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Article | 08/06/2012

Le volcanisme dans le système solaire

08/06/2012

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Le magmatisme primordial dans le système solaire, passage en revue des planètes telluriques et des principaux satellites connaissant ou ayant connu une activité volcanique, magmatisme et énergie.


La revue Le Règne Minéral publie en ce mois de juin 2012 un cahier spécial consacré aux météorites différenciées. Cet article est un premier jet destiné à ce numéro spécial, premier jet qui a dû être réduit pour satisfaire aux contraintes éditoriales de la revue. Vous trouverez donc cet article (un peu diminué) dans ce premier numéro des Cahiers du Règne Minéral intitulé Les météorites différenciées. Vous y trouverez plus d'une quinzaine d'autres articles consacrés aux météorites. Page de garde et table des matières vous sont proposées en annexe à la fin de cette version en ligne.

La majorité des météorites différenciées sont des roches magmatiques, c'est-à-dire résultant de la cristallisation par refroidissement d'un magma, bain silicaté fondu. Les survols par les sondes spatiales de Mercure, Vénus, la Lune, Mars, Io… montrent tous que deux morphologies dominent la surface de ces corps : les cratères d'impact et (ou) le volcanisme. Le volcanisme, semble bien un agent géologique majeur qui façonne la surface des corps solides du système solaire. Nous allons faire un voyage dans le temps et dans l'espace à la recherche du volcanisme dans le système solaire.

Le magmatisme primordial

Beaucoup d'HED (classe de météorites regroupant principalement les Howardites, Eucrites et Diogénites) sont des roches magmatiques âgées de presque 4,5 Ga (milliards d'années). La croûte des "continents" lunaires a été échantillonnée par les missions Apollo, et est principalement constituée d'anorthosite (roche magmatique composée à 90% de plagioclases) et d'autres gabbros plus minoritaires et a quasiment le même âge. Comment expliquer ces anorthosites lunaires ultra-précoces ? Lune et planètes ont été faites de l'accrétion de planétésimaux et/ou de petites planètes, petits corps en orbite autour de leur planète (dans le cas des satellites) ou du Soleil dans le cas des planètes. La chute de ces petits corps les uns sur les autres libère de l'énergie gravitationnelle, et ce d'autant plus que le corps grossit. Cette énergie réchauffe le corps en accrétion et, passée une certaine température, les corps s'accrètent fondus. À cette chaleur d'accrétion s'ajoute celle de la radioactivité à courte période, due aux éléments radioactifs venant d'être synthétisés dans les supernovæ qui ont précédé de peu la formation du système solaire. Cet état liquide des corps en formation permet la séparation du fer qui descend au centre pour former le noyau et des silicates qui vont former un océan magmatique. Mais l'accrétion et la radioactivité à courte période sont des phénomènes brefs, et ces sources de chaleur déclinent et cessent rapidement. Planètes et satellites, partiellement voire totalement fondus, se refroidissent. Cela a été le cas de la Lune. Des minéraux cristallisent dans l'océan magmatique. Les plus denses (olivines et pyroxènes) tombent et vont former le manteau lunaire. Les moins denses (plagioclases) flottent, et vont former la croûte. Juste avant la fin de la cristallisation totale, il reste un peu de liquide résiduel "coincé" entre la croûte et le manteau, liquide où se sont concentrés tous les éléments chimiques "mal à l'aise" dans le réseau cristallin des silicates (on parle d'éléments incompatibles), dont le potassium (K), les terres rares (REE = Rares Earth Eléments) et le phosphore (P). Or les impacts géants qui ont perforé la croûte lunaire ont remonté dans leurs éjectas des basaltes KREEP, justement riches en ces éléments incompatibles. La Lune est donc un extraordinaire témoin de l'histoire magmatique primordiale, histoire qui a dû arriver (avec des variantes) aux autres gros corps du système solaire, mais histoire qui a souvent été (presque) totalement effacée par l'activité géologique postérieure.

La pierre de la Genèse, un échantillon d'anorthosite lunaire

Figure 1. La pierre de la Genèse, un échantillon d'anorthosite lunaire

Il s'agit d'une roche quasi-exclusivement constituée de feldspath plagioclase. Juste après son retour sur Terre (en 1971), cette roche a été datée de -4,5 Ga, ce qui en faisait l'échantillon le plus vieux du système solaire (hors météorites). C'est pour cela que cet échantillon a été nommé pierre de la Genèse. Ce serait un fragment de la croûte lunaire profonde remontée il y a 3,9 Ga par l'impact d'Imbrium. De nouvelles datations proposent un âge plus récent (4,1 Ga) qui remettent en question cette interprétation classique. Affaire à suivre !


