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Image de la semaine | 12/04/2010

Utilisation des calcaires lithographiques de Cerin (Ain)

12/04/2010

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Le calcaire fin, roche fossilifère et roche d'impression.


Plaque de calcaire lithographique de Cerin (Ain) ayant servi de matrice pour des reproductions de planches de dessins de fossiles

Figure 1. Plaque de calcaire lithographique de Cerin (Ain) ayant servi de matrice pour des reproductions de planches de dessins de fossiles

Le dessin est ici celui d'un Sapheosaurus thiollieri entier (Rhynchocéphale provenant lui-même de Cerin). Sur le côté certains détails de son squelette et d'autres fossiles de Cerin, dont une tortue (en bas à droite).

Le dessin de l'échantillon central (plaque de calcaire portant le fossile) est tellement bien fait et réaliste que cela donne l'impression d'un vrai échantillon avec son relief, alors que cette plaque de calcaire lithographique est parfaitement plate et lisse. Le « titre » de cette plaque est inscrit en bas au centre.

Plaque de 70 cm x 36 cm, Musée des confluences, Lyon.


La lithographie (du grec lithos : la pierre et graphein : écrire) est un procédé d'imprimerie inventé en 1796 par l'Allemand Aloïs Senefelder. Il servait essentiellement à dupliquer des dessins, des plaques de calcaire remplaçant les classiques plaques de cuivre. Il fallait prendre une plaque de calcaire au grain le plus fin et le plus homogène possible (appelé pour cela calcaire lithographique) et la polir pour en faire une surface la plus plate et lisse possible. Sur cette plaque polie, on écrivait ou dessinait « à l'envers » à l'aide une « encre » spéciale. Deux variantes étaient alors possibles.

La première variante était comparable à la gravure sur cuivre : l'encre utilisée était imperméable et inattaquable aux acides dilués. Une fois le dessin effectué sur la plaque (de calcaire ou de cuivre), on attaquait la plaque à l'acide dilué, les parties recouvertes d'encre restaient en relief et on obtenait une plaque pouvant servir d'empreinte.

La deuxième variante est spécifique au calcaire lithographique. Pour dessiner sur la plaque de calcaire, on utilisait une encre très spéciale (encre n°1) : insoluble dans l'eau, imperméable, hydrophobe mais « calcarophile », c'est-à-dire imprégnant bien le calcaire. Une fois l'encre bien fixée au calcaire et bien sèche, on mouillait la plaque calcaire. À cause de sa (très légère) porosité, le calcaire s'humidifiait dans sa masse, sauf aux endroit où l'on avait dessiné avec l'encre n°1. Avec un rouleau spécial, on étalait légèrement sur la plaque une nouvelle encre (encre n° 2) particulièrement hydrophobe. Cette encre n°2 recouvrait alors les parties précédemment recouvertes de l'encre n°1, en épargnant ce qui était humide, c'est-à-dire le calcaire nu (et humide) qui était entre les traits du dessin. Il ne restait plus qu'à se servir de cette plaque comme une « matrice » classique avant que l'encre n°2 ne sèche. Ce procédé permettait des gravures d'une extrême finesse. C'est pour cet usage que furent exploités les calcaires lithographiques de Cerin de 1850 à 1910. Mais au début de XXème siècle, la photographie sonna le glas de la lithographie sur calcaire, sauf pour quelques usages « de luxe ».

Détail du dessin de la tête de Sapheosaurus thiollieri, sur plaque de calcaire lithographique de Cerin (Ain)

Figure 2. Détail du dessin de la tête de Sapheosaurus thiollieri, sur plaque de calcaire lithographique de Cerin (Ain)

Ce dessin, parfait « trompe l'œil », donne une parfaite impression de relief, alors que ce fossile est dessiné sur une plaque de calcaire polie parfaitement plate et lisse (la partie de la plaque calcaire où est posée la pièce d'un euro est exactement au même niveau que la zone où est dessiné le squelette).


Détail de la « légende » de cette plaque de calcaire lithographique de Cerin (Ain)

Figure 3. Détail de la « légende » de cette plaque de calcaire lithographique de Cerin (Ain)

Pour que la légende puisse se lire une fois imprimée sur papier, elle devait bien sûr être écrite « à l'envers » sur la plaque calcaire. La pièce d'un euro, visible de façon normale, montre que cette image n'a pas été retournée lors de la mise en page de cet article.


Montage plaque d'impression / page imprimée

Figure 4. Montage plaque d'impression / page imprimée

Montage montrant à gauche la photo « normale » de la légende de la plaque calcaire, et à droite, l'image de cette légende « comme vue dans un miroir », et donc comme imprimée, permettant de la lire (la pièce d'un euro est bien « retournée »).



Montage original / dessin de Sapheosaurus thiollieri, Rhynchocéphale de Cerin, Ain

Figure 6. Montage original / dessin de Sapheosaurus thiollieri, Rhynchocéphale de Cerin, Ain

En haut, détail du dessin de la plaque (dessiné « à l'envers ») et en bas, détail du fossile modèle. Le trait noir en pointillé représente un axe de symétrie. La comparaison entre le dessin et la photo de l'original montre la part d'interprétation que s'est permise le dessinateur.


Section d'une strate de la carrière de Cerin (Ain) montrant la finesse et l'homogénéité du grain de ce calcaire lithographique

Figure 7. Section d'une strate de la carrière de Cerin (Ain) montrant la finesse et l'homogénéité du grain de ce calcaire lithographique

La plaque des figures 1 à 6 possède une telle finesse et une telle homogénéité de grain.


Les strates de calcaire lithographique de Cerin, Ain

Figure 8. Les strates de calcaire lithographique de Cerin, Ain

C'est de telles strates de calcaire lithographique que fut extraite, dans la carrière de Cerin, la plaque des figures 1 à 6.


La totalité des fossiles montrés ici fait partie des réserves du futur Musée des Confluences de Lyon, musée en cours de construction, qui devrait ouvrir en 2014-2015. Sous la conduite éclairée de Didier Berthet, responsable des collections de Cerin, j'ai pu accéder à ces réserves et en photographier une (petite) partie. Merci à lui de m'y avoir guidé et de m'autoriser à diffuser ces photos. À partir de 2014-2015, vous pourrez voir certains de ces échantillons et biens d'autres encore dans les expositions permanentes du musée ainsi que dans des expositions temporaires. Le Musée des Confluences a également publié un « beau livre », livre magnifiquement illustré par un photographe professionnel, livre retraçant l'histoire du site de Cerin qui complétera et approfondira ces dossiers Planet-Terre.