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Article | 10/01/2001

Pourquoi et comment modéliser les processus tectoniques

10/01/2001

Pascal Allemand

Université Claude Bernard, Lyon

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les principes de la modélisation analogique, application à la modélisation des processus tectoniques.


Question

« Dans les modélisations de collision, les chercheurs utilisent 3 matériaux superposés : sable pour le croûte, silicone (asthénosphère ou lithosphère ?) et miel (croûte inférieure ou lithosphère ?) A quoi correspondent le silicone et le miel et pourquoi ce choix ? Dans l'espoir d'une réponse, pour une modélisation en travaux croisés en 4ème. »

Question posée par L. R., le 10 Novembre 2000, par courrier électronique.

Réponse

En résumé

Un modèle analogique n'est pas une imitation de la réalité, c'est une projection dans un nouvel espace du phénomène étudié. Il repose sur un dimensionnement qui permet de vérifier que le phénomène observé à l'échelle du laboratoire, sur de courtes durées, est l'exacte représentation du phénomène géologique se déroulant sur des durées géologiques. Le modèle essaie de reproduire le profil rhéologique de l'enveloppe géologique que l'on veut modéliser, c'est-à-dire la superposition de milieux dont le comportement fragile ou ductile sont connues. Plusieurs solutions sont possibles en fonction du profil que l'on souhaite reproduire.

Maquette de modélisation mécanique de la lithosphère

Dans le cas d'une lithosphère continentale froide, de haut en bas, on distingue la croûte supérieure (fragile), la croûte inférieure (ductile), la lithosphère supérieure (fragile), la lithosphère inférieure (ductile) passant à l'asthénosphère (très ductile). Les modélisateurs emploient généralement le sable sec pour les niveaux fragiles, divers silicones qui sont ductiles (à faible vitesse de déformation) et du miel pour les niveaux très ductiles. La simulation analogique de la lithosphère continentale décrite ci-dessus serait donc un modèle à 5 couches : sable, silicone, sable, silicone, miel.

Plus en détails

La théorie

L'expérimentation en tectonique est une discipline qui a pris de l'importance dans les années 80. Le problème était de comprendre les relations entre le champ de déformation dans un contexte géodynamique donné et la mécanique associée à ce contexte. Il fallait donc définir les propriétés mécaniques de l'objet étudié (lithosphère, croûte ou portion de la croûte) et construire au laboratoire des maquettes dimensionnées de l'objet. Il s'agissait ensuite d'appliquer des conditions aux limites à l'objet en terme de contraintes ou de vitesse pour observer et quantifier le champ de déformation résultant.

En simplifiant, les roches se comportent de façon fragile (déformation localisée le long de failles) ou de façon ductile (déformation délocalisée s'exprimant par des plis et des zones de cisaillement). La déformation fragile va être présente plutôt prés de la surface à faible pression et faible température. La déformation ductile sera caractéristique généralement de hautes pressions et de fortes températures.

Profil de résistance de la lithosphère froide

Du profil de croûte ou profil du modèle

Les mesures de résistance des roches effectuées au laboratoire montrent :

  1. que la résistance fragile augmente avec la pression ;
  2. que la résistance est indépendante de la vitesse de déformation ;
  3. que la cohésion des roches est négligeable vis-à-vis des contraintes développées dans la lithosphère.

Les mesures effectuées dans le domaine de déformation ductile montrent que :

  1. la résistance diminue quand la vitesse de déformation diminue ;
  2. la résistance décroît avec la température ;
  3. la résistance dépend de la minéralogie des roches.

Les roches caractéristiques de la croûte sont moins résistantes que les roches caractéristiques du manteau. Il est alors possible de représenter un profil de résistance de la lithosphère. Depuis la surface, la résistance augmente avec la profondeur dans le domaine fragile puis diminue avec l'augmentation de température dans le domaine ductile. Sous le Moho, il est possible que les premiers kilomètres du manteau lithosphérique soient fragiles. La partie inférieure de la lithosphère est ductile avec une résistance très faible à sa base. L'asthénosphère étant proche du point de fusion, elle est très peu résistante.

La réalisation des modèles analogiques

Pour réaliser des maquettes à partir de ces éléments, il faut 

  • trouver des matériaux analogues ;
  • effectuer un dimensionnement de la maquette.

Le sable est un bon analogue du comportement fragile des roches. Il se déforme de façon localisée et a une cohésion négligeable vis à vis des contraintes que l'on peut développer au laboratoire. La silicone est un matériau visqueux dont la viscosité est de l'ordre de 104 Pa.s. On utilise du miel liquide pour représenter l'asthénosphère qui est visqueuse et très peu résistante. Les conditions suivantes doivent être remplies pour le dimensionnement :

  • la maquette doit être représentative au point de vue géométrique de l'objet que l'on veut étudier ;
  • la maquette doit être représentative au point de vue mécanique de l'objet que l'on veut étudier.
Maquette à 5 niveaux rhéologiques différents

Dimensionner un modèle

Pour effectuer ce dimensionnement, on calcule des nombres sans dimension caractéristiques de l'objet naturel. Par exemple si on étudie une croûte de 40 km d'épaisseur dont la moitié supérieure est fragile, il faut que la maquette soit constituée de deux couches d'épaisseur identique. Cette homothétie géométrique est très simple à réaliser. L'homothétie mécanique est plus délicate. Il faut que le rapport entre les forces nécessaires à déformer la partie fragile de la maquette et les forces nécessaires à déformer la partie ductile de la maquette soit identique au rapport crustal. Ceci détermine la gamme de vitesse à laquelle pourra se faire l'expérience.

Il faudra aussi respecter l'homothétie des densités. Si l'expérience est réalisée à l'échelle de la lithosphère, le rapport de densité entre les couches représentatives de la croûte et les couches représentatives du manteau devra être identique au rapport que l'on connaît pour la lithosphère.

La simulation analogique de processus tectoniques ne consiste pas à comparer des géométries naturelles avec des géométries expérimentales mais à comprendre l'influence de paramètres géométriques et mécaniques sur un champ de déformation. Du fait des incertitudes sur la lithosphère, le dimensionnement va donner une large gamme de maquettes possibles. C'est l'exploration des différentes possibilités qui permet de cerner l'importance des divers facteurs.

Profil rhéologique d'une lithosphère continentale chaude

Figure 6. Profil rhéologique d'une lithosphère continentale chaude

On considère ici que la croûte supérieure est minéralogiquement différente de la croûte inférieure.