La Lune et Mercure : un volcanisme basaltique éteint depuis 2 à 3 Ga

Il y a 4 Ga, le manteau de la Lune (et de Mercure) devait être entièrement solide après la cristallisation de la "dernière goutte" de KREEP. Mais il restait des sources radioactives à longue période (U, Th, 40K) dans ce manteau. Cette production d'énergie interne a entrainé pendant au moins 1 milliard d'années sa fusion partielle locale, à l'origine d'une intense production de basalte. Ce basalte est sorti et a recouvert la croûte anorthositique solidifiée depuis longtemps. Ces basaltes sont sortis préférentiellement là où la croûte était mince, et se sont surtout accumulés dans les dépressions formées par les impacts géants qui ont eu lieu dans tout le système solaire vers -3,9/3,8 Ga. Ainsi sont nées les "mers" lunaires, et leurs équivalents sur Mercure. Dans ces "mers", quasi-exclusivement formées d'un basalte très fluide, on ne voit que très peu de volcans au sens classique du terme (montagnes avec cratères sommitaux…), mais seulement des coulées, et toutes les morphologies associées. Ces basaltes ressemblent beaucoup à leurs équivalents terrestres, mais avec de petites différence ; ils sont plus riches en titane par exemple. On connait sur la Lune quelques rares structures que l'on pourrait interpréter comme des dômes. Une différenciation sur la Lune ? Faute d'échantillons, le problème reste ouvert. Le volcanisme lunaire et mercurien semble s'être définitivement arrêté depuis 2 à 3 milliards d'années. Les causes et les contextes géodynamiques du volcanisme de la Lune et de Mercure ne sont pas bien compris.

La Mer de la Sérénité (Mare Serenitatis) à la surface de la Lune

Figure 2. La Mer de la Sérénité (Mare Serenitatis) à la surface de la Lune

Cette photo prise par Apollo 17 montre le bord oriental de la Mer de la Sérénité. La moitié droite de l'image montre ce qu'on appelle les continents, formés de la croûte primordiale anorthositique. De très nombreux cratères d'impacts attestent que ces continents ont plus de 3,9 Ga. La moitié gauche est constituée d'une vaste plaine basaltique lisse, faiblement cratérisée (âge d'environ -3,5 Ga), très représentative des mers lunaires.


Coulées de lave lunaire près des Monts La Hire, à l'Ouest de la mer des Pluies (Mare Imbrium), avec leur morphologie caractéristique

Figure 3. Coulées de lave lunaire près des Monts La Hire, à l'Ouest de la mer des Pluies (Mare Imbrium), avec leur morphologie caractéristique

La belle coulée visible au centre inférieur de l'image mesure une dizaine de kilomètres de large. Une ride (flexure anticlinale) est visible dans la partie supérieure de l'image.

Montage à partir des 3 images AS17-155-2370-707 et suivantes, ...8 et ...9.


Le sillon Hadley, sur la Lune, au bord de la mer des Pluies (Mare Imbrium)

Figure 4. Le sillon Hadley, sur la Lune, au bord de la mer des Pluies (Mare Imbrium)

La flèche blanche indique le site d'atterrissage d'Apollo 15.

Souvent, quand de grands épanchements basaltiques se forment, la lave se solidifie presque totalement, sauf certains chenaux internes qui restent liquides à l'intérieur de la coulée et dans lesquels la lave continue de couler. À la fin de l'éruption, ces chenaux peuvent se vider par l'aval, et deviennent alors de véritables tunnels. Si le plafond d'un tunnel s'effondre, on obtiendra un sillon, souvent sinueux. Cette morphologie volcanique existe sur Terre, par exemple à la Réunion, à Hawaii, aux Canaries, aux Açores… (cf. Lucarnes (skylights) et tunnels de lave (lava tubes) et Tunnels de lave effondrés (sinuous rilles)). Elle est fréquente sur la Lune, où ces sillons peuvent atteindre plusieurs dizaines de km de long.


Figure 5. Échantillon de basalte lunaire

Cet échantillon de basalte lunaire ne vient pas d'une mission Apollo ; il s'agit d'une météorite (NWA 3160).


