Image de la semaine | 05/09/2011
Quand les petits théropodes marchaient dans les traces des grands sauropodes, chantier de fouille de Plagne (état au 1er août 2011)
05/09/2011
Résumé
Découverte d'empreintes de théropodes, en plus de celles de sauropodes, sur le site de Plagne (Ain).
En avril 2009, des paléontologues amateurs (et éclairés) découvrent des traces circulaires dans des dalles calcaires du Jurassique terminal près du village de Plagne (Ain). Des paléontologues du Laboratoire de Géologie de Lyon (Jean-Michel Mazin et Pierre Hantzpergue) confirment l'intérêt de la découverte : il s'agit d'une piste de sauropode géant. Les résultats des fouilles de l'été 2009 sont rapidement décrits et ces traces de sauropodes présentées au printemps 2010, ici-même. On peut trouver plus de détails sur ce site exceptionnel, sur l'équipe qui effectue les recherches… sur le site dédié dinoplagne.com.
Deux autres campagnes de fouille, sous la direction Jean-Michel Mazin ont eu lieu les étés 2010 et 2011. Elles ont permis de préciser les conditions sédimentologiques qui régnaient à Plagne quand est passé le grand sauropode : bord de lagune marine en milieu inter- ou péri-tidal, assèchement périodique, colonisation des vases calcaires par des tapis bactériens… Des plans et mesures précises, en particulier grâce à des images aériennes et des mesures laser, ont été faites par l'équipe du Laboratoire de Géologie de Lyon, pour que ce site exceptionnel soit « conservé » in silico, car malgré les mesures de consolidation, la préservation à long terme d'un site d'une telle dimension posera des problèmes.
Pendant les fouilles 2010, la couche à empreintes de sauropode a été localement enlevée à droite et à gauche de la piste. Ces dégagements locaux ont mis à jour, une vingtaine de centimètres sous le niveau à empreintes de sauropode, une couche avec de superbes fentes de dessiccation bien régulières. En deux endroits distants d'une quinzaine de mètres, cette couche révèle deux pistes de théropodes, l'une se dirigeant vers le Sud-Ouest, et l'autre vers le Nord-Est.
Rappelons que les théropodes sont un des deux grands clades de dinosaures, l'autre clade étant les sauropodes. Les théropodes les plus célèbres sont les tyrannosaures et les vélociraptors. On connaît une vingtaine de groupes de thérosaures, dont le seul groupe de dinosaure qui ait survécu à la crise K-T, les oiseaux (Avialae, ou Aves).
Le sauropode a donc croisé les pistes de deux théropodes ; mais ils n'ont pas pu se rencontrer, puisque le sauropode est passé « 20 cm plus tard » que les théropodes. Toute la question est de savoir à quelle durée correspondent ces 20 cm de calcaire. En milieu intertidal, chaque marée peut déposer « quelques » millimètres de sédiments. Mais chaque marée peut aussi éroder quelques millimètres de sédiments précédemment déposés. Si les sédimentologues du Laboratoire de Géologie de Lyon arrivent à démontrer qu'il n'y a eu aucune érosion pendant le dépôt de ces 20 cm, si on fait abstraction des phénomènes de mortes et vives eaux, et si on suppose qu'une marée dépose une couche d'1 mm, les 20 cm correspondent alors à 200 marées, soit une centaine de jours. Si il y a eu de l'érosion pendant le dépôt de ces 20 cm, alors l'écart chronologique entre les deux types de pistes peut tout aussi bien correspondre à quelques mois ou quelques millénaires, ce qui de toute façon est géologiquement « négligeable ». Quoi qu'il en soit, ce site de lagune et de bord de mer était très fréquenté par différents dinosaures à cette époque.
Les fouilles de 2011 ont prolongé vers l'Ouest (vers l'aval) la piste principale de sauropode. C'est maintenant la plus longue du monde puisqu'on peut la suivre sur 155 m. Elle « bat » ainsi la piste de Galinha (au Portugal) qui n'avait « que » 147,5 m. À quelques mètres de la terminaison du chantier de juillet 2011, les fouilleurs ont eu la chance et la perspicacité de trouver et d'identifier une unique empreinte de théropode, à l'intérieur d'une empreinte de sauropode (figure 1). Dans ce cas, le théropode a suivi le sauropode, à moins d'une inondation (marée haute ?) d'écart. Il s'agit là d'un cas tout à fait exceptionnel, sans doute très rare (pour ne pas dire unique) dans le monde. Il nous faut maintenant attendre la publication, par les paléontologues et les sédimentologues du Laboratoire de Géologie de Lyon, des résultats détaillés de tous leurs travaux.
En attendant ces publications, le site est ouvert au public, et placé sous sa protection. Un parking a été créé, un sentier de visite est aménagé, et les fouilles sensu stricto (bien entendu avec interdiction de passage et de prélèvement) sont délimitées par des « rubans » de plastique. Des panneaux explicatifs permettent des visites libres, mais au moins pendant les étés, des visites guidées sont organisées. Par contre, pendant les hivers, tout le site sera probablement bâché pour être au maximum à l'abri des intempéries.