon est l'une de ces failles majeures qui permet de montrer qu'il y a eu une extension de grande ampleur en bordure du continent européen lors de l'ouverture de l'océan alpin.
Dans un premier temps (image 1 à 11) nous regarderons le miroir de cette faille et les roches voisines de plus en plus près. Puis dans un second temps, nous regarderons des particularités du Mésozoïque situé à l'Est de cette faille, ce qui, à l'aide de la carte géologique, nous permettra de reconstituer le fonctionnement passé et la géométrie actuelle de ce demi-graben initié au Jurassique.
L'étude des roches du compartiment supérieur de l'Est (alternances marno-calcaires datant du Lias supérieur, l4b-5a sur la carte géologique) est riche d'enseignement. Ces roches du compartiment supérieur comportent deux particularités relativement peu fréquentes au niveau du compartiment supérieur d'une faille normale.
Première particularité. Les roches sédimentaires de ce compartiment supérieur sont très déformées. Elles montrent une très belle schistosité sub-verticale là où elles affleurent près de la faille normale. Ces mêmes roches du Lias (supérieur et aussi inférieur) montrent de très beaux plis, parfois avec schistosité, de l'autre côté de la vallée. Ce sont des plis identiques aux plis de La Paute décrits la semaine dernière, situés à 12 km au Nord. Ces roches sédimentaires du Lias (Jurassique inférieur) ont donc subi une compression et un raccourcissement (E-O) après leur dépôt.
Deuxième particularité. La série stratigraphique affleurant dans la vallée est constitué de haut en bas de :
- Lias supérieur : marno-calcaires, sédiments pélagiques, déposés en eau relativement profonde (> 100 m) (c'est ce Lias supérieur qui affleure au niveau de la faille) ;
- Lias inférieur constitué de calcaires déposés en eau peu profonde ;
- Trias constitué d'une faible épaisseur de dolomies (formées en eau peu profonde), dolomies contenant des coulées de basaltes interstratifiées dans les dolomies (il y a eu de nombreuses éruptions de laves basaltiques au Trias dans la région).
On retrouve des blocs de ces "anciennes" formations (Lias inférieur et Trias) emballés dans les calcaires marneux du Lias supérieur juste au pied de la faille, et uniquement au pied de la faille. Les blocs de ces roches plus anciennes sont de toutes tailles, du centimètre au décamètre ; dans ce dernier cas, ils portent le nom d'olistolithes. Ces blocs sont « tombés », se sont éboulés ou ont glissé dans la mer "profonde" du Lias supérieur, et se sont « posés » dans les sédiments pélagiques en cours de sédimentation. Ils venaient forcément de plus haut. La mer profonde du Lias supérieur était donc bordée, à l'Ouest, de hauts fonds, voire de terrains émergés d'où pouvaient tomber des blocs déjà déposés des terrains du Lias inférieur ou du Trias. Or, à l'Est de la faille, Lias inférieur et Trias existent, mais situés 1000 m sous la surface topographique actuelle de la vallée de la Malsanne. Au Lias supérieur, le trajet de la faille actuel correspondait donc à une forte pente séparant un compartiment surelevé à l'ouest et une mer profonde à l'Est. Au Lias supérieur, de ce compartiment surélevé se détachaient des blocs de terrains plus anciens glissant dans les marnes se déposant dans la mer profonde du Lias supérieur. Tout cela démontre que la faille du col d'Ornon a joué en faille normale majeure au Lias supérieur (et au Jurassique moyen) et que les 2500m de dénivelé séparant le Trias du bloc Ouest du Trias du bloc Est ont été pour une bonne part acquis à cette époque. On peu ainsi "dater" la formation de ce demi-graben : sommet du Jurassique inférieur, et Jurassique moyen.