Coulée de lave sur Mercure

Figure 6. Coulée de lave sur Mercure

Sur cette mosaïque de photos, prises en 2010 par la sonde Messenger au-dessus de l'hémisphère Nord de Mercure, on voit des épanchements de lave arriver du coin inférieur droit de la photo, emprunter une "vallée" et s'étaler en arrivant dans un grand et vieux cratère de météorite. Avant d'arriver dans ce cratère, la lave a "débordé" par-dessus la vallée et a envahi les terrains environnants avec des figures d'écoulement visibles (flèche noire). En bas à droite une flèche blanche indique une dépression allongée qui n'a pas la morphologie classique des cratères d'impact. La partie droite de cette dépression est même constituée de cratères emboités. Il s'agit vraisemblablement de caldeiras, cratères d'effondrement volcanique.


Cônes volcaniques dans l'océan des Tempêtes (Oceanus Procellarum) sur la Lune

Figure 7. Cônes volcaniques dans l'océan des Tempêtes (Oceanus Procellarum) sur la Lune

Il s'agit des rares "volcans" lunaires à avoir la morphologie classique des volcans (montagne avec cratère sommital). Sur cette image, on voit de multiples petits cratères de météorite avec leur morphologie caractéristique (forme de bol…). Ces cratères perforent l'Océan des Tempêtes, vaste plaine de lave formée d'empilement de coulées basaltiques. Trois cratères (2 jointifs et 1 isolé) ont une morphologie nettement différente des autres cratères. Ce sont des cratères sommitaux de volcans (probablement des cônes de scories) très partiellement ennoyés par le basalte des mers pour les deux cônes jointifs, presque totalement recouvert pour le cône isolé. On peut ainsi montrer que le volcanisme qui a formé la plaine de lave est postérieur au volcanisme pyroclastique qui a engendré les cônes. Chaque cratère volcanique mesure environ 1 km de diamètre.



Mars : la planète aux volcans géants "à peine" éteints

Comme la Lune et Mercure, Mars possède une croûte dont la majeure partie semble être constituée de roches magmatiques anciennes (plus de 3,5 Ga). Mais le volcanisme a continué beaucoup plus longtemps, et a formé des édifices spectaculaires. On cite souvent Olympus Mons, le plus grand volcan du système solaire avec ses 26 km de haut pour 600 km de diamètre. Mais il y en a bien d'autres, avec des morphologies variées où abondent coulées, caldeiras… Les données spectrales effectuées par les sondes (américaines et européennes) en orbite montrent bien que les roches les plus fréquentes, en plus des roches sédimentaires, sont riches en olivine et pyroxène, donc sont très vraisemblablement des basaltes. Les robots posés à la surface ont analysé ces roches volcaniques in situ et ont bien confirmé qu'il s'agissait de basaltes sur quatre des six sites d'atterrissage (les deux autres robots se sont posés sur des sédiments). Les études effectuées au sol par le robot Spirit montrent que ce volcanisme a dû être phréato-magmatique, avec altération des basaltes par l'eau, figures montrant un caractère explosif certain… Le volcanisme martien semble éteint depuis quelques dizaines de millions d'années seulement, ce qui est très peu vis-à-vis des 4,5 Ga de Mars. Et peut-être n'est-il qu'endormi.

La dynamique interne à l'origine de ce volcanisme est encore mal comprise. En effet, bien qu'il existe de nombreuses formes tectoniques sur Mars (failles, plis…), la dynamique de Mars n'est pas de type "tectonique des plaques".

Un "petit" volcan martien, Ceraunius Tholus

Figure 9. Un "petit" volcan martien, Ceraunius Tholus

Ce magnifique volcan de 5,5 km de haut pour 130 km de diamètre est un "nain" à côté d'Olympus Mons (26 km de haut, 600 km de diamètre), mais il est si joli, et tellement moins connu ! Le devant de ce volcan est recoupé par un cratère (de météorite) nommé Rahe. Une belle vallée relie le cratère (volcanique) de Ceraunius Tholus et Rahe. Sur cette photo, le relief est exagéré, et les pentes sont en réalité beaucoup plus faibles. Il s'agit d'un volcan ressemblant assez au Mauna Loa à Hawaii.


Coulées de lave martiennes

Figure 10. Coulées de lave martiennes

La région nommée Daedalia Planum est complètement recouverte de coulées de lave venant du volcan Arsia Mons situé 600 km plus au Nord. La longueur du trajet parcouru par ces coulées montre qu'elles sont constituées de lave très fluide, du basalte. On ne voit que peu de cratères de météorites perforant ces coulées, preuve de leur très jeune âge (géologiquement parlant).


