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Image de la semaine | 02/05/2005

Dépôts de travertin à la sortie de sources karstiques

02/05/2005

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Précipitation naturelle de carbonate de calcium : travertins et gours dans les environs de Rennes de Château (Aude) et de Baume-les-Messieurs (Jura)




Série de gours étagés, ruisseau de Baume-les Messieurs (Jura)

Figure 3. Série de gours étagés, ruisseau de Baume-les Messieurs (Jura)

Noter encore et toujours la couleur bleue des eaux, visible malgré le temps couvert et la faible luminosité du sous-bois.


Nous avons vu il y a deux semaines que les eaux circulant dans des karsts (calcaires) se chargent d'ions HCO3- et Ca2+ en solution. Quand ces eaux arrivent en surface au niveau dune source, elles relâchent vers l'atmosphère un peu de CO2, perte de CO2 qui est grandement favorisée par la photosynthèse de mousses, d'algues, de bactéries… Cette perte de CO2 déplace l'équilibre des carbonates "vers la droite" (dans l'équation ci-dessous), et entraîne un précipité de CaCO3.

2 HCO3- + Ca2+̵̵̵ ↔ CO2 + CaCO3 + H2O

Nous vous avons montré l'effet de cette précipitation quand celle-ci reste sous forme de micro-particules en suspension dans l'eau : une très belle couleur bleue. Nous vous avons aussi montré la semaine dernière les effets des remous dus à l'émergence des eaux.

Mais très souvent, non contentes de donner des micro-précipités en suspension, ou de remuer les sédiments pouvant se trouver au niveau des sources, ces émergences déposent du calcaire massif, directement au point de sortie (figures 1 et 2 ), ou sur les quelques centaines de mètres qui suivent la source (figure 3). Des dépôts de calcaires de ce type sont appelés "travertin", ou encore "tuf" (terme qu'il vaut mieux éviter pour ne pas introduire de confusion avec certains dépôts volcaniques autrefois aussi appelés "tuf ").

La photographie 1, prise dans les environs de Rennes le Château (Aude) montre un tel dépôts de travertin, recouverts de mousse qui participent à la précipitation. De telles mousses, souvent Eucladium verticilatum, sont vertes au sommet de leur tige feuillée, mais déjà recouvertes de CaCO3 à leur base. La photographie 2 (Baume-les-Messieurs, Jura) montre le même phénomène à plus grande échelle.

Après leurs émergences, les eaux de telles sources peuvent encore contenir des quantités notables de Ca++ et d'HCO3-. Celui-ci va alors se déposer dans le lit du cours d'eau, en construisant des espèces de murs, limitant des "mini-lacs" appelés gours, comme on le voit dans le lit de ce ruisseau (figure 3) qui provient de la source de Baume Les Messieurs (figure 2). Quelle est l'origine de ces constructions formant des murs barrant le ruisseau ? Là où un obstacle rend le lit du ruisseau est un peu moins profond qu'ailleurs, l'eau coule plus vite et est plus agitée ; alors le CO2 se dégaze mieux à cet endroit que là où l'eau est plus calme. Le CaCO3 y précipite préférentiellement, ce qui surélève l'obstacle et amplifie le phénomène. Et c'est également là où la profondeur d'eau est la plus faible qu'il y a le plus de lumière et où prospèrent le mieux micro-algues et bactéries photosynthétiques fixées, qui favorisent aussi la précipitation de CaCO3. Cette précipitation de CaCO3 qui ré-hausse toutes les irrégularités initiales finit par faire une série de murs, qui barrent complètement le ruisseau. On trouve fréquemment de tels murs et gours dans les rivières souterraines.

De tels dépôts de travertins existent bien sûr au niveau de sources naturelles, mais aussi de sources captées, comme par exemple la célèbre "Fontaine Moussue" d'Aix en Provence. Dans ce cas précis , des eaux carbonatées, qui viennent de plus de 500 m de profondeur (vue leur température et la présence d'autres sels dissous que Ca++ et HCO3-) ont été amenées par conduites souterraines sur le cours principal d'Aix (maintenant le Cours Mirabeau) pour alimenter une fontaine construite en 1667. Depuis cette date, ces eaux (aidées par des mousses) ont déposé et déposent encore de grande quantité de travertin, d'où le nom actuel de la fontaine.


Dans les semaines ou mois qui viennent, nous reviendrons sur ces dépôts de travertins calcaires.