Image de la semaine | 08/04/2013
Failles inverses, ou failles normales basculées dans la caldeira des Mont-Dore, Murat-le-Quaire (Puy de Dôme) ?
08/04/2013
Résumé
Interprétation tectonique de failles atypiques, tectonique syn-sédimentaire et basculement.
Quand on se promène sur la départementale D219 entre Murat-le-Quaire et le Mont-Dore, on traverse des formations volcano-sédimentaires, alternance plus ou moins stratifiées de dépôts ignimbritiques, de lahars, de dépôts de cendres fines… le tout pouvant être originel ou remanié dans des dépôts fluvio-lacustres et pouvant être traversés par des filons ou protrusions divers. L'affleurement décrit ici est affecté d'un pendage d‘environ 45° vers l'Ouest. Il comprend un niveau d'environ 2 m d'épaisseur présentant une fine granulométrie, alternance de strates claires et sombres. Ce niveau bien stratifié est affecté de 2 failles inverses, aux pendages atypiques de 10 et 80°, alors que le pendage "usuel" des failles inverses est en général compris entre 30 et 45° (cf., par exemple, Faille inverse sur un front de taille et Failles inverses simples dans le Trias du Lodevois.
Ce niveau faillé à granulométrie fine est encadré de niveaux à granulométrie beaucoup plus grossière.
J'ai visité cet affleurement à deux reprises : en 2008 (figures 1 à 3) et en 1984 (figure 5 à 7). Entre ces deux visites, l'affleurement en bord de route avait été "rectifié" par les services de l'Équipement, et la falaise avait été reculée d'environ 1 m. On ne retrouvait donc pas en 2008 exactement le même affleurement qu'en 1984.
Quand on voit des failles ayant un pendage atypique dans une série stratifiée présentant elle-même un pendage, il faut se demander (1) si les couches ont été déposées à l'origine avec ce pendage ou si elles ont été basculées par la suite, et (2) si les couches ont été basculées, les failles ont-elles été faite avant ou après le basculement ?
Un pendage de 45 à 50° est difficile à imaginer avec cette valeur dès l'origine, même dans des terrains volcaniques. Des cendres qui retombent forment certes des couches avec un pendage initial, mais celui-ci dépasse rarement 30 à 40°. Les couches ont donc probablement été basculées postérieurement à leur dépôt. Se pose alors le problème de la chronologie relative basculement/failles.
Si avec un logiciel de traitement d'image on remet les couches à l'horizontale, on s'aperçoit que nos failles inverses atypiques deviennent des failles normales presque classiques, dessinant de beaux grabens limités par des failles normales conjuguées. On peut alors proposer que nos petites failles de Murat-le-Quaire soient des mini-failles normales classiques, basculées postérieurement à leur formation.
La semaine dernière, nous avons « joué au cube » avec un poisson fossile affecté par une faille, une même faille devenant normale, inverse ou décrochante selon la position du cube. Ici, c'est la nature (une tectonique) et un logiciel de traitement d'image qui ont « joué au cube ».
Il reste maintenant à expliquer (1) cette extension syn-sédimentaire et (2) ce basculement postérieur.
Ces failles affectent les terrains légendés VS2 sur la carte géologique de Bourg-Lastic, terrains appelés « volcano-sédimentaire intercalaire », et qui surmonte la « Nappe de ponce inférieure », légendée ρci. L'émission de la Nappe de ponce inférieure s'est accompagnée de la formation d'une caldeira, la caldeira de la Haute Dordogne, relativement bien documentée par des données géophysiques. Il est à noter que les failles d'effondrement externes de cette caldeira ne sont pas figurées sur la carte géologique au 1/50.000 (car cachetées par des formations plus tardives) mais le sont sur la carte au 1/1.000.000. Notre affleurement est situé à l'intérieur de la caldeira, près de son bord externe Nord-Ouest. Le volcano-sédimentaire intercalaire rempli cette caldeira, qui a dû être temporairement occupée par un lac. Ces terrains ont dû se déposer dans ce lac, pendant qu'une légère extension syn-volcanique (nouveau fonctionnement ou agrandissement de la caldeira, gonflement de la chambre…) se produisait encore. L'origine de l'important basculement postérieur est plus difficile à expliquer. Peut-être un fonctionnement ultérieur de la caldeira s'est-il produit avec des failles bordières listriques entraînant la formation de giga-blocs basculés ? Peut-être une intrusion (comme le dôme rhyolitique de la Gacherie distant de seulement 340 m, ou de petits dômes de phonolite voisins) a-t-elle basculé les couches dans lesquelles elle s'est intrudée ?