Les caldeiras martiennes d'Olympus Mons

Figure 11. Les caldeiras martiennes d'Olympus Mons

Le sommet d'Olympus Mons, le plus grand volcan du système solaire, est affecté par un système d'au moins 6 caldeiras emboitées, cratères dus à la vidange de réservoir(s) de lave profond(s) et à l'effondrement de son toit. Ce système de caldeiras emboitées mesure 80 km dans sa plus grande dimension.


Empilement de coulées de lave martiennes (de type trapp) formant le plateau de Tharsis et entaillé par Valles Marineris

Figure 12. Empilement de coulées de lave martiennes (de type trapp) formant le plateau de Tharsis et entaillé par Valles Marineris

Il n'y a pas que des volcans avec une morphologie de volcans sur Mars, mais aussi d'immenses plateaux basaltiques. Il s'agit d'un empilement de coulées de plusieurs km d'épaisseur. L'ouverture tectonique de Valles Marineris et l'érosion qui a suivi permet de voir cet empilement en coupe sur plusieurs milliers de mètres de dénivelé. La nature basaltique de ces coulées est attestée par les spectres infra-rouges de l'olivine et du pyroxène. L'image mesure environ 3 km de gauche à droite.


Traces de volcanisme explosif sur Mars

Figure 13. Traces de volcanisme explosif sur Mars

Le robot martien Spirit s'est posé en 2004 dans des terrains volcaniques qu'il a explorés en parcourant 7,7 km en  ans. Au cours de son voyage, il est passé près d'affleurements de cendres volcaniques bien stratifiées déposées en couches horizontales. Au niveau d'une petite falaise, l'une des couches de cendre est flexurée juste sous bloc de roche (flèche noire). Cette géométrie est classique sur Terre dans les régions à volcanisme explosif, en particulier phréato-magmatique : une explosion projette en l'air de gros blocs de roches, qui, en retombant, s'enfoncent (en les fléchissant) dans des couches de cendres non encore consolidées.


Vénus, la planète volcanique

Le survol de Vénus par la sonde radar américaine Magellan (1990-1994) a révélé que 100% de la surface de Vénus était constituée de volcans, de coulées, de caldeiras, de dômes… L'âge de ce volcanisme est étonnement jeune, puisque les plus vieilles surfaces n'auraient que 500 Ma, et que le volcanisme semble encore actif. En fait, Vénus est un musée des formes volcanologiques. Il existe même un type de morphologie volcanique unique dans le système solaire : des vallées et chenaux flexueux, ressemblant étonnement à des vallées fluviatiles terrestres ou martiennes. Ces vallées seraient dues à l'érosion thermique du substratum par une coulée de lave particulièrement chaude (des komatiites ?).

S‘il fallait trouver une explication à ce volcanisme sur Vénus et à sa répartition ubiquiste, on pourrait dire que Vénus n'a pas non plus une géodynamique de type tectonique des plaques, mais que c'est un véritable champ de points chauds.

Sapas Mons, un volcan sur Vénus

Figure 14. Sapas Mons, un volcan sur Vénus

La totalité de la surface de Vénus est constituée de volcans, coulées de lave… Sapas Mons est l'un de ces volcans, de type hawaiien, de 400 km de diamètre pour 1500 m de haut (le relief a été ici exagéré 10 fois). Cette image est une image radar faite par la sonde Magellan, car le couvert nuageux de Vénus empêche les sondes en orbite de prendre des photos. Les couleurs sont artificielles. Clair et sombre sur cette image ne signifie pas clair et sombre en vrai, mais réfléchissant ou non le rayonnement radar. Ce qui parait clair, ce sont les pentes inclinées en direction de la sonde, ou les surfaces rugueuses, et inversement pour ce qui parait sombre.


Coulées de lave sur Vénus franchissant une chaine plissée, au niveau d'un col

Figure 15. Coulées de lave sur Vénus franchissant une chaine plissée, au niveau d'un col

L'image mesure 800 km de large. Ces coulées de Vénus de taille assez banale pour cette planète sont plus grandes que la plus longue coulée terrestre (celle du Laki en Islande). Cela montre l'extrême fluidité de certaines des laves de Vénus.

Image initialement traitée pour Du volcanisme actif, ou très récent, sur Vénus ?.


Chenal flexueux sur Vénus

Figure 16. Chenal flexueux sur Vénus

Cette vallée sinueuse de 1 à 2 km de large recoupe une plaine de lave, plaine affectée d'une série de rides anticlinales NNO-SSE. Au NO, une chaine plissée. La photo présentée ici ne montre qu'un fragment de 400 km de long d'une vallée qui en mesure plus de 7000 au total, légèrement plus longue que la vallée du Nil de sa source à son delta, la plus longue vallée terrestre. Qu'est-ce qui peut avoir creusé une telle vallée sur Vénus, planète ou la température dépassant 450°C interdit la présence d'eau (ou de CO2) liquide ? Il est "classiquement" proposé que cette vallée ait été creusée par une coulée de lave "hyper-chaude", tellement chaude qu'elle aurait fait fondre le substratum sur lequel elle coulait, un peu comme le ferait un ruisseau issu d'une source chaude coulant sur un glacier. La haute température (et l'extrême fluidité) supposée de cette lave suggère qu'elle soit de nature komatiitique.


Cône volcanique sur Vénus

Figure 17. Cône volcanique sur Vénus

Il n'y a pas que des coulées et des volcans boucliers sur Vénus, comme le prouve ce "petit" cône pyroclastique de 5 km de diamètre. Le jour de la dernière éruption de cendres, un vent venant du SO a entrainé les cendres vers le NE, occasionnant cette magnifique trainée claire.


Les "pancakes" de Vénus

Figure 18. Les "pancakes" de Vénus

Sur la Lune, Mercure et Mars, la quasi-totalité des figures volcaniques indique une lave très fluide, de type basalte. Sur Vénus, si ces laves fluides sont majoritaires, il existe des volcans attestant l'existence de laves visqueuses. Ces dernières sont sorties à la surface, mais n'ont que peu coulé. Au lieu de faire des coulées, elles ont fait des dômes, à flancs raides et à sommet plat, en forme de crêpe épaisse (pancake). C'est une forte indication que le processus de différenciation magmatique par cristallisation fractionnée, quasi-absent sur la Lune, Mercure et Mars existe sur Vénus, comme sur la Terre d'ailleurs.


Une corona, morphologie volcano-tectonique exclusive de Vénus

Figure 19. Une corona, morphologie volcano-tectonique exclusive de Vénus

En plus des volcans classiques, il existe sur Vénus des structures tectoniques constituées de failles circulaires concentriques appelées coronae, entourant un dôme et/ou une dépression. Le diamètre de ces coronae va de 100 à 2600 km de diamètre. Ces coronae sont classiquement interprétées comme résultant de l'ascension de diapirs mantelliques (à l'origine du bombement) affaissés après leur refroidissement. Très souvent, de très nombreux volcans et points d'émission de coulées sont disposés le long de ces failles circulaires. La corona présentée ici s'appelle Aine Corona. On voit très bien, au Sud de la structure, une dizaine de petits volcans disposés en arc de cercle sur le système de failles concentriques en bas de la photo supérieure, avec un détail de ces petits volcans sur la photo inférieure. Deux gros pancakes sont aussi visibles. Toute la région, en particulier au Nord-Est, est recoupée par des failles a priori sans rapport avec la corona.


Idunn Mons, un volcan actif sur Vénus

Figure 20. Idunn Mons, un volcan actif sur Vénus

Sur les trois images de Vénus qui précèdent on ne voit aucun cratère de météorite, ce qui prouve un âge géologiquement très jeune de ces volcans. Mais le volcanisme est-il encore actif ? La preuve de son activité actuelle est venue de résultats de la sonde européenne Venus Express, dont les détecteurs infra-rouge ont identifié un volcan dont le sommet est anormalement chaud, preuve d'une activité thermique en 2006-2007, années d'acquisition des données. La double image montre le volcan Idunn Mons, de 200 km de diamètre pour 2500 m de hauteur (le relief a été exagéré 30 fois). L'image du haut montre une image radar classique de la sonde NASA Magellan. Sur cette image, on a superposé les données de Venus Express, avec un code de couleur classique : vert-bleu-violet = températures "normales", et jaune-orange-rouge = températures anormalement élevées. La zone chaude est centrée sur le sommet du volcan, ce qui suggère que ce dernier est encore actif.


Pourquoi du volcanisme éteint ici, mourant là et actif ailleurs ?

Sur la Lune et Mercure, le volcanisme est éteint depuis des milliards d'années, sur Mars depuis seulement quelques dizaines de millions d'années, et il est actif sur Vénus (et sur Terre aussi bien sûr). Pourquoi ces différences ? On peut remarquer que la durée du volcanisme est fonction de la taille du corps : la Lune (rayon R de 1738 km) et Mercure (R = 2439 km) sont petits ; Mars est de taille moyenne (R = 3400 km), la Terre (R = 6376 km) et Vénus (R = 6050 km) sont de grande taille. Pour qu'il existe un volcanisme à la surface d'un corps, il est nécessaire (bien que non suffisant) que l'intérieur de ce corps soit suffisamment chaud. Il semblerait donc que l'intérieur de Vénus et de la Terre soit plus chaud que celui de Mars, lui-même beaucoup plus chaud que celui de la Lune et de Mercure. L'énergie interne d'une planète est principalement fournie par la radioactivité naturelle. On a aucune raison de penser que la Lune et Mercure soient moins radioactifs que la Terre ou Vénus. Les teneurs en uranium, thorium et potassium 40 (en gramme/tonne) des roches de ces planètes sont a priori voisines. Alors ? La production de chaleur totale des planètes et des satellites est proportionnelle à leur volume, donc au cube de leur rayon (R3). La chaleur produite s'évacue par la surface de la planète, surface proportionnelle simplement au carré du rayon (R2). Ce qui fixe la température interne de chaque planète, c'est la 'facilité" de l'évacuation de cette chaleur. Plus le rapport volume (dans lequel se produit la chaleur) / surface (par où s'évacue la chaleur) est grand, plus la chaleur a des difficultés à s'évacuer, et plus la température interne d'équilibre à une époque donnée est élevée. Ce rapport volume/surface est fonction du rapport R3/R2, c'est-à-dire fonction de R, rayon du corps. Plus une planète ou un satellite rocheux est gros, plus il est volcanique et actif. Jusqu'à il y a -3 Ga, Mercure, Lune, Mars, Vénus et Terre étaient assez chauds pour être volcaniques. Mais avec le temps, la radioactivité naturelle diminuant inexorablement, la température interne baisse. Vers -3 Ga, les températures internes de la Lune et de Mercure sont descendues sous la température critique permettant le volcanisme. Ce n'est qu'il y a quelques dizaines de millions d'années que Mars a franchi ce seuil. Quant à la Terre et Vénus, leur température interne est encore largement supérieure à cette température critique, et le volcanisme va encore y perdurer pour des milliards d'années.

Relation entre la durée de l'activité volcanique des planètes et satellites silicatés et leur diamètre

Figure 21. Relation entre la durée de l'activité volcanique des planètes et satellites silicatés et leur diamètre

Ce diagramme montre (1) en abscisse : le diamètre des cinq corps telluriques du système solaire interne et (2) en ordonnée : la durée du volcanisme sur ces corps. On voit très bien que les tous petits corps (les astéroïdes, en vert, D < 1000 km) n'ont pas d'activité volcanique postérieure au magmatisme primordial. Les deux petits corps, Mercure et la Lune, en bleu (3000 km < D < 5000 km), ont eu une activité volcanique qui n'a duré qu'1 à 2 Ga. Mars, un corps "moyen" (D ≈ 7000 km) a eu une activité volcanique qui a duré au moins 4 Ga, mais qui semble arrêtée maintenant, ou pour le moins bien ralentie. Vénus et la Terre, les plus gros corps telluriques (D > 12000 km), ont encore un volcanisme actif.


Io, le corps le plus volcanique du système solaire

Io est un satellite silicaté de Jupiter, le seul dont la surface rocheuse soit à l'affleurement (Europe est aussi un satellite silicaté, mais sa surface rocheuse est invisible car recouverte d'une centaine de kilomètres de glace ; les autres satellites, Ganymède et Callisto sont, eux, constitués d'une majorité de glace). Io a approximativement la taille (R = 1816 km) et la masse de la Lune et, comme cette dernière, devrait avoir une activité volcanique arrêtée depuis des milliards d'années. Quelle n'a pas été la surprise en 1979 quand la sonde Voyager 1 a découvert du volcanisme actif sur ce satellite. Vingt ans plus tard, la sonde Galiléo a confirmé ce fait, en dénombrant une dizaine de volcans en activité intense, avec des panaches éruptifs de plusieurs centaines de kilomètres de haut, des lacs de lave bouillonnant avec une température du magma supérieure à 1200°C. Quelle énergie chauffe un corps si petit ? Il s'agit de l'énergie des marées. Io orbite "très près" du gros Jupiter (300 fois la masse de la Terre). La présence d'autres satellites crée des variations forcées de la géométrie de son orbite, variations d'orbite qui entrainent la variation des forces de marées créées par Jupiter, variation des forces de marées qui déforment en permanence le globe de Io. Le diamètre de Io se rallonge et se raccourcit de 100 m toutes les 21h30. De telles déformations sont sources de frictions, elles-mêmes sources de chaleur. Bien qu'ayant une masse 66 fois plus faible que la Terre, Io produit (et évacue) 3 fois plus d'énergie que notre planète. Pas étonnant que ce satellite ait une activité aussi exubérante !

Io, vue générale de ce satellite silicaté de Jupiter

Figure 22. Io, vue générale de ce satellite silicaté de Jupiter

Io est le premier (le plus proche) des 4 satellites galiléens de Jupiter. Sa densité (3,5 g/cm3) et son moment d'inertie indiquent que c'est un corps tellurique, avec un noyau de fer et un manteau silicaté. Même avec cette photo d'ensemble, on voit que Io (R = 1816 km), qui a pourtant la taille de la Lune, ne ressemble pas à la Lune : pas de cratères d'impact (donc sa surface est très jeune), nombreuses coulées de lave, dépressions irrégulières (cratères volcaniques), couleurs allant du rouge au blanc, dues à la présence d'une fine pellicule de composés soufrés recouvrant la surface silicatée.


Panaches éruptifs géants sur Io

Figure 23. Panaches éruptifs géants sur Io

En mars 1979, la sonde Voyager 1 photographie des panaches éruptifs s'échappant à plus de 200 km au-dessus de la surface de Io. Ces panaches sont très riches en vapeur de soufre et en SO2. On a longtemps cru que les volcans de Io étaient des volcans de soufre fondu, jusqu'à ce qu'on prouve que ce volcanisme était bien un volcanisme silicaté, les composés soufrés n'étant que des volatils annexes. En orbite autour de Jupiter de 1995 à 2003, la sonde Galileo confirme et précise ces résultats. Sur cette figure, Galileo a surpris deux éruptions simultanées le 28 juin 1997. Un panache se voit sur le bord gauche de Io (détail sur l'encadré supérieur). Un autre panache est localisé sur le terminateur (limite jour-nuit), au centre de l'image (détail sur l'encadré inférieur). Ce dernier panache apparait comme un cercle blanc et gris, et un triangle brun. Le cercle correspond au panache vu de dessus. Le triangle brun correspond à l'ombre du panache, ombre particulièrement grande lorsque le soleil est rasant, comme c'est le cas au niveau du terminateur.


Coulées et fontaines de lave sur Io

Figure 24. Coulées et fontaines de lave sur Io

En 1999 et 2000, Galileo a survolé 2 fois la région de Tvashtar Catena. Elle a surpris 2 éruptions volcaniques non synchrones et distantes de 25 km entre novembre 1999 et février 2000, avec coulées et fontaines de laves actives. Les caméras de Galileo n'ont pas capté la couleur rouge-orangée de cette lave : la lave, trop lumineuse, a saturé les détecteurs. Les données infra-rouge ont permis de mesurer la température de ces laves, soit plus de 1200°C. C'est en fonction de cette très haute température que la NASA a colorisé ces coulées en jaune-orangé, comme les plus chaudes coulées d'Hawaii.


Activité interne de Io, comparée à celle des autres corps du système solaire

Figure 25. Activité interne de Io, comparée à celle des autres corps du système solaire

Cette figure montre la relation entre la durée de l'activité volcanique et le diamètre des corps telluriques. On voit très bien que les tous petits corps (les astéroïdes, en vert, D < 1000 km) n'ont pas d'activité volcanique postérieure au magmatisme primordial. Les deux petits corps, Mercure et la Lune, en bleu (3000 km < D < 5000 km), ont eu une activité volcanique qui n'a duré qu'1 à 2 Ga. Mars, un corps "moyen" (D ≈ 7000 km) a eu une activité volcanique qui a duré au moins 4 Ga, mais qui semble arrêtée maintenant, ou pour le moins bien ralentie. Vénus et la Terre, les plus gros corps telluriques (D > 12000 km), ont encore un volcanisme actif. Io, avec son diamètre très voisin de celui de la Lune, devrait avoir un volcanisme éteint depuis 3 Ga. Au lieu de cela, Io est encore actif aujourd'hui, et quelle activité ! Ce sont les marées qui fournissent l'énergie supplémentaire qui réchauffe Io, bien plus que ne le fait la radioactivité naturelle.


Io et Jupiter

Figure 26. Io et Jupiter

Io est le satellite galiléen le plus proche de Jupiter. Situé à peine à 35 000 km de la surface du "gros" Jupiter (317 fois la masse de la Terre) et orbitant autour de lui en moins de 43 h, Io est soumis à des forces de marées très importantes qui le déforment. Ces déformations entrainent des frictions internes, sources de chaleur à l'origine de son exubérant volcanisme.


Encelade et le volcanisme des satellites de glace

Dans le système solaire externe, là où la température externe est inférieure à 180°C, sur les 17 satellites majeurs des planètes géantes, 15 sont majoritairement constitués de glace. Certains ne sont pas ou peu différenciés, et sont constitués d'un mélange fer/silicates/glace. D'autres sont différenciés, avec 3 enveloppes concentriques : fer, silicates, glace. Radioactivité des silicates sous-jacents et marées peuvent suffisamment réchauffer cette glace pour la fondre localement et donner de l'eau liquide. Si celle-ci gagne la surface, on obtient un volcanisme bien particulier, dont les résultats sont des coulées de glace et des jets de vapeur se condensant immédiatement en panaches de microcristaux de glace. On parle de cryovolcanisme. Encelade, petit satellite de Saturne (250 km de rayon) est le corps pour lequel ces phénomènes sont les plus spectaculaires. La surface est intensément déformée par des mouvements internes de la couche de glace. Et par des fissures nommées sulci, qui ressemblent à des rifts, s'échappent des panaches de vapeur et d'aérosols glacés s'élevant à plusieurs centaines de kilomètres au-dessus de la surface. L'analyse de ces panaches a montré qu'ils sont constitués d'eau salée riche en molécules organiques, ce qui n'est pas sans intérêt en exobiologie.

Encelade, vue générale de ce petit satellite de Saturne, recouvert d'un manteau de glace

Figure 27. Encelade, vue générale de ce petit satellite de Saturne, recouvert d'un manteau de glace

Encelade est le deuxième plus petit (R = 250 km) des 7 satellites majeur de Saturne. Il est constitué d'un noyau ferro-silicaté recouvert d'un manteau de glace qui occupe plus des 2/3 du volume du satellite. La radioactivité naturelle des silicates, et surtout les forces de marées (comme pour Io) réchauffent ce manteau glacé qui est animé de mouvements internes complexes déformant la surface qui nous montre une débauche de plis, de failles, de fissures, de rift… Les lettres PS indiquent la position (approximative) du pôle Sud.


Figure 28. Un "rift" (sulcus) sur Encelade, Damascus Sulcus

Cette vue oblique montre un détail de l'une des fissures visibles près du pôle Sud. Sa ressemblance avec le rift océanique d'une dorsale lente est saisissante.


Les éruptions d'Encelade

Figure 29. Les éruptions d'Encelade

Sur cette photo (colorisée) prise le 21 novembre 2009, on voit les fissures (sulci) situées près du pôle Sud émettre des panaches de vapeur se condensant immédiatement en aérosols de microcristaux de glace. Toutes les parties droites des fissures sont situées dans la nuit, mais les parties supérieures des jets de glace sont encore éclairées par le Soleil et matérialisent la géométrie fissurale de ce cryovolcanisme actif.


A. Cahiers du Règne Minéral, juin 2012

Le premier numéro des Cahiers du Règne Minéral, s'intitule Les météorites différenciées. Il comporte 68 pages au format 21x30cm, plus de 120 illustrations inédites et a été réalisé par une équipe de spécialistes.

Les thèmes abordés dans ce cahier sont :

  • Introduction générale : Les chutes, croûte de fusion, les cratères, la différenciation, les astéroïdes, quelques anecdotes concernant des météorites différenciées, les accidents, l'utilité d'une collection, le réseau FRIPON (la "mission spatiale du pauvre").
  • Historique des chutes en France.
  • Monographie des chutes importantes en France : Caille (06), Juvinas (07), Chassigny (52), Albi-sur-Chéran (74).
  • Vesta et la mission Dawn.
  • Les météorites de Vesta et sa géologie.
  • Mars et Curiosity.
  • Les météorites martiennes et la géologie de Mars.
  • La Lune, un satellite de la Terre - les missions et pourquoi retourner sur la Lune.
  • Les météorites de la Lune et la géologie de la Lune.
  • Chondrites = achondrites à Enstatite et la Terre.
  • La Terre est une planète (le noyau)
  • Les fers et les textures de Windmannstätten.
  • Les pallasites et l'absence de manteau.
  • Les groupes rares (uréilites, etc).
  • Le pas encore et le presque déjà (les achondrites primitives).
  • Le volcanisme dans le système solaire.
  • Les impacts : second phénomène géologique majeur du système solaire.
  • Histoire de chocs (les mésosidérites, le hit and run, Chixulub et les dinosaures).
  • Rappel historique sur les missions spatiales.
  • Classification des objets différenciés.
  • Glossaire.